st-ce qu’il est vraiment logique […]que nous fassions passer des concours à bac +5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? »Cette phrase de l’ancien ministre X. Darcos est – bien involontairement – révélatrice. La hiérarchie de noblesse des métiers qui en transpire, liée à la grandeur ou à la petitesse des tâches qui sont supposées y être accomplies, semble directement « contaminer » symboliquement les personnes qui les exercent. Mais on peut faire le raisonnement inverse, car sans véritable surprise, ce mépris et cette ignorance tombent sur un métier (enseignant·e en maternelle) exercé en immense majorité… par des femmes.Et si c’était justement cette dernière caractéristique qui « autorisait » à mépriser et à dénigrer l’emploi en question ?

Mépris de genre

Les travaux d’anthropologues comme Françoise Héritier ou de sociologues comme Margaret Maruani ou Pierre Bourdieu ont en réalité amplement documenté et théorisé ce mécanisme social qui est à la racine des inégalités et des discriminations de genre : dans la plupart des sociétés. Ce qui est vu comme« féminin » est immédiatement considéré comme « simple », « petit », de faible valeur, de faible qualité… voire dégradant pour les hommes qui y seraient associés. Les croyances collectives profondes, qui irriguent les discours, les attitudes individuelles, mais aussi les poli tiques publiques, associent la « féminisation » d’une tâche quelconque à une « perte de noblesse » (et inversement la « masculinisation » à un anoblissement – qu’on pense à la couture ou à la cuisine… qu’on pense aussi aux innombrables résistances à l’accès des femmes à des métiers considérés comme« masculins »). Le mépris pour ces tâches s’exprime de manière plus ou moins ouverte.

Dans l’Education

Les métiers de l’Éducation, y compris dans le second degré, connaissent depuis plu-sieurs décennies un processus de féminisation des emplois. Sans surprise, cela s’accompagne (en France) d’une dégradation de la« valeur sociale » de ces métiers, telle qu’elle est mesurée par les salaires. Mais – faut-il vraiment le préciser ? – les femmes n’y sont pour rien… Ce n’est sans doute là qu’une illustration de la façon dont les représentations sociales rendent possibles un traite-ment injuste de telle ou telle catégorie de la population. Ce qui rappelle, si on en doute,que les hommes aussi ont tout intérêt à lut-ter pour obtenir la revalorisation des salaires des femmes…Néanmoins, ce lien entre la féminisation des emplois et la dégradation de leur valeur sociale n’est pas universel, et les personnels de l’Éducation ne sont pas toujours aussi mal payés qu’en France. Preuve que le fatalisme n’a pas lieu d’être, même face à des mécanismes sociaux qui peuvent paraître très lourds : un arsenal législatif existe (que l’on pense, tout simplement, à la loi « Roudy » de… 1983). C’est sans doute plutôt la volonté politique qui fait défaut.


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