Un ministre devenu subitement muet sur les mathématiques en voie générale du lycée, une saisine du Conseil Supérieur des programmes comme premier geste ambigu, pas de véritables décisions, … : sur la question des mathématiques au lycée, J. M. Blanquer esquive habilement l’héritage de sa réforme et confie le soin à son successeur de trancher les évolutions.

Après la remise du rapport du Comité Mathiot sur les mathématiques en voie générale du lycée, le ministre a discrètement saisi le Conseil Supérieur des programmes, autant sans doute par nécessité vu les délais contraints pour une mise en œuvre rapide d’une partie des propositions les plus consensuelles que pour éviter de relancer un débat public en pleine séquence électorale. Il s’agit surtout d’une précaution, afin de disposer d’un plan d’action pouvant être mis en place rapidement à la rentrée 2022. Toutefois, à aucun moment le ministre, qui disposait encore de la possibilité de s’exprimer avant la période dite « de réserve » de la séquence électorale – par ailleurs assez malmenée par une communication ambiguë dans le cadre de la Présidence Française de l’UE –, n’a fait de déclaration publique, se contentant de laisser fuiter la lettre de saisine. Cette démarche, largement technique, ne traduit donc pas une volonté politique nette et forte de sa part de régler les problèmes posés par l’absence de mathématiques dans le tronc commun. La saisine relève pour le moment davantage d’une précaution et d’un signal opportunément diffusé en cours de campagne électorale que d’une décision de mise en œuvre assumée.

Pour la rentrée 2022, le CSP a désormais pour mission : de retravailler largement le programme de Première d’Enseignement scientifique, sans revoir son articulation avec celui de la Spécialité, dans le cadre d’un horaire spécifique de 1h30 de mathématiques (soit la fourchette basse des propositions du Comité Mathiot, pour un total de 3h30) ce qui peut suggérer, mais sans pour autant le garantir à ce stade, la mise en place à terme d’un enseignement de mathématiques réellement commun à tous les élèves de la voie générale. Ce programme devra assurer la transition avec l’option Mathématiques complémentaires de Terminale (statistiques, probabilités, analyse), et permettre de lutter contre les représentations de genre (sic)
Les délais extrêmement courts prévus pour ce travail (remise début mai 2022) n’offrent pas toutes les garanties de disposer de programmes stabilisées après une consultation large. La question de la consultation des personnels, au moins par le biais des organisations syndicales représentatives, n’est pour le moment pas à l’ordre du jour, ce que dénonce le SNES-FSU. Il est en outre quasiment certain qu’aucun manuel ne pourrait être mis à la disposition des élèves et professeurs si cet enseignement voyait le jour.

Pour plus tard, le CSP devra :

  • travailler la complémentarité du programme de l’Enseignement scientifique et mathématique de Première avec celui de Spécialité, en évitant les redondances ;
  • définir les notions dont l’étude est nécessaire pour permettre aux élèves de Première ayant suivi l’enseignement Scientifique et Mathématique en Première de suivre en Terminale l’option Mathématiques complémentaires ;
  • retoucher le programme de Seconde avec l’objectif d’affermir les connaissances des élèves, y compris en liaison avec les résultats des évaluations de début de Seconde ;
  • à terme, articuler le programme de Troisième avec celui de Seconde.

Au lycée, un combat à poursuivre, pour les collègues, pour les élèves

Le rapport du Comité et la saisine du CSP montrent en tout cas à quel point la réforme du lycée, et ses défauts congénitaux, n’en finit pas de laisser des traces dans le débat public, et, dans le même temps, à quel point elle porte des projets de société forts divers. Les analyses du SNES-FSU restent d’actualité, et la très forte mobilisation des personnels comme leur sensibilité aux débats, a montré et continue de montrer que ses critiques initiales sont partagées.
Cela montre aussi que la partie n’est pas terminée, et que les actions et analyses que nous pouvons porter continuent d’inquiéter, parce qu’elles prennent bien plus en compte l’intérêt général, que la profession a toujours défendu avec son organisation majoritaire. A contrario, le Comité Mathiot entend se saisir du débat pour prolonger la logique de sa réforme, et aller plus loin dans la segmentation des parcours de formation au lycée : le gouvernement n’a pas renoncé à sa volonté, pas plus qu’il ne renonce à masquer le véritable projet de société qu’il porte.
Le SNES-FSU, sur la question spécifique des mathématiques, mais au-delà sur l’ensemble de la réforme du lycée, n’a pas renoncé, et continuera d’illustrer à chaque fois que possible les dérives induites par la réforme. Il portera son projet éducatif, en l’articulant avec l’amélioration des conditions de travail des personnels : la question du sens de nos missions, des condition d’exercice, est centrale, et le cœur de métier demeure bien une préoccupation du SNES-FSU.


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