Mépris 2024

La refonte de l’ensemble des programmes de l’enseignement moral et civique, du primaire à la terminale, a été initiée par Pap Ndiaye juste avant qu’il ne quitte le Ministère de l’éducation nationale. Dans sa lettre de saisine du Conseil supérieur des programmes il annonçait déjà le doublement de l’horaire d’EMC au cycle 4 (5e, 4e et 3e) sans en préciser les modalités (lire notre analyse). C’était un engagement d’Elisabeth Borne au “CNR (Conseil national de la refondation) éducation”, en cohérence avec le projet macroniste actuel de « réarmer civiquement la jeunesse ».

Une promesse sans moyens…

Coup sur coup le président de la République (lors de sa conférence de presse du 16 janvier) et le désormais Premier ministre (lors d’un déplacement dans le Rhône le samedi 20 janvier) ont à leur tour évoqué le doublement de l’horaire d’EMC – ou plutôt “d’instruction civique” (sic).

Or les moyens accordés aux établissements pour organiser les enseignements à la rentrée 2024 sont désormais connus, et les 18 heures supplémentaires par classe nécessaires pour l’EMC ne figurent pas dans les DHG (dotations horaires globales). Ces dernières ne suffiront déjà pas à organiser les regroupements de niveau en mathématiques et français eux aussi annoncés par Gabriel Attal, ni le théâtre obligatoire autre promesse médiatique présidentielle. De manière générale la rentrée prochaine se prépare sans texte réglementaire fiable – à moins de considérer que le dossier de presse du “choc des savoirs” n’ait pris valeur de décret ou d’arrêté fixant l’organisation des enseignements, les horaires et les programmes.

… ni programme !

Non seulement les heures correspondant aux annonces n’existent pas, mais les programmes eux-mêmes ont pris un retard certain. A ce jour, le CSP, qui devait rendre sa copie à l’automne 2023, n’a mis en ligne aucun projet. Il est impossible dans ces conditions, compte-tenu de délais normaux et raisonnables (consultation de la profession sur les projets, présentation des textes au Conseil supérieur de l’éducation…), que de nouveaux programmes entrent en application à la rentrée 2024 ! Mais ce gouvernement porte-t-il la moindre attention aux conditions nécessaires pour que le travail des enseignant·es soit un travail de qualité ? Non, peu lui importe dès lors qu’il a capté l’attention médiatique et celle de son électorat réactionnaire avec des annonces ciblant une jeunesse dangereuse à “régénérer” et civiliser – le tout grâce à l’uniforme et à une heure d’EMC – pardon, “d’instruction civique” – par semaine.

A terme, quels nouveaux horaires en EMC ?

Selon les informations recueillies par le SNES-FSU auprès du Ministère, en Sixième, la nouvelle grille horaire devrait indiquer pour l’histoire-géographie « dont 30 minutes d’EMC ». Une note de service encouragera la pratique d’une heure par quinzaine.

Pour le cycle 4, la grille horaire serait modifiée (portée à 26h30 par division) pour passer l’EMC de 30 minutes à une heure hebdomadaire. La date d’entrée en vigueur de ces changements n’a pas été précisée ! Le SNES-FSU défend l’option selon laquelle cette augmentation serait intégrée à l’horaire global histoire-géographie-EMC et serait dans la DHG à ce titre. Nous défendons cette solution car nous ne voulons en aucun cas de celle qui semble avoir la faveur de Gabriel Attal d’après ses propos déjà cités.

Pour le Premier ministre, il s’agirait en effet d’ajouter 18 heures annualisées d’EMC à chaque classe de 5e, 4e et 3e, sans toucher à l’horaire d’HG-EMC. Cette solution est présentée comme un avantage pour les élèves : des heures consacrées à des “projets” forcément plus intéressants. Elle permettrait aussi à tous les personnels enseignants de s’investir dans la fabrique des petits “républicains”, en dehors du “monopole” des professeur·es d’histoire-géographie, non justifié aux yeux de Gabriel Attal. Ce dernier a même évoqué le fait de consacrer ces heures à effectuer du bénévolat hors du collège, voilà qui ne coûterait pas grand chose dans les dotations horaires d’établissement. Et on se demande bien quel type de bénévolat (sur le temps scolaire ?!) pourraient effectuer des élèves âgés de 12 à 15 ans.

Le SNES-FSU exige un enseignement d’HG et d’EMC avec un programme, garanti par des horaires disciplinaires hebdomadaires qui permettent d’aborder des notions y compris sous forme de projets. Ces projets doivent rester à l’initiative de professeur·es formé·es, expert·es de leur métier, et non être sous-traités par des interventions extérieures non choisies par ces dernier·es. La consultation de la profession sur les projets de programmes est une démarche essentielle qui nécessite du temps : nous refusons une énième procédure précipitée qui permettrait au gouvernement de publier de nouveaux programmes juste avant la rentrée 2024. Les cours, les activités pédagogiques, les projets ne s’improvisent pas, ni en EMC, ni dans aucun enseignement ou discipline.


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