Le concept de « cité éducative » serait né à Grigny bien que, sur place, les professeurs de collège ne voient pas vraiment venir de moyens dignes d’un grand projet. La première année des moyens ont été octroyés au premier degré, sans suite, puis une assistante sociale supplémentaire a été affectée dans le premier degré.En revanche, rien dans les collèges sinon des effectifs de classe qui n’ont cessé de gonfler ces dernières années. Nombre de collègues y sont contractuels et les remplacements pas toujours effectifs.

La « cité éducative » imaginée par Monsieur Borloo

C’est dans le rapport Borloo, « Vivre ensemble, vivre en grand la République, Pour une réconciliation nationale », publié en avril 2018 et aussitôt mis au placard (malgré des constats intéressants) par le Président de la République que les « cités éducatives » ont émergé en tant que telle. Il était déjà prévisible que les solutions les plus inquiétantes relatives l’Éducation nationale seraient reprises, puisque Monsieur Borloo avait précisé avoir rédigé cette partie en liaison avec le ministre.

Il y était stipulé que tout établissement scolaire se verrait adjoindre un dirigeant, recruté sur profil, en charge de la cité éducative et du partenariat de l’école et du collège. L’autonomie pédagogique et de gestion y serait renforcée, notamment pour fidéliser des équipes expérimentées (primes, heures supplémentaires, logements, …). Une illustration présentait le collège au sommet d’une pyramide pilotant la base des écoles élémentaires, des lieux publics (médiathèques, centres de loisirs, campus numériques, associations….). Une cagnotte de 100 000 euros contre 30 000 dans l’actuel projet devrait être gérée par le principal de collège.

Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) lançait peu après l’appel à projet sur les cités éducatives » qui a intéressé vivement de nombreuses collectivités locales.

iconographie du rapport Borloo

EPLESF : concordance des temps

Nul étonnement donc quand la loi « pour une école de la confiance » s’est vue ajouter un article de dernière minute par LREM créant les EPLESF (établissements public locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux) destinés au monde rural et aux grandes concentrations urbaines. Cette nouvelle structure propose le cadre législatif adéquat pour les « cités éducatives ». L’article sur la généralisation de l’expérimentation correspondait aussi aux besoins.

Le projet de création des EPLESF soulevant une forte opposition parmi les enseignants d’une part et les maires ruraux d’autre part, le ministre a promis de modifier le projet à la marge en demandant l’accord des conseils d’école et d’administration des établissements concernés. Depuis les sénateurs ont supprimé l’article EPLESF de la loi… en attendant un possible retour par la voie des députés.

Les débats et les oppositions sur la création des EPLESF a modifié des éléments de langage du ministère. A la veille de la conférence de presse du 2 mai, le ministère a bien expliqué aux journalistes que les cités éducatives n’avaient rien à voir avec les EPLESF, qu’il s’agissait de deux projets tout à fait indépendants, que la cité éducative était plutôt à voir comme un renforcement des réseaux d’éducation prioritaire concernés. Comme l’a fait remarquer Monsieur Bablet, responsable de l’éducation prioritaire sous le précédent ministère, le dossier de presse accompagnant la nomination des 80 cités éducatives montre des glissements sensibles dans le texte comme dans ses illustrations.

Les « cités éducatives » selon Monsieur Blanquer, des inflexions notables par rapport au plan Borloo

L’illustration principale de la « cité éducative », nouvelle version, décale l’Ecole à la périphérie du projet bien que la cagnotte de 30000 euros reste sous la responsabilité du principal du collège, tête de file du réseau. Par exemple, il n‘est plus question de scolariser les enfants de moins de 3 ans (le rapport Borloo préconisait de tripler leur nombre) pour améliorer leur développement langagier mais d’ouvrir davantage de crèches, service payant.

Ce dessin entre dans la logique de « la société apprenante », concept flou [[ Amélie Hart-Hutasse et Christophe Cailleaux sur leur blog]], qui a l’oreille du ministre. Dans la perspective de la « formation tout au long de la vie », l’École n’a plus un rôle fondamental à jouer, elle n’est plus qu’un maillon dans un ensemble où tous les lieux sont également formateurs. Son importance n’est alors pas plus grande que celles des associations qui pourraient travailler en lien avec l’École. On remarque déjà que sur le terrain de l’éducation prioritaire, les associations font de l’entrisme dans les collèges, via le dispositif Devoirs faits mais aussi dans le cadre du parcours avenir pour vanter les mérites de l’entreprenariat avec les mini-entreprises, etc…[[ « Enseigner l’esprit d’entreprise à l’école » de Lucie Tanguy]]. La dilution de L’École dans un bouillon de « tiers-lieux » où chacun peut de se former selon ses goûts est aussi une dilution du service public dans un ensemble mi-public, mi-privé.

L’apprentissage comme horizon pour la majorité

L’apprentissage reste aussi une pierre angulaire des cités éducatives, consolidée par la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (dite loi ORE), la désastreuse réforme du lycée professionnel, la création des « Troisième prépa-métier » au ministère de l’Éducation nationale et celle des « prépa-apprentissage » au ministère du travail. Le SNES-FSU demande que l’orientation vers un lycée professionnel de qualité, permettant l’émancipation de ses élèves, demeure privilégiée par rapport à l’apprentissage pré-bac dont les études, notamment de la DEPP, ont montré qu’il est source de fortes discriminations.

Le fait que les cordées de la réussite soient mises en avant dans le cadre des cités éducatives montre les nuances des éléments de langage ministériels. Il n’est jamais fait mention de la réussite de tous mais de la réussite de « chacun ». Encore une fois, il s’agit d’extrader les meilleurs élèves de ces quartiers politiques de la ville (QPV) au lieu d’accéder à une mixité scolaire qui tire l’ensemble des classes vers le haut.

Enfin, Monsieur Bablet précise sur son blog [[Marc Bablet blog]] que les 80 cités éducatives élues ne correspondent pas toujours aux quartiers les plus en difficulté : « Comment comprendre que seulement une commune de Mayotte ou de la Réunion soit concernée et aucune en Guyane alors que les indicateurs (indisponibles en Guyane et à Mayotte) mais qui sont disponibles à la Réunion amènent à pencher pour une cité éducative par ville concernée par l’éducation prioritaire. » En métropole il cite des oubliés comme Béziers ou des quartiers de Laon alors qu’à Allonnes, le revenu médian est de 1156 euros et le taux de pauvreté de 37.6%.

Quelles autres craintes ?

Il ne faut pas que l’ambition de la politique d’éducation prioritaire se limite aux seules cités éducatives dont le périmètre est plus restreint que celui des actuelles REP+. Il faudrait donc que le rapport Mathiot-Azéma se montre ambitieux en termes de moyens alloués à cette politique, notamment afin de pouvoir y consolider les enseignements, non seulement en primaire mais aussi au collège.
L’éducation prioritaire ne doit pas non plus redevenir le lieu de toutes les déréglementations et notamment d’un profilage des postes qui a montré son inefficacité sous la présidence de Sarkozy.

L’avis du SNES-FSU

Le SNES-FSU réaffirme son exigence d’un périmètre large de l’EP qui comprenne aussi les lycées généraux, technologiques et professionnels, dont l’articulation avec les collèges est essentielle, les zones rurales et les DROM qui présentent des spécificités par rapport aux territoires urbains et périurbains. Il demande un label unique pour tous les établissements de l’EP et une carte définie par des indicateurs nationaux transparents et concertés déterminant pour chaque établissement en fonction de son niveau de difficulté scolaire, sociale et territoriale des moyens lui permettant de réduire les inégalités.

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