Le gouvernement s’est autorisé à codifier le statut général à droit constant. Il s’agit en fait d’un acte politique majeur.
Dans la loi du 6 août 2019 dite « de transformation de la Fonction publique », l’article 55, issu d’un amendement parlementaire piloté en sous-main par le gouvernement, autorise ce dernier à légiférer par ordonnance, avant le 7 décembre, pour réunir dans un code, à droit constant, le statut général de la Fonction publique. L’objectif est de regrouper l’intégralité des 4 lois fondant le statut général des fonctionnaires (la loi 83-634 portant statut général des fonctionnaires, la loi 84-16 portant statut de la Fonction publique de l’État, la loi 84-56 portant statut de la fonction publique territoriale, la loi 86-33 portant statut de la fonction publique hospitalière) ainsi que tous les articles de loi portant statut des fonctionnaires disséminés dans différentes lois. Une première réunion présentant le plan du futur code a eu lieu début juin, une seconde est prévue en septembre avant la réunion du CCFP et le vote de l’ordonnance par le parlement avant le 7 décembre.
Ce projet de codification du statut général n’est pas nouveau. Une première mouture avait été ébauchée en 2011 par un gouvernement qui à l’époque voulait aussi en finir avec la Fonction publique de carrière. Une fois de plus, ce sont ceux-là même qui développent des politiques de promotion du recours au contrat et donc de fragilisation du statut qui manifestent la volonté de le codifier.
Droit constant
Légiférer à droit constant ne signifie pas conserver l’esprit qui a sous-tendu l’édification du statut. Ainsi, la construction voulue par A. Le Pors avait pour objectif de garantir un accès équitable de tous les citoyens à des services publics d’égal qualité sur tout le territoire. Pour cela, il a conjugué à la fois l’unité de la Fonction publique (le statut général de la loi de 83) et sa diversité par la déclinaison en trois versant. Il a organisé la protection des fonctionnaires afin qu’ils puissent rendre leurs missions sans pression d’aucune sorte, leur appartenance à des corps ou cadre d’emploi afin qu’ils puissent exercer de façon particulièrement efficace mais aussi leur adaptabilité pour répondre à l’évolution des besoins.
Le plan présenté par le ministère répond à une tout autre logique. Il explose chaque titre du statut actuel selon une logique qui relève davantage de la boîte à outils GRH que de la construction juridique respectant la solidité des garanties du statut. En faisant cela, il s’inscrit dans une logique de flexibilisation et de relativisation des principes statutaires au prétexte de simplification. Les fonctionnaires et contractuels sont traités à l’égal, niant la nécessité de fonctionnaires pour assurer les missions de service public. La distinction du grade et de l’emploi est ainsi par exemple renvoyée au fin fond du code.
Après avoir codifié la partie législative du statut général, l’ensemble des statuts particuliers des corps et cadre d’emploi de la Fonction publique devront être codifiés selon le même plan. Celui retenu s’avère ainsi d’autant plus dangereux. L’éparpillement des différents statuts particuliers leur fera perdre leur cohérence interne ainsi que la spécificité des métiers qu’ils définissent, ce qui est le fondement de l’existence de ces statuts particuliers.
Un choix politique
Ce projet de codification s’inscrit dans un bouleversement plus profond du statut général entamé par la loi du 6 août 2019. Après avoir supprimé une part importante des compétences des CAP en matière de carrière (mobilité et promotion), le gouvernement fusionne les corps d’encadrement de la haute Fonction publique. En cela, il nie la nécessité, pour organiser l’État, d’un droit de regard des personnels sur leur carrière pour garantir l’équité de traitement et de corps d’encadrement compétents et professionnels de leur métier. Sous couvert d’une dépolitisation de l’État, il ouvre au contraire grand la porte.
La volonté du gouvernement d’appliquer à la Fonction publique les méthodes de fonctionnement et d’organisation du privé et du new management, si d’aucun en doutait, est maintenant limpide. Les conclusions du Grenelle de l’éducation montrent que le ministère de l’Éducation nationale n’en est pas exclu.
Le combat mené en particulier par le SNES et la FSU contre ces orientations se poursuit le 15 juin et devra s’amplifier à la rentrée.