Cette confirmation d’annonce ne règle d’abord en rien le problème structurel des mathématiques au Lycée Blanquer, qui demeure, dans toute sa crue réalité, et que le temps qui passe confirme : ce sont encore et toujours près de 50% des élèves de Seconde poursuivant en voie générale qui n’auront pas un enseignement complet de mathématiques sur la totalité des 3 années du lycée. Avant la réforme, ils étaient 14% dans ce cas…
Ces deux chiffres donnent une idée du chemin qui reste à parcourir, alors que l’annonce de la ministre confirme un renoncement à la possibilité de compléter l’enseignement des mathématiques sur la totalité des trois ans de la voie générale … quand il en est ainsi en voie technologique !

Pourtant, il est plus que temps de reconquérir ce qui a existé dans le passé, sous des formes diverses : le SNES-FSU porte la demande d’une poursuite d’un enseignement de mathématiques en Terminale, pour un ensemble de raisons, qui vont de la nécessité par exemple de continuer à maintenir frais les apprentissages dans la discipline (par exemple pour de futur.es Professeur.es des Ecoles qui auront à les enseigner, de futur.es étudiant.es qui, même en sociologie ou psychologie en auront besoin) ; ou encore pour de futurs citoyen-nes, qui auront à appréhender des débats pouvant être conditionnés par des notions mathématiques exclues pour le moment du programme d’enseignement spécifique de Première, ou survolées dans celui-ci (limites d’un sondage par exemple, place, rôle et poids des algorithmes ou du traitement des “data” dans un monde appelé à passer sous la coupe des IA), ou à disposer d’une culture humaniste et ouverte sur le monde, que la connaissance des rapports inter-civilisationnels historiques autour du bassin méditerranéen ou que l’histoire des concepts et des recherches en mathématiques peuvent illustrer. Il ne s’agit pas nécessairement d’envisager un décalque des programmes de Spécialité, mais de donner à voir d’autres dimensions des mathématiques, qui peuvent s’apparenter à un enseignement de “réconciliation” pour des élèves en rupture avec elles depuis plusieurs années.

Coup d’arrêt ?

Cette annonce a ainsi pour fonction de faire croire que le problèmes des mathématiques est réglé dans le cadre du lycée Blanquer, dans sa (n+1)-ième version bricolée, alors même que les ministres successifs n’arrivent pas à remédier, par retouches ponctuelles, mêmes multiples et répétées, aux problématiques de fond de la réforme du lycée. Une situation qui confirme que celui-ci doit donc être entièrement repensé, dans sa globalité, y compris pour les mathématiques, décidément emblématiques.

Beaucoup de flou …

Après cette annonce, il reste beaucoup de questions, sur le format de l’épreuve et sur ses effets sur les programmes de Seconde et Première. Rappelons en effet que la lettre de commande au Conseil Supérieur des Programmes (CSP) de N. Belloubet, non remise en cause par A. Genetet, n’excluait pas des ajustements de ces programmes… qui restent entièrement à définir.

La ministre précédente considérait nécessaire de prévoir des épreuves d’examen adaptées aux trois profils d’élèves de Première : en premier lieu entre élèves de la voie technologique d’un côté et de la voie générale de l’autre ; et, en second lieu, parmi ces derniers, distinction selon le suivi ou non de la Spécialité en Première. C’était déjà oublier qu’il y a pratiquement deux profils dans chacune des voies (suivi ou non de la Spécialité Mathématiques en voie générale ; suivi ou non d’une Spécialité Mathématiques / Sciences Physiques). Si N. Belloubet avait estimé inutile cette seconde distinction, A. Genetet n’a pas été très claire sur la voie technologique en général, quand le minimum est bien d’envisager trois profils de candidats …

… et pourtant des points essentiels à trancher …

S’il doit y avoir une nouvelle épreuve en fin de Première – ce dont le SNES-FSU n’est pas demandeur pour les raisons explosées plus haut -, il est absolument nécessaire que les sujets correspondent pleinement aux enseignement suivis, à toutes les dimensions de l’enseignement des mathématiques en France et à tous les objectifs des programmes : s’agissant d’une épreuve de Baccalauréat, premier grade universitaire, ce n’est pas rien pour le SNES-FSU.
Il est ainsi notamment indispensable que le format de l’épreuve ne la transforme pas en évaluation standardisée, du type PISA ou de la DEPP, puisqu’il s’agit, non pas de produire des statistiques, mais de s’assurer de la maîtrise de savoirs et savoir-faire pouvant permettre une bonne intégration dans l’enseignement supérieur. Ne pas le faire, comme a tenté de l’argumenter le Conseil Scientifique de l’Education Nationale (CSEN) qui s’est spontanément saisi du sujet au début de l’été, serait porter un nouveau coup au baccalauréat en y introduisant une vision des mathématiques réduites à l’évaluation exclusives de techniques basiques, ou centrées sur des micro-compétences parcellaires et déconnectées les unes des autres, sur le modèle de PISA voire de la DEPP : ce serait passer d’un diplôme à une simple certification, avec les conséquences éventuelles sur l’instauration soit de tests complémentaires (il en existe déjà un, soutenu par une fondation privée qui promeut l’enseignement privé et à domicile !), soit tendre peu à peu vers des concours d’entrée dans le Supérieur, issues que nous combattons l’une comme l’autre. Ce serait aussi ouvrir la porte à la standardisation des pratiques enseignantes, déjà largement sous-jacentes dans la réforme du Choc des Savoirs en collège.

… et de vrais problèmes à résoudre plutôt qu’à aggraver !

Comme à chaque fois qu’un ministre a tenté de régler un problème lié aux mathématiques dans le Lycée Blanquer, sa “solution” apporte son lot de problèmes nouveaux, ou aggrave en réalité le projet ! G. Attal, N. Belloubet, et A. Genetet, dans un même élan global, n’y échappent pas, sur au moins deux aspects.

En premier lieu, cette épreuve va ainsi très largement faire doublon avec le contrôle continu, par exemple pour les élèves suivant la Spécialité Maths en Première et en Terminale : ce serait là une belle occasion d’alléger ce contrôle continu dont on sait à quel point il stresse les élèves et les familles, voire d’en finir avec lui, mais la ministre ne semble pas du tout sur cette position, qui serait pourtant la voie de la sagesse.
En second lieu, les notes d’examen de fin de Première pourraient très rapidement être instrumentalisées pour évaluer, dans le cadre de Parcoursup, leur éventuel décalage avec les notes de contrôle continu, le profilage de lycées entiers… renforçant la logique de sélection selon les établissements d’origine qui pèse réellement sur les candidat.es. Là aussi, c’est le chemin opposé qu’il faudrait prendre, sauf à assumer le renforcement des logiques délétères à l’oeuvre depuis la mise en place du Lycée Blanquer.

A travers cette annonce, A. Genetet confirme donc bien une orientation politique, réactivée par G. Attal : celle de plein déploiement de la logique du Choc des Savoirs, jusqu’au lycée, dont elle est un élément, éloigné peut-être du collège, en pleine cohérence avec elle.


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