
Après le recours porté par le SNES-FSU en 2024 auprès du Conseil d’État, l’arrêté organisant les groupes de niveau en mathématiques et en français en Sixième et Cinquième a été annulé. Le Conseil d’État a estimé que ce type d’organisation dépendait du Premier ministre et non pas du ministère de l’Éducation nationale.
Jugement du Conseil d’État, censure du gouvernement, attente d’une nouvelle ministre de plein exercice, passage en Commission spécialisée puis devant le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) ont retardé le décret idoine (relevant de Matignon) et son arrêté. Certes, mais comment expliquer que deux mois se soient encore écoulés avant leur publication au journal officiel le dimanche 06 avril ? et qui plus est ils ne sont pas parus au bulletin officiel du jeudi 9 avril 2025.
Une volonté freinée par le doute
Le ministère s’est retrouvé forcé de publier ces textes pour répondre au syndicat majoritaire de personnels de direction qui a demandé avec insistance, au CSE de mars 2025, que la préparation de rentrée soit clarifiée et ce malgré son vote contre ces même textes fin janvier. En effet, pour la troisième année consécutive, des chef·fes d’établissement ont préparé des répartitions de DHG sans se fonder sur les textes en vigueurs mais sur des annonces médiatiques du ou de la ministre !
Dès le départ, cette réforme a rencontré l’opposition de chercheurs et chercheuses en sciences de l’éducation et celle de la profession. Les avis sur ces textes règlementaires au CSE ont été presque unanimement négatifs.
Au Sénat, Elisabeth Borne a reconnu que « quand on prend des élèves [en situation de handicap], des élèves allophones, des élèves qui sont plus faibles, et qu’on les regroupe (…), je ne suis pas sûre qu’on donne le maximum de chances aux élèves qui étaient les plus faibles de rattraper un jour les moyens et les bons ». Il semblerait que le bilan que dresse l’inspection générale confirme les prévisions du SNES-FSU qui avait alerté la profession et le ministère de G. Attal dès ses annonces du 5 décembre 2023. Il est d’ailleurs important de répondre à l’enquête actuellement menée par l’inspection générale et la DEPP dans 1 500 collèges pour montrer la réalité peu reluisante de cette ségrégation scolaire et sociale des élèves.
Quel disent ces textes ?
Aucun des amendements largement adoptés en CSE n’a été finalement repris par l’administration.
Le décret délègue simplement le droit de déterminer l’existence de groupes à la ministre de l’Éducation nationale : « Pour les classes de sixième et de cinquième, à des fins pédagogiques, cet arrêté peut prévoir que ces enseignements sont dispensés en classe ou en groupes d’élèves selon des règles qu’il détermine. »
Les formulations de l’arrêté sont semblables au précédent arrêté annulé en ce qui concerne les regroupements de niveau en Sixième et Cinquième : « Art. 4-1. – Pour l’ensemble des classes de sixième et de cinquième, les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout l’horaire, sont organisés en groupes. Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. Les groupes des élèves les plus en difficulté bénéficient d’effectifs réduits. Par dérogation, et afin de garantir la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes, les élèves peuvent être, pour une ou plusieurs périodes, une à dix semaines dans l’année, regroupés conformément à leur classe de référence pour ces enseignements. La composition des groupes est réexaminée au cours de l’année scolaire, notamment à l’occasion des regroupements, afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves. » De plus une double astérisque indique en pied de grille horaire, dans l’annexe : « Ces enseignements sont organisés en groupes constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs sur la totalité du volume horaire. »
La mobilisation de la profession avec le SNES-FSU a pesé. La nouveauté réside dans l’abandon de tout groupe de niveau en Quatrième et Troisième au profit d’un « renforcement » un peu mystérieux puisqu’il n’en est fait mention que dans le décret : « En classes de quatrième et de troisième, en vue notamment de la préparation du diplôme national du brevet, les enseignements communs sont renforcés par un accompagnement pédagogique adapté aux besoins de tous les élèves. » L’arrêté n’en fait pas mention. Il reprend seulement le texte de l’arrêté annulé : « Art. 2. – Des heures de soutien supplémentaires consacrées à la maîtrise des savoirs fondamentaux peuvent être proposées aux élèves dont les besoins ont été identifiés conformément aux dispositions des articles D. 311-12 et D. 332-6 du code de l’éducation, dans la limite de deux heures hebdomadaires. » qui concerne tous les niveaux. Cette dernière mesure n’est pas vraiment financée : selon les collèges, elle impactera la marge d’autonomie ou sera la conséquence d’un redéploiement des moyens horaires à plus grande échelle.
Dans les annexes de l’arrêté, comme depuis la modification de 2024, l’enseignement d’histoire-géographie EMC voit son horaire agrémenté de la mention « x heures
dont 30 minutes d’enseignement moral et civique ». Ce qui n’est pas sans interroger les objectifs à long terme du ministère qui pourrait viser à un détachement de l’EMC de la discipline, la laissant aux mains de professeur.es motivé.es. Le SNES-FSU rappelle qu’au collège, seul.es les professeur.es d’histoire-géographie sont suffisamment formé.es à l’EMC.
Le SNES-FSU rappelle que cette réforme a réduit l’enseignement des élèves de Sixième à 25 heures hebdomadaires, en supprimant de façon scandaleuse et infondée la technologie à ce niveau. Le SNES-FSU continue de demander la restauration de la technologie en Sixième !
Comment agir maintenant ?
Application du principe de réalité ? L’atermoiement du ministère montre en tous cas son peu d’empressement à prolonger les regroupements de niveau qui, rappelons-le, n’ont été appliqués à la lettre que dans 26% des collèges (enquête SNES-FSU de novembre 2024) … et alors même que la pression sur les équipes, au moyen d’une note de service -également annulée par le Conseil d’Etat-, était maximale au printemps 2024.
La ministre annonce d’ailleurs de prochaines « recommandations » « sur la base de l’évaluation » du dispositif qu’elle entendait poursuivre sur une cohorte complète d’élèves. C’est un levier que les équipes peuvent continuer d’exploiter et le site du SNES-FSU recense tous les outils pour s’opposer à la réforme : réponse à l’enquête de l’inspection générale, guide pour agir en CA, délibérations fixant des groupes hétérogènes stables, tracts pour la profession et à l’attention des parents, respect de la liberté pédagogique … Le SNES-FSU continue de demander l’abandon des groupes de niveau et plus largement de la réforme du « Choc des savoirs » !