Une nouvelle rentrée se profile, après une année caractérisée par des semaines de confinement dû à la crise sanitaire, de nombreuses mobilisations des personnels contre la réforme du lycée et du bac et celle des retraites, les conséquences délétères de la réduction des compétences des CAP, des promesses de revalorisation restées lettre morte, une gestion des personnels de plus en plus autoritaire. La technocratie règne, pas la confiance.
C’est aussi la quatrième rentrée depuis le début du quinquennat où le nombre de postes diminue dans le second degré à rebours de la courbe du nombre d’élèves en augmentation, alors même que la période de confinement a pesé sur les élèves les plus éloignés de l’école.
Aux évaluations nationales répondent des dispositifs sortant les élèves de la classe
Tous les ingrédients sont donc réunis : les inégalités déjà fortes dans notre système éducatif risquent encore de s’aggraver à moins d’un changement radical l’orientation.
Or, le ministre de l’Éducation, reconduit dans ses fonctions avec un périmètre élargi, poursuit le même discours, inspiré par un projet éducatif dont l’émancipation de tous par la construction d’une culture commune riche n’est pas la finalité.
L’ÉDUCATION RÉDUITE AUX FONDAMENTAUX
Au nom d’une lutte contre les inégalités passant par la priorité au premier degré, l’accent est mis sur les fondamentaux et sur l’imposition d’évaluations chronophages. Le ministre tente, par ces biais, de contraindre les personnels à appliquer des procédures techniques laissant peu de place à leur expertise. En aucun cas ne se manifeste la volonté d’améliorer les conditions d’apprentissage au sein de la classe, en favorisant la formation des enseignants, en permettant de varier les pratiques par l’instauration de petits groupes, en donnant un nouvel élan à la politique de l’éducation prioritaire. Aux évaluations nationales répondent des dispositifs sortant les élèves de la classe, rompant le lien avec les professeurs en charge de celle-ci, le tout reposant sur une augmentation des heures supplémentaires. L’apologie du numérique éducatif à la sortie de la crise de la Covid, en plus de faire la part belle à la marchandisation de l’école, permet de se défausser du besoin en personnels et risque de réduire l’enseignement à des méthodes standardisées éloignées des interactions qui se jouent dans la classe.
À CHACUN SON DESTIN
La dimension sociale des inégalités est ignorée au profit d’une vision qui fait porter sur l’individu l’entière responsabilité de son destin scolaire. Par petites touches, se dessine un projet éducatif clivant et idéologique attaché à développer des élites très bien formées, assortis de dispositifs destinés à promouvoir quelques jeunes des catégories populaires dont on vantera et la volonté et le mérite. Pas de volonté émancipatrice globale, pas de bouleversement de l’ordre social.
Le bilan est lourd et bien loin d’un système scolaire juste et ambitieux
LES RÉFORMES DU LYCÉE SONT ÉCLAIRANTES
Dans l’enseignement professionnel, officiellement deuxième priorité de J.-M. Blanquer, les élèves ont moins d’heures de cours, sont incités à terminer leur cursus en apprentissage, se voient fermer dans la pratique les perspectives de poursuite d’études.
Dans la voie générale, la réforme tend à trier les élèves, en laissant s’installer une carte des formations inégales selon les territoires, en laissant les familles les mieux informées se retrouver dans les différents enseignements de spécialité pour construire les parcours les plus valorisés.
La voie technologique, fleuron innovant de par sa conception mais qui n’entre pas dans les projets ministériels, voit ses effectifs baisser, faute de promotion.
Quant à la réforme du bac, en plus de soumettre personnels et élèves à une pression évaluative constante, elle affaiblit le caractère national de l’examen. Avec la loi « Orientation et réussite étudiante » de mars 2018, l’accès à l’enseignement supérieur est désormais totalement sélectif. L’absence de volonté politique de donner les moyens à l’Université d’encadrer correctement les étudiants a conduit à la création de Parcoursup. On limite le nombre d’étudiants, touchant en premier ceux issus des classes populaires. Quoi de mieux pour cela qu’un outil comme un « bac local », de valeur variable, entaché du soupçon d’adaptation aux publics accueillis ou des représentations que l’on en a ?
Sommés d’opter pour une spécialisation accrue dès la fin de la classe de Seconde, les élèves en lycée sont obligés de faire des choix prématurés qui leur fermeront des portes dans le supérieur. La transposition du modèle universitaire au secondaire, mue par des considérations tant budgétaires qu’idéologiques, fait l’impasse sur ce qu’est le lycée, où se construit une culture commune tendant progressivement vers la
spécialisation et laisse dans le désarroi ceux qui ne disposent pas de tous les éclairages donnés aux familiers du système éducatif, les conduit à errer dans les méandres de Parcoursup.
Rôle accru des régions dans l’orientation réduite à l’adaptation à l’emploi de court terme, complaisances envers l’enseignement privé, menaces sur l’éducation prioritaire, absence criante de moyens pour le collège, risque de relégation hors de l’École de certains enseignements du fait du dispositif 2S2C, pressions sur les personnels pour faire taire les critiques, absence de revalorisation, le bilan est lourd et bien loin d’un système scolaire juste et ambitieux. L’opinion publique a pu apprécier l’engagement des personnels lors de la crise sanitaire. Le SNES-FSU portera la demande d’un plan d’investissement important pour un système public d’éducation au service de tous les jeunes.