Des épreuves écrites « à l’ancienne »… mal ficelées

Que ce soit pour les Premières générales ou technologiques, c’est le retour aux années 70 : commentaire, dissertation ou résumé-discussion (rebaptisé « contraction-essai »), en 4 heures. Or, il y a bien longtemps que les élèves ne font plus un seul exercice en 4 heures. Actuellement, ils traitent la ou les questions de corpus (1h à 1h30), puis le commentaire, l’écriture personnelle ou la dissertation dans le temps qui reste. Et encore nombreux sont ceux qui partent bien avant les 4 heures.

Commentaire
Nous avons expliqué aux membres de la DGESCO que les questions de corpus aidaient les élèves à repérer ce qu’il y avait de marquant dans le texte à commenter, permettaient de guider le travail d’analyse. Sans ces questions, les élèves risquent d’avoir du mal à échapper à la simple paraphrase. Nous avons proposé que le texte soit précédé d’un chapeau sous forme de notice, avec indications sur l’auteur, l’œuvre concernée, le contexte historique et artistique, afin de donner des éléments pour entrer dans la lecture. En effet, quand nous étudions un texte en classe, nous commençons toujours par le contextualiser. C’est d’ailleurs ce que demande le nouveau programme, en mettant davantage l’accent sur l’histoire littéraire.

Dissertation
La dissertation porterait sur l’œuvre et son parcours associé étudiés en classe, dans le cadre de l’objet d’étude concerné par le sujet. Comme le professeur a le choix, pour chaque objet d’étude, entre 3 œuvres et parcours, il y aurait 3 sujets de dissertation. Nous avons dit combien cet exercice de dissertation sur une œuvre était difficile pour des élèves non spécialistes de littérature. Il faudrait, en effet, qu’ils maitrisent parfaitement les 4 œuvres complètes (une par objet d’étude) pour le bac, afin de pouvoir disserter pendant 4 heures sur l’une d’entre elles. C’est le sujet de dissertation d’agrégation ! Là aussi, nous risquons de devoir nous contenter d’un résumé ou d’une paraphrase plus ou moins améliorés. Nous avons proposé un autre format : un sujet de dissertation, non sur l’œuvre et le parcours, mais sur l’objet d’étude. Un sujet, donc, plus large, pouvant être traité avec les textes étudiés et lus pendant l’année de Première mais aussi de Seconde. Il faudra, pour cela, proposer un choix dans le programme, pour chaque objet d’étude, entre 3 œuvres qui aient des points communs. Par exemple, il est possible de trouver un sujet sur la poésie qui peut être traité avec Les Contemplations, Les Fleurs du Mal ou Alcools. En revanche, il paraît très difficile de trouver un sujet commun à Gargantua, Le Rouge et le Noir et Les Mémoires d’Hadrien ! On peut, en revanche, proposer 3 romans d’apprentissage (ou 3 romans fantastiques ou 3 romans réalistes) et des sujets sur les personnages, le rapport au réel, le dialogue auteur-lecteur, etc… On pourrait, en outre, laisser le choix entre deux sujets de dissertation, portant sur deux objets d’étude différents.

Contraction-essai
Il est peu de dire que le projet n’ait pas abouti ! Le texte à résumer, d’une longueur excessive (1000 mots, soit deux pages) serait « d’une forme moderne et contemporaine ». Nous avons demandé ce que signifiait cette expression : s’agit-il d’un texte daté du XIXème à nos jours ou d’un texte du XVIème au XVIIIème « adapté » ou « réécrit » sous une forme contemporaine ? Un texte traduit, en quelque sorte ? Il nous a été répondu qu’il devait s’agir (mais est-ce bien sûr ?) d’un texte d’une époque récente. Mais alors que devient l’essai ? Le projet de note de service précise : « Le sujet de l’essai porte sur le thème ou la question que le texte partage avec l’œuvre et le parcours étudiés durant l’année dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idée du XVIe au XVIIIe siècle » ». Or il n’y a pas 1 œuvre et 1 parcours au programme mais 3 au choix… Ce texte « moderne et contemporain » partage donc une question ou un thème avec 3 œuvres différentes, de siècles différents et elles-mêmes de thèmes différents. Vous n’y comprenez rien ? C’est normal, nous non plus ! Et nous n’avons eu aucune réponse éclairante… Notre proposition est donc de surseoir pour l’an prochain et de prendre le temps aux services de se repencher sur la question. Pour l’an prochain, nous proposons un choix entre deux commentaires ou entre un commentaire et une dissertation, en adaptant le sujet aux exigences de la classe de Première technologique.

