Apprentissage, le mot est décidément à la mode. Les nombreuses mesures visant
à augmenter le nombre d’apprentis fleurissent. À l’inverse, les conditions d’études
pour les jeunes et de travail pour les enseignants ne cessent de se dégrader.

Sur le dossier apprentissage, les nouvelles s’accélèrent depuis 2014 et, dernièrement, avec le plan « 500 000 formations prioritaires » lancé par François Hollande en février 2016. Pour tenter d’augmenter le nombre d’apprentis, les cadeaux aux entreprises se multiplient sous forme d’aides cumulables et d’exonérations de charges sociales. Mais la formation coûte cher et les CFA ne se développent pas assez rapidement. Pour absorber un demi-million de plus d’apprentis, la décision est prise d’utiliser les moyens de l’Éducation nationale. L’apprentissage dans les lycées représente pour l’instant moins de 10 % des apprentis des CFA publics et la possibilité de progression est donc considérable. La stratégie de développement à moindre coût de l’apprentissage se précise : développer la mixité des publics, c’est-à-dire intégrer des apprentis dans les classes scolaires.

Dégradations des conditions d’études…

Ce système, en accentuant le remplissage des classes et créant du sureffectif, en désorganisant la formation par une gestion plus difficile des calendriers, en augmentant les difficultés d’accompagnement par une plus grande hétérogénéité des publics, contribue à la dégradation des conditions d’études. Pour les élèves, la répartition des séquences en entreprise n’est plus un choix pédagogique mais résulte d’une contrainte administrative en lien avec le code du travail au détriment de celui de l’éducation. Pour les enseignants, c’est indéniablement une dégradation des conditions de travail.

… des conditions de travail

Pour faire accepter aux collègues ces conditions, c’est à chaque fois le chantage à la suppression de la formation scolaire et donc le chantage à l’emploi qui est utilisé pour faire accepter la mixité aux personnels. Et comme il n’existe pas de règles sur la rémunération des enseignants en cas de mixité, les conditions sont différentes selon les lycées, entre 0 et 5 € de l’heure par apprenti. En cas de groupe d’apprentis séparé la rémunération en BTS est de 54 € de l’heure. Réfléchissez bien avant d’accepter la mixité et exigez plutôt la séparation des scolaires et apprentis !

Toute ouverture à la mixité de public doit être soumise par convention au vote du conseil d’administration. Si elle est adoptée, il faudra tenter d’obtenir le respect du volontariat des enseignants pour intégrer des apprentis dans leurs classes.

Et n’oublions pas que les difficultés d’accès à des formations par apprentissage sont les mêmes que celle connues pour l’insertion professionnelle. Ainsi, les filles, les jeunes issus de l’immigration, les jeunes des quartiers défavorisés ont plus de mal à trouver une entreprise.

On y accède bien plus facilement si on a des « réseaux » de connaissance et c’est la porte ouverte au piston et appuis de toutes sortes. Et plus le niveau de formation est élevé, plus les inégalités sociales sont importantes. En clair, l’apprentissage n’est pas un outil de démocratisation des formations supérieures, bien au contraire. Nos formations scolaires, elles, sont les seules à assurer du mieux possible l’accès pour tous aux formations professionnelles.

Alain Leurion


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