Le ministère ne semble pas tenir compte du refus massif de la profession mais aussi des parents d’élèves, qui ensemble se mobilisent au cours des différentes instances et formations (voir notre kit d’opposition), à travers la manifestation du 25 mai, l’appel « Non, nous ne trierons pas nos élèves » ou encore des opérations collège désert.

Le vadémécum « Mettre en place les groupes de besoins » est un condensé de mauvaise foi qui démontre à quel point le ministère est hors sol. La recherche s’oppose globalement aux classes de niveau, l’institution ne peut plus s’appuyer que sur une étude effectuée au Kenya où la réalité scolaire n’est pas comparable aux conditions d’enseignement en France.

Entre fantaisie et choc du réel

À propos des regroupements, le vadémécum rappelle à plusieurs reprises que l’effectif de 15 élèves pour le groupe des élèves fragiles, que les ministres ont vendu comme un produit d’appel, n’est absolument pas garanti. Surtout, les exemples présentés sont fantaisistes : les modélisations de regroupements sont faites à partir de classes à 21 élèves, comme si cela était la norme dans les collèges de France ! Le ministère ne peut pourtant pas ignorer les effectifs réels par classe, publiés chaque année par la DEPP, son service statistique. Mais le but est de faire croire que l’on peut créer des groupes sans moyen supplémentaire et ce stratagème grossier vise à masquer le choc du réel : si le groupe des élèves le plus en difficulté fonctionne à effectif réduit, ceux des autres regroupements seront pléthoriques.

Ailleurs, un autre scénario est envisagé : pour que les meilleur·es élèves puissent mieux « s’ envoler » (dixit G. Attal) , le ministère n’hésite pas à proposer de les favoriser en créant un regroupement à l’effectif moins lourd que le groupe des élèves dont le niveau est juste satisfaisant ! L’élitisme est en marche !

C’est également, comme le SNES-FSU le prévoyait, le festival de la barrette de classes ! Pourquoi se contenter d’aligner les horaires des professeur·es de lettres d’une part et des professeur·es de mathématiques d’autre part, quand on peut aligner l’ensemble des deux ! Si les chef·fes d’établissement suivent les exemples proposés, les emplois du temps des collègues risquent donc d’être particulièrement contraints !

Le réel et ses contraintes commencent cependant à faire vaciller le projet absurde de mise en place de regroupements interclasses. En effet « pour limiter les difficultés » liées à ces alignements sur tout le niveau Sixième et tout le niveau Cinquième, le vadémécum recommande aux chef·fes d’établissement de ne pas placer sur la même barrette les stagiaires ou les BMP en service partagé. Autrement dit, les personnels ayant de fortes contraintes d’emplois du temps seront sans doute positionné·es prioritairement sur les classes de Quatrième et Troisième… Et où placer les stagiaires et les BMP si la réforme venait à se déployer sur les quatre années du collège, comme c’est prévu pour la rentrée 2025 ? Le SNES-FSU l’a dit et le redit : cette réforme est inacceptable et inapplicable !

Ci-git la liberté pédagogique

Pour faire grossir encore l’usine à gaz, le ministère invite par exemple à un retour en classe entière à l’issue de chaque chapitre afin de démontrer que les regroupements peuvent être flexibles.

Ce vadémécum s’avance très loin dans le dirigisme pédagogique, multipliant, à destination des professeur·es de lettres et de mathématiques, des modèles de séquences clés en main déroulant des séances déjà toutes prêtes.

Sur presque chaque page ou diapositive, reviennent avec insistance les préconisations de mise en commun et de standardisation de l’enseignement et des évaluations : « méthodes efficaces » à appliquer, progressions communes à respecter, co-enseignement imposé, adoption d’un matériel unique au sein d’un même niveau voire sur la totalité des années du collège (cahier de cours, fiches, manuel labellisé, œuvres étudiées…), encouragement à prédéfinir des traces écrites que l’ensemble des professeur·es devra faire noter, conformité au rythme et à la nature des évaluations issues directement des ressources de la DEPP ou d’Eduscol…

Les conséquences pour le métier seraient délétères, les enseignant·es, privé·es de toute autonomie pédagogique ayant vocation à être interchangeables et réduit·es à des tâches de mise en œuvre de séquences définies sans elles et eux. Le gouvernement a d’ailleurs l’intention d’englober dans ce projet de déqualification du métier de professorat les futur·es enseignant·es : la réforme des CAPES et de la formation initiale entend baisser le niveau d’exigence disciplinaire au profit d’un formatage didactique et pédagogique intense rompant avec la formation universitaire.

Laisser certain·es chef·fes d’établissement appliquer de telles organisations transformerait les professeur·es en exécutant·es de base sans plus aucune liberté pédagogique. Rappelons-leur que ces exemples n’ont rien d’obligatoire et qu’ils vont à l’encontre du cœur de notre métier. Il est essentiel de ne pas laisser dénaturer et disqualifier le métier de professeur·e qui est un métier de conception !

Soutien renforcé

Afin de proposer, malgré la fin de l’éphémère « soutien / approfondissement », une suite aux professeur·es des écoles qui acceptent de se pacter, les élèves pourront bénéficier de soutien jusqu’à deux heures par semaine.

Les professeur·es des écoles sont désigné·es comme les intervenant·es prioritaires de ce nouveau dispositif, et les élèves de SEGPA comme le public prioritaire.

Ce soutien, dont rien ne garantit la régularité ni même l’existence, ne compensera pas la perte d’une heure de cours hebdomadaire en Sixième, perte qu’ont subie les élèves de SEGPA tout comme les autres avec le passage à 25 heures hebdomadaires contre 26 depuis la réforme du collège 2016 ! L’absence de logique n’en finit pas d’impressionner, sauf à vouloir systématiser l’externalisation de l’aide aux élèves hors la classe.

Le mépris des personnels et des élèves…

Le mépris du ministère perce dans des détails anecdotiques mais qui heurteront les personnels. Les exemples d’emplois du temps n’évoquent pas des professeur·es de SVT ou d’anglais en poste mais uniquement des BMP (blocs de moyens provisoires). En choisissant ces modèles comme support officiel, l’institution acte ainsi la démultiplication des services partagés, malgré la pénibilité ainsi imposée aux professeur·es.

Mépris aussi quand on nous dit qu’il suffirait d’utiliser, pour ne pas « stigmatiser » les élèves, les lettres ÀB, F, S pour « à besoin », « fragile » et « satisfaisant » afin de désigner les groupes de niveau…

N’en jetez plus…

Comme si cela ne suffisait pas, et parce que cette nouvelle organisation va en faire perdre le sens, le vadémécum propose de revoir le rôle et le fonctionnement des conseils de classe pour les transformer en des conseils de réussite, des entretiens-conseils, des entretiens d’orientation, des conseils de professeur·es ou des conseils ciblés auprès de certain·es élèves !

Somme toute, l’application de la réforme selon l’exemple donné par le ministère conduirait à solliciter trois professeur·es de français et trois professeur·es de mathématiques pour chaque conseil de classe en Sixième et en Cinquième !

De même, il faudrait démultiplier les réunions d’équipe de suivi, de discipline, pour articuler les temps en classe entière/groupe

L’enjeu de la fin d’année

Le vadémécum fait également la part belle à la préparation des groupes que ce soit dans les conseils école-collège ou à l’aide des bilans et bulletins en fin de Sixième pour préparer les regroupements. Il est donc impératif que les collègues qui siègent en C.E.C. refusent de participer à un tel tri mais aussi que l’ensemble des professeur·es veille à ce que les commentaires dans les bulletins ou des documents de liaison ne puissent pas servir à trier.

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