Le colloque, « Un lycée pour toutes et tous », a permis au SNES-FSU d’affirmer le lycée comme un lieu de formation pour tous les jeunes, étroitement articulé au collège où se formalise l’entrée en disciplines. Chaque lycéen doit ainsi avoir accès à des parcours diversifiés, garantis par la richesse des voies, générale, technologique, professionnelle, et des séries, dans le cadre d’une scolarité portée à 18 ans.
Le constat que l’on peut faire est que le lycée est peu ou mal traité dans les débats sur l’éducation. Entre ceux qui cherchent à l’enfermer dans le schéma réducteur du « continuum bac –3 / bac + 3 », ceux qui le réduisent à une réflexion sur l’avenir du baccalauréat, ceux qui le conçoivent comme un complément, réservé à quelques-uns, de la scolarité obligatoire, ceux qui y voient un gisement d’économies, le lycée est rarement considéré comme l’outil de scolarisation de tous les jeunes permettant l’accès à la culture commune, l’insertion économique et sociale et l’entrée dans l’enseignement supérieur.
Un colloque pour avancer
Lors de cette journée, l’historien Renaud d’Enfert a rappelé comment les disciplines avaient structuré ce lycée diversifié, comment elles avaient contribué à la définition des formations et des concours de recrutement des enseignants, et comment elles avaient été support de méthodes d’enseignement et de pédagogies.
Le sociologue Tristan Poullaouec, s’appuyant sur ses recherches, notamment sur les souhaits des parents d’enfants entrant en classe de Sixième, a démontré que la plupart souhaitent une scolarité jusqu’au moins 18 ans, traduction d’une pression sociale qui souvent déborde les objectifs politiques ayant présidé à certaines réformes. La voie technologique en est un exemple éclatant : elle a contribué largement à démocratiser l’accès au baccalauréat, au-delà des objectifs de gestion des flux assignés par le politique ; elle a inventé les formations supérieures de niveau bac + 2, les BTS ; elle a permis l’élévation des qualifications et la diversification de l’enseignement supérieur et de nouvelles approches pédagogiques favorisant l’entrée dans des apprentissages exigeants pour de nombreux jeunes.
L’après-midi, consacré plus particulièrement à la culture scientifique, a éclairé les nécessaires relations entre les mathématiques et les autres disciplines scientifiques. Les nombreuses réflexions sur la façon de créer de l’appétence pour les mathématiques, sans rien céder sur les exigences didactiques, montrent combien il est nécessaire de travailler les méthodes pédagogiques, de les adapter aux besoins des élèves, mais également de revoir les contenus de programmes avec l’objectif de la diffusion d’une culture scientifique qui ne serait pas réservée à ceux qui poursuivent des études scientifiques, qui ne serait pas l’apanage des futurs spécialistes. C’est bien l’équilibre des séries et les contenus d’enseignements qui doivent être retravaillés.
Cette journée d’étude, clôturée par un « appel pour le lycée pour toutes et tous », doit être un nouveau point de départ pour le SNES-FSU pour porter ses propositions et ainsi se poser en promoteur d’un lycée pour la réussite de tous ! Toutes les contributions sont disponibles à ce lien : www.snes.edu/Colloque-national-le-lycee-pour-toutes-et-tous-31391.html
Ce que nous voulons pour le lycée
Pour le SNES-FSU, le lycée doit s’inscrire dans la perspective progressiste de l’allongement de la scolarité à 18 ans.
Cette demande sociale répond également à une exigence en termes d’élévation des niveaux de qualification, de préparation à des poursuites d’études supérieures et à la possibilité pour chacun de s’inscrire dans les dispositifs d’éducation et de formation tout au long de la vie. Elle suppose une transformation profonde du système éducatif pour permettre à l’ensemble des jeunes de mieux profiter des apprentissages dès l’école.
Les trois voies et les différentes séries du lycée doivent permettre d’atteindre ces objectifs. La voie professionnelle joue un rôle essentiel pour la promotion sociale car elle offre des qualifications professionnelles reconnues et, dans le même temps, ouvre sur des possibilités de poursuites d’études. La voie technologique doit être revalorisée par la diversification de ses séries autour des grands champs technologiques de la production de biens et de services et de l’action sociale, pour déboucher sur des poursuites d’études de bac + 2 à bac + 5. La voie générale enfin, doit voir ses séries repensées pour un meilleur équilibre, chacune autour des disciplines de spécialisation articulées aux disciplines complémentaires et aux options.
Ce lycée doit être également le lieu de l’apprentissage social et de la citoyenneté. Par son implication dans la vie de l’établissement, chaque jeune pourra accéder aux savoirs et développer les compétences qui le prépareront, en plus des connaissances disciplinaires, à une vie d’adulte émancipé, en capacité d’agir sur la société.
