Un nouvel acronyme vient en cette rentrée enrichir le lexique de l’Education nationale : les CLE ! Ce sont les classes et les lycées engagés. Il faut parfois chercher fort loin dans la description du dispositif pour voir apparaître sa seul raison d’être: la généralisation du service national universel (SNU) sur le temps scolaire.
Les rectorats et la secrétaire d’Etat, Prisca Thévenot, n’hésitent pas à placer les équipes pédagogiques devant le fait accompli. Ils désignent les établissements “volontaires”, au mépris de la procédure qui exige un vote du conseil d’administration. Faut-il que l’enjeu soit d’importance pour piétiner ainsi les règles du droit ?
A marche forcée
La note de service du 28 juin dernier détaille les modalités de ce nouveau dispositif et se voit complétée par une foire aux questions précisant sa mise en oeuvre. Le SNES-FSU a publié en juillet dernier une analyse de ces textes ICI et réaffirmé que les jeunes avaient besoin d’école et certainement pas de SNU!
Que ce soit pour la “classe engagée” ou le “lycée engagé”, la labellisation relève d’une décision de conseil d’administration. Le vote est obligatoire. Au-delà du projet pédagogique qu’elle intègre, elle modifie l’organisation des établissements. En effet, le séjour de cohésion de deux semaines est soumis à autorisation parentale et tous les élèves qui resteront dans l’établissement devront être répartis dans les autres classes.
Les dernières instructions envoyées aux recteurs, le 6 octobre dernier, établissent précisément le calendrier des séjours de cohésion en Seconde , sur le temps scolaire, dans le cadre des CLE en 2024 : du 11 au 23 mars, 25 mars au 6 avril, 13 au 25 mai, du 3 au 14 juin et du 17 au 28 juin.
En parallèle, les séjours individuels restent possibles et se concentrent sur les vacances scolaires à partir de février.
Jamais n’est abordé dans ce long courrier la condition de nationalité alors que, sans modification du décret de 2020, le SNU reste interdit aux jeunes de nationalité étrangère. Le ministère promet un texte pour le début de l’année 2024 mais en l’état, toute la communication officielle qui présente le SNU comme ouvert à l’ensemble des jeunes âgés de 15 à 17 ans , est mensongère.
Les missions du référent “engagement”, rémunérées par le Pacte, recouvrent des tâches essentiellement administratives d’inscription, de vérification de l’état civil et de lien avec les familles. Les rectorats ont reçu l’information des “cibles” à atteindre il y a quelques semaines. Chaque académie doit afficher un nombre minimum de lycées engagés.
Cadrage pédagogique et management
Le ministère déploie une conception de l’engagement qui se réduit à un programme de mise en conformité de la jeunesse, supposément déviante, et surtout dans lequel les enseignements scolaires et même les enseignants sont considérés comme défaillants dans la transmission des “valeurs” de la République. L’engagement est aussi conçu à la fois comme comme un outil de pilotage dans la quête d’une forme de leadership, pour tous les acteurs du système, et dans l’évaluation des performances des établissements. A tous les niveaux, c’est la “course à l’engagement” !
On retrouvera le cadrage pédagogique de ce programme sur le site Eduscol, déclinant des propositions de contenus et des outils supposés donner du sens au séjour de cohésion. Les représentants des personnels n’ont jamais été consultés sur ce qui relève pourtant d’interprétations de programmes scolaires, à partir desquelles des enseignants volontaires seraient supposés travailler.
Le label sert de cadre à la valorisation des parcours des élèves comme des enseignants, voire des établissements eux-mêmes. Il faut bien prendre la mesure de la dimension managériale que revêtent ces “récompenses” pour un “engagement” conforme aux injonctions sociales et politiques du moment, sur la base de compétences échappant totalement au champ scolaire.
Le Parcours citoyen , avec le SNU comme étape essentielle, “doit être au cœur des objectifs éducatifs de l’établissement. Il doit ainsi trouver toute sa place dans l’évaluation des établissements, procédure d’assurance qualité (sic) de la politique éducative menée par cet établissement scolaire.” L’engagement devient un élément de marketing comme un autre dans la mise en concurrence des lycées, des personnels et des élèves.