Le nouveau président de la République Emmanuel Macron envisage de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires sur la durée du quinquennat, en précisant que la Fonction publique hospitalière ne serait pas touchée, que 70 000 suppressions concerneraient la Territoriale et 50 000 l’État. Il souhaite « préserver » la sécurité et l’Éducation avec respectivement 10 000 postes pour l’Intérieur et 4 000 à 5 000 créations nettes pour le MEN. Le programme ne dit pas, en revanche, quels secteurs seraient concernés par les coupes, il prétend même « élargir les horaires d’ouverture des services publics le samedi et en soirée ». La seule véritable piste avancée pour absorber les suppressions réside dans la « transformation numérique du service public » qui permettrait de « rendre le même service avec un moins grand nombre d’agents » : les dangers de la dématérialisation totale associée à une suppression d’agents en contact avec le public ont été récemment illustrés par le film Moi, Daniel Blake qu’on reverra donc de toute urgence…
Parce que vous le méritez bien
On lit dans le programme que « le statut des fonctionnaires sera modernisé et décloisonné, par un assouplissement du système rigide des corps ». S’il s’agit de remettre en cause une fonction publique où le recrutement par concours, la distinction du grade et de l’emploi et le droit à une carrière garantissent une certaine égalité de traitement des usagers, le SNES-FSU combattra ces orientations. Le programme parle aussi « d’ouvrir la Fonction publique à l’expérience de profils issus de la sphère de l’entreprise ». Si la mesure n’est ni nouvelle ni dénuée d’intérêt en elle-même, elle relève d’une volonté d’ériger en modèle la culture du privé et, en creux, jette le soupçon sur la capacité de la Fonction publique à trouver en son sein les compétences pour s’adapter aux évolutions. On retrouve là les théories du « nouveau management public ». Dans cette même logique, une série de mesures vise à prendre davantage en compte le « mérite » dans les rémunérations et les carrières, et chaque service serait davantage incité à « afficher ses résultats sur la base d’indicateurs concrets ».
Plus de pouvoir pour les chefs d’établissement
Or, une telle politique se traduit souvent par un pouvoir accru des chefs de service managers qui,
le nez sur des indicateurs comptables, désignent comme méritants ceux qui se plient à ces logiques et non ceux qui font bien leur travail. Enfin, En Marche ! prévoit la restauration d’un jour de carence, c’est-à-dire la retenue d’un trentième de salaire par arrêt maladie, et la mise en place de retraites « par points » qui auraient un impact important pour la future pension des fonctionnaires. Pour appliquer ce programme, la tentation du pouvoir sera grande de rejeter les fonctionnaires dans le camp de l’archaïsme, s’opposant aux évolutions par défense corporatiste de privilèges. Tout l’enjeu de la période sera de convaincre qu’au contraire ce sont nos propositions qui, parce qu’elles sont porteuses d’intérêt général, sont modernes.
Nouveau gouvernement : et la Fonction publique ?
Plusieurs syndicats de fonctionnaires, dont la FSU, se sont inquiétés de l’absence d’un ministère de plein exercice pour les 5,4 millions d’agents des trois fonctions publiques (État, territoriaux et hospitaliers), et surtout du lien entre action et comptes publics dans le portefeuille de Gérald Darmanin (Les Républicains), nommé ministre de l’Action et des Comptes publics, qui pilotera les comptes publics (budget) et sociaux (comptes de la Sécurité sociale), ainsi que la Fonction publique et la Réforme de l’État. Dans son communiqué, la FSU prend acte de la composition du nouveau gouvernement et regrette que la Fonction publique ne soit pas un ministère de plein exercice. De plus, l’intitulé lie clairement l’action publique aux comptes publics. Pour la FSU, il n’est pas acceptable de traiter des missions de services publics par le seul prisme budgétaire. Elle portera ses exigences pour faire valoir la nécessité de service public sur l’ensemble du territoire afin de répondre aux besoins des usagers. Elle défendra ses propositions pour conforter la Fonction publique et les agents dans leurs missions d’intérêt général. La FSU rappellera que l’investissement public est nécessaire pour permettre l’égal accès de toutes et tous aux droits fondamentaux.