Ce projet que le SNES-FSU porte, n’est pas utopique, il est simplement nécessaire.
Sandrine Charrier, Claire Guéville , Thierry Reygades et Frédérique Rolet
Appel du jeudi 30 mars 2017
Un lycée pour toutes et tous !
Le monde du début du xxie siècle est marqué par une accélération des évolutions scientifiques et techniques, des mutations dans les rapports sociaux et de nouveaux enjeux tant politiques qu’économiques.
Dans ce monde à la fois plus riche et plus inégalitaire, carrefour de cultures, des pans entiers de la population peinent à trouver leur place. Trouver un sens à sa vie et pouvoir la vivre dignement en disposant de son libre arbitre exige d’accéder à une culture partagée riche et variée. Nombre d’organisations combattent pour tenter de limiter les inégalités sociales, les corriger, les amoindrir et la tâche est énorme, sur tous les continents, en France également dans tous les territoires, dans tellement de lieux.
L’éducation a pour ambition de préparer les futurs adultes afin qu’ils puissent bénéficier d’une insertion économique, sociale, culturelle qui leur permette de vivre une vie sereine de femmes et d’hommes indépendant.e.s. Les personnels de l’éducation veulent être des acteurs essentiels de la lutte contre les inégalités, en faveur des classes populaires, et de leurs enfants.
Mais pour relever ce défi il faut que chaque jeune puisse bénéficier d’une scolarité ambitieuse et cohérente. Il y faut des moyens et du temps. La prise en charge de cette ambition, par la collectivité, la Nation, doit débuter dès l’école maternelle et se prolonger jusqu’au début de l’âge adulte. Ainsi le SNES-FSU, avec de plus en plus d’organisations et de personnalités civiles ou politiques, revendique une scolarité obligatoire portée à 18 ans répondant à la demande sociale. Il s’agit de permettre à tous les jeunes d’accéder à de hauts niveaux de diplôme et de qualification, de partager les outils d’émancipation par l’accès à une culture commune nécessaire pour comprendre le monde, agir en citoyen éclairé et permettre une insertion sociale et professionnelle réussie.
Ce droit au « lycée pour toutes et tous » sera une nouvelle révolution progressiste de notre société, c’est pourquoi nous le revendiquons haut et fort !
https://www.snes.edu/Appel-pour-un-Lycee-pour-toutes-et-tous.html
Trois questions à Renaud d’Enfert
Renaud d’Enfert est professeur en sciences de l’éducation à l’université de Picardie Jules-Verne et membre du Centre universitaire de recherche sur l’action publique et le politique – Épistémologie et sciences sociales (CURAPP-ESS).
L’US : Qu’est-ce qu’une discipline scolaire ?
Renaud d’Enfert : Les disciplines scolaires n’existent pas « en soi ». Elles correspondent à un découpage, historiquement situé, des savoirs enseignés et forment un système qui n’est jamais figé. C’est une construction sociale. L’enseignement secondaire est le lieu essentiel de la structuration des savoirs scolaires en disciplines bien identifiées, dotées chacune d’un corps d’enseignants spécialisés.
L’US : Quelles sont les étapes de la mise en place de cette organisation de l’enseignement secondaire ?
R. d’E. : C’est essentiellement au cours du xixe siècle que les savoirs scolaires enseignés s’organisent en disciplines plus ou moins autonomes. L’institution de chaires spécialisées, l’établissement de programmes et d’horaires spécifiques, l’organisation d’épreuves d’examen particulières participent également du processus d’institutionnalisation des disciplines. La création de corps d’enseignants spécialisés via les concours de l’agrégation à partir de 1821 est particulièrement décisive. La réforme de 1902 favorise la multiplication des matières en réorganisant le temps scolaire et en promouvant les « disciplines modernes ». La création du CAPES en 1950 confirme ce processus de spécialisation.
L’US : Comment évolue ce « système disciplinaire » ?
R. d’E. : Les disciplines sont interdépendantes : car la détermination de leur périmètre joue sur les autres. Elles sont aussi hiérarchisées car il y a des disciplines dominantes et des dominées. Certaines disciplines disparaissent, d’autres apparaissent. Le découpage des savoirs scolaires n’est pas non plus inéluctable. Plusieurs expériences de décloisonnement ont d’ailleurs été tentées depuis la fin des années 30. C’est le cas notamment lors de l’expérience des « classes nouvelles » à la Libération, comme des travaux scientifiques expérimentaux mis en place au début des années 60, qui visent à mobiliser plusieurs disciplines autour d’un même thème d’étude.