Des épreuves orales qui font la part belle au bachotage

Nous avons gagné l’abandon de la « question » sur le texte mais au prix d’une troisième partie de l’épreuve : « l’analyse syntaxique ». Ainsi l’interrogation orale de 20 minutes comporterait trois parties.

L’explication de texte (10 minutes)
Le projet de note de service contient une erreur que nous avons signalée. Alors que le programme laisse la méthode de l’explication de texte au libre choix du professeur, l’épreuve orale imposerait « l’explication linéaire ». Il semble que l’anomalie puisse être corrigée. L’élève a donc 10 minutes pour réciter l’explication apprise par cœur… Il doit, obligatoirement, commencer par une introduction, puis faire la lecture orale (notée sur 2 points), puis faire son explication. On ne comprend pas bien pourquoi l’élève ne pourrait pas commencer par la lecture…

La grammaire (2 minutes)
L’examinateur doit demander au candidat de faire une « analyse syntaxique d’une courte phrase ou d’une partie de phrase ». Nous avons demandé des éclaircissements (que nous n’avons pas eus). S’agit-il d’une analyse logique consistant à repérer les groupes syntaxiques, avec natures et fonctions, ou d’une analyse plus complète comportant aussi des remarques stylistiques ? Apparemment, ce n’est pas encore défini… Nous avons demandé la suppression de cette partie pour l’an prochain, en mesure transitoire, puisque les élèves n’ont pas eu de cours sur les parties de programme de grammaire de la classe de seconde. Or, c’est en Seconde que sont traitées « les relations au sein de la phrase complexe », qui semblent faire l’objet de cette épreuve. Les réponses qui nous ont été données montrent que nos interlocuteurs ne connaissaient pas le programme de français publié au BO. Difficile de concevoir des épreuves cohérentes quand on ne se préoccupe pas du contenu du programme !

Présentation de l’œuvre choisie par l’élève (8 minutes)
La deuxième partie (ou troisième ?) de l’épreuve consiste en une courte présentation, par l’élève, d’une œuvre complète qu’il a choisie parmi les lectures cursives ou œuvres étudiées en classe présentes sur son descriptif. L’examinateur est informé en amont de ce choix. Autrement dit, il n’y a plus un descriptif par classe mais un descriptif par élève… et des problèmes de logistique en vue ! Une fois cette « présentation » récitée, un dialogue est censé s’engager avec l’examinateur, qui ne doit poser que des questions ouvertes sur cette œuvre et seulement sur celle-ci. L’élève doit, à la fois, faire état de ses connaissances, de son « implication personnelle », de sa « réflexion sur ses expériences de lecture ». Il doit aussi « faire des liens entre la lecture littéraire et les autres champs du savoir, l’expérience du monde et la formation de soi ». Nous avons dit combien cela était peu adapté à des jeunes de 16 ans, non spécialistes de la littérature et globalement faibles lecteurs. Il nous a été répondu que les examinateurs seraient invités à l’indulgence. Bref, on construit une épreuve très difficile, hors de portée de la majorité des élèves, puis on demande aux enseignants de surnoter. Où est l’exigence dans un tel schéma ? Nous avons demandé la possibilité, lors de l’entretien, d’élargir le champ des questions à l’ensemble des activités listées dans le descriptif, afin d’aider le candidat à faire état de ses connaissances. En effet, 8 minutes sur une seule œuvre, cela nous paraît très long.

Est-il encore possible d’espérer ? Le ministère saura-t-il entendre les remarques et considérer l’avis de ceux qui sont face aux élèves ? On peut en douter au vu des événements récents.


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