C’est bien sur les arguments du SNES-FSU que le Conseil d’État fonde sa décision d’annuler l’arrêté du 15 mars 2024 ainsi que la note de service l’accompagnant. Appuyée sur un travail syndical minutieux, cette action juridique du SNES-FSU s’est inscrite dans le cadre des mobilisations de terrain où les personnels se sont organisés pour empêcher la mise en place de toute sélection des élèves.
Que dit la décision du Conseil d’État ?
Le ministère de l’Éducation Nationale prétendait que le syndicat n’était pas fondé à agir et à contester l’arrêté au motif qu’il ne portait que sur l’organisation des élèves en groupes. Le Conseil d’État le contredit vertement en soulignant que les modifications portées par l’arrêté ont affecté les conditions d’emploi et de travail des personnels dont le SNES-FSU défend les intérêts matériels et moraux.
Le Conseil d’État justifie l’annulation de l’arrêté signé par Nicole Belloubet, considérant que la ministre de l’Éducation nationale n’avait pas compétence pour fixer ou modifier l’organisation des enseignements, qui relève des prérogatives du Premier ministre.
Enfin, allant dans le sens des arguments du SNES-FSU, le rapporteur qui a préparé l’avis des juges, a considéré que l’arrêté remettait en cause certaines compétences du conseil d’administration : en effet, selon le Code de l’éducation, c’est le CA qui règle par ses délibérations l’organisation de l’établissement en classes et groupes d’élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves. Dans leur avis, les juges du Conseil d’État ne sont pas aussi explicites mais ils annulent la note de service qui ignorait les compétences du CA et développent, dans deux considérants, le cadre de l’autonomie de l’EPLE. Tout cela renforce l’analyse du SNES-FSU. Cette confirmation des analyses du SNES-FSU est à faire entendre dans les conseils d’administration.
Et maintenant ?
À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’arrêté qui organise les groupes de niveau en Sixième et Cinquième n’a plus cours pour la rentrée prochaine : son annulation doit prendre effet le 6 juillet 2025. Nous retournons donc, pour la rentrée 2025, à l’organisation antérieure, sans groupe de niveau, à savoir celle de la rentrée 2023, avec une heure de soutien / approfondissement en Sixième et le rétablissement de l’accompagnement personnalisé. C’est bien une victoire syndicale à laquelle toutes les actions des équipes des collèges ont contribué.
Certes, le ministère annonce déjà vouloir publier de nouveaux textes (en plus de ceux actant les nouveautés dans le cadre de l’acte II du choc des savoirs) en tentant de supprimer les irrégularités dénoncées par le Conseil d’État.
Mais dans le cadre d’une instabilité gouvernementale et avec la possibilité du vote d’une motion de censure, les annonces du ministère ne pourront pas forcément aboutir. Pour publier un tel décret, le Conseil supérieur de l’Éducation doit être consulté mais il ne peut se tenir qu’avec un·e ministre de l’Éducation Nationale en exercice.
Depuis la rentrée, les résultats de l’enquête du SNES-FSU sont un point d’appui majeur dans les établissements pour ne rien se laisser imposer sur le tri des élèves et pour préserver l’expertise professionnelle des professeur·es. En effet, la moitié des établissements ne trie pas du tout leurs élèves et seulement un quart a dû appliquer la réforme à l’ensemble des élèves. Ces résultats démontrent la force de la résistance de terrain et le rejet massif de la politique éducative dite du « Choc des savoirs » portée par les gouvernements macronistes. En effet, la mobilisation des équipes, les grèves, les délibérations en CA, les échanges avec les parents ont permis le plus souvent de ne pas appliquer du tout la réforme. À l’inverse, là où la réforme est appliquée avec zèle, les personnels déplorent une dégradation majeure de leurs conditions de travail.
Quelles que soient les évolutions dans les prochaines semaines, le SNES-FSU sera aux côtés des collègues pour mettre fin à cette réforme inégalitaire et néfaste. Dans l’immédiat, cette victoire en Conseil d’État est un argument de poids sur lequel s’appuyer pour garder des groupes hétérogènes à l’année, refuser tout nouveau brassage et ne céder d’aucune manière à la mise en place, même au prétexte de l’expérimentation, des groupes de niveau en Quatrième et Troisième. Elle permet aussi de renforcer la légitimité de nouvelles décisions des CA pour cette année et la rentrée 2025 afin que l’instance fixe des principes de mise en œuvre de l’autonomie de l’établissement sur la constitution de l’établissement en classes et groupes. Ces principes peuvent porter sur des groupes au sein de la classe d’origine, des groupes obligatoirement hétérogènes.
Dans le cadre des instances en collège sur la préparation de la rentrée 2025, cet article sera régulièrement mis à jour.