Le décret 2015-1529 du 31 décembre 2015 relatif à l’évaluation des acquis scolaires des élèves et au livret scolaire, complété par les arrêtés du 31 décembre 2015 fixant le contenu du livret scolaire de l’école élémentaire et du collège et relatif aux modalités d’attribution du diplôme national du brevet (DNB) sont parus au JORF du 3 janvier 2016.
Avec ces textes, auxquels il ne manque que la note de service précisant l’organisation des épreuves du DNB, s’achève le travail d’application de la Loi de refondation de 2013 dans son volet « scolarité obligatoire » cantonnée à 16 ans, conçue comme un bloc école – collège sans visibilité sur le lycée. Réforme du collège, socle commun de connaissances, de compétences et de culture et sa déclinaison en programmes de cycle et parcours, livret scolaire et DNB pouvant s’affranchir de la note chiffrée, le tout à mettre en musique localement à l’aide des conseils (école-collège, de cycle, pédagogique) et des dispositifs (ppre, pap…) inventés pour cela, l’ensemble est cohérent dans son objectif principal : s’adapter au local, sans volonté de garder des objectifs nationaux pour les élèves. Il cherche aussi à transformer sans le dire les pratiques professionnelles de personnels jugés peu « bienveillants » envers les élèves et dont le travail collectif échappe aux hiérarchies. Plutôt que de s’attaquer aux inégalités scolaires en partant des résultats de la recherche et travaillant finement la pédagogie et la formation des personnels, le gouvernement fait le choix de la démagogie : sous couvert de « bienveillance », il cherche à primariser le collège, étouffe au passage les collectifs de travail en les obligeant à rentrer dans les cases de réunions institutionnelles formatées, et se sert de l’évaluation pour piloter le tout.
Principales dispositions des textes, mis en application à la rentrée 2016
Le décret
Dorénavant, le CA fixe la périodicité de transmission du livret scolaire aux parents, en collège comme en lycée (Art. 1).
Le niveau de maîtrise de chacune des 4 composantes du domaine 1 et de chacun des 4 autres domaines du socle est évalué en fin de Sixième et de Troisième sur une échelle de 1 à 4 (1- maîtrise insuffisante, 2- maîtrise fragile, 3- maîtrise satisfaisante, 4- très bonne maîtrise). Le socle est considéré comme maîtrisé si l’élève se situe aux échelons 3 ou 4 en fin de cycle 4 (Art. 2).
Il est mis en place un livret scolaire de la scolarité obligatoire (Art. 4), comportant les « bilans périodiques » (anciennement bulletins scolaires) et les bilans de fin de cycle (évaluation des niveaux de maîtrise du socle). Quand un élève change de cycle (passage en Cinquième ou en Seconde), sont maintenus dans le livret le bilan de fin de cycle et les bilans périodiques de la dernière année du cycle, de façon à renseigner les enseignants (Art. 5).
« L’évaluation des acquis de l’élève, menée en référence au socle commun de connaissances, de compétences et de culture pour le collège, est réalisée par les enseignants, avec, le cas échéant, la collaboration de l’équipe éducative. Elle a pour fonction d’aider l’élève à progresser et de rendre compte de ses acquis. Les élèves ainsi que les parents ou le responsable légal sont informés des objectifs, des modalités et des résultats de cette évaluation. Le bilan des acquis est régulièrement communiqué à l’élève et à ses représentants légaux par le chef d’établissement ou, en son nom, par le professeur principal, ou par un membre de l’équipe pédagogique. En fonction de ce bilan, les enseignants proposent des modalités d’accompagnement afin de permettre à l’élève d’atteindre les objectifs du cycle. » (Art. 10).
Le Certificat de formation générale est mis en cohérence avec les nouvelles modalités d’évaluation du socle (art. 14 à 16).
L’arrêté fixant le contenu du livret scolaire de l’école élémentaire et du collège
Le texte précise que les bilans de fin de cycle comprennent en plus de l’évaluation des niveaux de maîtrise du socle « une appréciation sur les acquis scolaires du cycle et, le cas échéant, des conseils pour le cycle suivant. Une annexe de correspondance est jointe au bilan périodique pour favoriser le dialogue avec les parents de l’élève. » (Art. 5). Les bilans sont visés par le chef d’établissement ou son adjoint, mais aussi dorénavant par le professeur principal et les responsables légaux de l’élève (Art. 6). Le ministère développe actuellement une application dite LSun (Livret scolaire unique numérique), qui permet la transmission lors d’un changement de lieu de scolarisation (Art. 8).
Deux annexes précisent pour la Sixième (cycle 3, annexe 2) et pour Cinquième-Quatrième-Troisième (cycle 4, annexe 3) le contenu des bilans périodiques : pour chaque discipline, éléments de programme travaillés dans la période, ainsi que les » acquisitions, progrès ou difficultés éventuelles des élèves », note « ou tout autre positionnement de l’élève au regard des objectifs d’apprentissage fixés sur la période ». Figureront aussi
« Une indication des actions réalisées dans le cadre de l’accompagnement personnalisé, ainsi qu’une appréciation de l’implication de l’élève dans celles-ci. 4. La mention et l’appréciation des projets réalisés dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires, en précisant la thématique travaillée et les disciplines d’enseignement concernées. 5. Le cas échéant, la mention et l’appréciation des projets mis en œuvre durant la période dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle, du parcours citoyen et du parcours Avenir ».
