Lucidité ou mauvaise foi ?
Dressant un constat très négatif du malaise à l’École – « élèves malheureux, parents anxieux, profs désabusés », le Président n’en attribue nullement la cause à la multiplication des réformes durant ces cinq dernières années, ni à la diminution drastique des moyens et des personnels… mais à une organisation collective qu’il entend désormais changer, en bannissant décrets et circulaires accusés de tous les maux, au profit d’une valorisation des initiatives particulières de terrain, présentées comme seul levier de l’innovation pédagogique, sans prétention à être généralisées.
Les projets d’établissements conditionneront l’attribution de moyens pour les établissements et d’une partie de la rémunération des enseignants. Finalement, E. Macron reproche à son précédent ministre de ne pas être allé assez loin dans la dérégulation du service public d’éducation et revendique de façon décomplexée et assumée, l’hétérogénéité de traitement entre établissements, personnels et élèves in fine.
L’orientation elle aussi, dans cette perspective, doit se faire autrement. Selon lui, « …nous ne faisons pas notre travail comme il se doit, en termes d’orientation… Pour mieux choisir, il faut informer au plus tôt…». Devraient donc se mettre en place dans les collèges, dès la 5ème, des « demi-journées avenir » pour « éveiller les vocations » en faisant découvrir les métiers « techniques, manuels et relationnels » et en mettant en valeur « d’autres formes d’intelligence » grâce à l’intervention des entreprises et des acteurs de l’extérieur.
Une reprise des “formes d’intelligence multiples“ développée sur le site de « Trouve ta voie » (association créée avec des anciens de l’ESSEC) et utilisée par l’AFEV dans ses animations, mais qui n’a jamais reçu de validation scientifique !
Cette conception de l’orientation dans une perspective strictement adéquationiste et réduite à sa dimension professionnelle n’est en rien « révolutionnaire » ou innovante mais bien au contraire très rétrograde.
Bientôt le retour des CPA[1] en collège ?
En parallèle, une nouvelle réforme de la formation professionnelle est à l’ordre du jour sur le modèle de l’apprentissage. Elle comportera encore moins de formation générale et une augmentation de 50% du volume des stages rémunérés afin de se rapprocher de l’alternance, pour mieux répondre aux besoins du marché et des entreprises.
Le dispositif des « demi-journées avenir en 5ème » devrait se mettre en place à titre expérimental cette année. Parions que les élèves de REP et REP + seront les premiers « volontaires-désignés » pour perdre 3h à 4h de cours par semaine, afin de trouver le métier « manuel » qui leur convient !
Continuant à ignorer délibérément les travaux de recherche et en particulier les processus d’élaboration des projets d’orientation et les biais sociaux et de genre qui les affectent, les concepteurs de ces réformes pourront être rassurés : chacun restera à sa place et l’École fera des économies !
Des PsyEN, sans doute trop soucieux de déontologie et de l’émancipation des élèves, il n’est bien entendu jamais question !
Lire aussi:
https://www.snes.edu/article/orientation-a-la-sauce-macron-retour-vers-le-futur/
[1] CPA Classes préparatoire à l’apprentissage des années 70