Il sera enfin mentionné si l’élève est en PAP, PAI, PPRE, PPS, ULIS, UPE2A, SEGPA etc., les vœux et la décision d’orientation en Troisième, le nombre de demi-journées d’absences, justifiée et non-justifiées par les responsables légaux.
L’arrêté relatif aux modalités d’attribution du diplôme national du brevet
Les séries générales et professionnelles sont maintenues (Art. 1), ainsi que les mentions (Art. 10). Il est créé une mention « langues régionales » (Art. 12).
Art. 6. – Le diplôme national du brevet est décerné aux candidats (…) ayant obtenu un nombre total de points au moins égal à 350 sur 700. Ce total correspond aux points attribués selon le niveau de maîtrise de chacune des composantes du premier domaine et de chacun des quatre autres domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ajoutés à ceux obtenus par les notes des épreuves d’examen.
Art. 7. – (…), l’examen comporte trois épreuves obligatoires :
– une épreuve orale qui porte sur un des projets menés par le candidat dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires du cycle 4, du parcours Avenir, du parcours citoyen ou du parcours d’éducation artistique et culturelle
– une épreuve écrite qui porte sur les programmes de français, histoire et géographie et enseignement moral et civique;
– une épreuve écrite qui porte sur les programmes de mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre et technologie
Art. 8. – Le décompte des points (…) s’effectue ainsi :
– pour chacune des quatre composantes du domaine 1 «les langages pour penser et communiquer» et pour chacun des quatre autres domaines de formation du socle (…) :
– 10 points si le candidat obtient le niveau «Maîtrise insuffisante» ;
– 25 points s’il obtient le niveau «Maîtrise fragile» ;
– 40 points s’il obtient le niveau «Maîtrise satisfaisante» ;
– 50 points s’il obtient le niveau «Très bonne maîtrise» ;
– pour chacune des trois épreuves obligatoires de l’examen, de 0 à 100 points.
Des points supplémentaires sont accordés aux candidats ayant suivi un enseignement de complément (…) :
– 10 points si les objectifs d’apprentissage du cycle sont atteints ;
– 20 points si les objectifs d’apprentissage du cycle sont dépassés. Le niveau atteint est apprécié par l’enseignant ayant eu en charge l’enseignement de complément suivi par l’élève.
L’avis du SNES-FSU
On est loin des engagements à effectuer un travail sur la pédagogie et la promesse de retravailler dans ce cadre les préconisations du Conseil supérieur des programmes.
Le ministère a mis en place un cadrage bureaucratique de l’évaluation destiné principalement à la communication avec les parents. Sous couvert de simplification et de transparence vis-à-vis des élèves et des parents, les nouvelles dispositions vont générer du travail supplémentaire pour les personnels, sans aucune efficacité pédagogique. Les bilans deviennent tatillons, ils seront plus longs à remplir. Si l’évaluation binaire acquis/non acquis du LPC est à juste titre abandonnée, l’évaluation du socle en fin de Sixième et de Troisième, avec huit item sur une échelle de 1 à 4, est particulièrement illisible et peu opératoire. Elle sera très complexe à mettre en œuvre. Comment évaluer un élève sur la citoyenneté (domaine 3) ? Comment le positionner sur le seul item « maitrise des langages des arts et du corps », regroupant EPS, éducation musicale et arts plastiques (sous-domaine du domaine 1) ? Comment évaluer les « méthodes et outils pour apprendre » toutes disciplines confondues (domaine 2) ? etc. Citons enfin le contenu du livret scolaire : comment par exemple évaluer « l’implication de l’élève » en Accompagnement personnalisé ?
Certaines disciplines disparaissent quasiment du DNB : enseignements artistiques, EPS, ce qui est inadmissible, en particulier par la hiérarchie disciplinaire induite. L’épreuve d’Histoire des arts est supprimée. Ses modalités posaient problème, mais elle avait permis de porter une plus grande attention aux enseignements artistiques, et plus largement à la formation artistique et culturelle des élèves au sein des collèges. L’histoire des arts – qui fait maintenant l’objet d’un programme au cycle 3 et au cycle 4 – pourrait être partie prenante du DNB dans le cadre du PEAC ou des EPI, mais sans obligation. Il faudra attendre la note de service sur le DNB pour connaître le détail de l’organisation de l’épreuve orale, mais aussi des nouvelles épreuves écrites, dans lesquelles entrent maintenant technologie, physique-chimie et Sciences de la vie et de la Terre.
Le SNES-FSU a émis un avis défavorable sur ces textes en Conseil supérieur de l’éducation. Des outils « de positionnement des élèves » quant au socle sont annoncés par le ministère. Ils ne seront pas de nature à sauver la situation. De même, le ministère tente de rassurer sur l’application numérique LSun, indiquant qu’elle sera transparente, les établissements pouvant garder leur application habituelle, qui sera lue par LSun. Il n’en demeure pas moins que les rubriques EPI et AP devraient être renseignées avec un certain détail, et que le bulletin version papier passe de 1 à 3 ou 4 pages. Une fois de plus, le numérique, qui pourrait être utilisé pour diminuer la charge de travail, aura l’effet inverse, d’autant que le matériel nécessaire n’est pas toujours suffisament disponible dans les collèges.
Le SNES-FSU appelle la profession à s’emparer de ces textes et à en débattre dans le cadre de la préparation de la grève du 26 janvier.
Les contributions du SNES et de la FSU à la conférence nationale sur l’évaluation des élèves : ici.