Analyse des nouveaux programmes de Spécialité SVT et d’Enseignement Scientifique en Terminale
1. Descriptif rapide
Trois thèmes sont déclinés dans ce projet de programme qui peuvent faire résonance dans des débats sociétaux actuels : climat, énergie, évolution.
Dans les objectifs du programme, contrairement à ceux du niveau Première, l’environnement est cité « identifier et comprendre les effets de la science sur les sociétés et l’environnement », également est fait mention du lien possible avec le programme de Philosophie.
Les professeur-es de SVT pourront largement intervenir dans deux thèmes sur trois :
– Thème 1 : Science, climat et société
– Thème 3 : Une histoire du vivant
Comme dans la Spécialité de Terminale, la notion du temps est prépondérante dans ce programme.
Exit le « projet » que l’on avait découvert en Première
2. Appréciation globale, moins négative qu’en Première
Il paraît moins abscons que celui de Première et si on n’a pas déjà « perdu » les élèves l’année précédente, plus facile à appréhender sur le fond et donc intéressant.
De plus, la différence de structuration du programme par rapport à celui de Première est étonnante, voire réconfortante.
L’environnement est donc enfin pris en compte bien tardivement !
Le risque de répétition, donc d’ennui, pour les élèves qui suivront l’enseignement de Spécialité est réel (climat, évolution). La coordination sera absolument nécessaire si ce n’est pas le ou la même professeur-e qui intervient dans ces deux enseignements.
La pratique expérimentale exprimée en préambule, ne se concrétise pas dans le développement des thèmes et c’est regrettable : aucune activité pratique n’est véritablement référencée à part quelques savoir-faire mathématiques (calculs, rendements, probabilités), leitmotivs récurrents diront certains…
L’impression donnée est qu’il nous faut raconter un récit argumenté de science à partir essentiellement d’études documentaires.
Le « développement de qualités intellectuelles [dans le domaine scientifique] », passant nécessairement par la pratique, et « faire pratiquer de la science de manière variée », ne semblent concrètement absolument pas mis en musique par le contenu.
Un item nouveau clos ce projet : l’externalisation de l’intelligence avec l’histoire informatique et la percée de l’IA comme terme ou étape de l’évolution humaine dans le « récit de nos origines » : bof ! Ou alors comme un prétexte à nouveau pour évoquer les Mathématiques diront les mêmes sceptiques…
3. Faisabilité, difficile
Mais la véritable difficulté de ce programme se pose dans sa mise en œuvre et c’est là que le bât blesse.
Pas de découpage suggéré – ni en semaines, ni en disciplines – et pour cause : le ministère veut forcer l’interdisciplinarité alors que les SVT semblent prépondérantes sur ce niveau de Terminale, et qu’aucun temps de concertation n’est prévu.
Les dangers de la variable d’ajustement, de l’annualisation des services affleurent à nouveau.Qui pour l’enseigner : le ou la professeur-e de SVT, de PC, de Maths ?
On a envie de dire : personne et rendez-nous lisibles, avec des heures d’enseignement dédiées, des heures en groupes à effectif réduit pour observer, expérimenter, des heures respectueuses de nos disciplines.
Ce problème d’absence de découpage paraît d’autant plus préoccupant que le programme fait l’objet d’une évaluation pour le Bac, et qu’en son absence, le niveau de traitement des différents thèmes sera très disparate sur l’ensemble du territoire…
Dans la liste des objectifs de formation on retrouve comme en Première « Identifier et mettre en œuvre des pratiques scientifiques » avec une notification sur la pratique de l’oral « Cet enseignement contribue au développement des compétences langagières orales à travers notamment la pratique de l’argumentation. Celle-ci conduit à préciser sa pensée et à expliciter son raisonnement de manière à convaincre ».
A 35 élèves cela risque d’être compliqué de pratiquer…
4. Relation avec l’épreuve commune de contrôle continu (E3C) :
L’épreuve d’E3C de Terminale sera composée de deux exercices en 2 heures comptant chacun pour 10 points, comme en Première
Autre souci collatéral, l’évaluation de cet enseignement en E3C se fera bien avant la fin de l’année scolaire et ne pourra porter que sur 2 thèmes parmi les 3 : comment gérer les élèves en fin d’année et dans quelles conditions s’effectuera l’enseignement du dernier thème ?
5. Cohérence verticale, pas du tout manifeste
Tellement ce programme est différent de celui de Première !
On aurait aimé connaître :
– Le découpage temporel et disciplinaire
– Les activités expérimentales clairement identifiées
– Une mention de la nécessité de travailler en groupe à effectif réduit pour répondre à la suggestion « une place réservée à l’observation et à l’expérience en laboratoire » et faire pression sur les chefs d’établissement pour attribuer des moyens horaires à cet enseignement, par expérience de cette première année parent pauvre des emplois du temps
– La place des Mathématiques dans l’évaluation, les premiers sujets « 0 » proposés pour la classe de Première n’étant absolument pas réalistes ni réalisables par les élèves
1. Descriptif
Le préambule de ce programme est identique à celui de la spécialité de Première et du tronc commun de Seconde hormis la mention de sa contribution à des compétences orales (savoir argumenter pour convaincre et se remettre en cause jusqu’à atteindre « la vérité par la preuve ») et un item supplémentaire « enseignement de spécialité de SVT et épreuve orale » qui rappelle que cet enseignement peut être utilisé pour élaborer des projets présentés lors de l’épreuve orale terminale.
On y rappelle « la place centrale en SVT des activités expérimentales ».
Les compétences travaillées sont identiques à celles répertoriées en spécialité de Première et en Seconde dans le tronc commun, elles figurent dans un tableau, associées aux différentes capacités.
Les trois thématiques récurrentes, étudiées en Seconde et en Première, sont présentées dans un tableau à deux colonnes : connaissances et notions fondamentales/capacités et attitudes avec des exemples de protocoles expérimentaux à développer.
Des précisions en limitent le développement et des liens rappellent les notions vues dans la discipline à d’autres niveaux ou dans d’autres disciplines scientifiques.
Le thème 1, Terre, Vie et évolution du vivant étudie la génétique (diversité génétique des individus liée à la reproduction sexuée des Eucaryotes entre autres, évolution génétique des populations) sous-thème très classique puis de l’histoire géologique de notre planète, classique également, sous-partie dans laquelle dimensions temporelle (méthodes de datation, traces du passé géologique de la Terre) et spatiale sont associées, et qui invite à « s’appuyer sur des données de terrain obtenues lors d’une sortie ».
La notion du temps constitue un fil conducteur des thèmes 1 et 2 (Enjeux planétaires contemporains), ce qui s’annonce intéressant, le traitement qu’en font les SVT et l’échelle utilisée sont des spécificités de notre discipline :
– Génétique et évolution
– Le temps et les roches
– Chronologie en géologie
– Histoire alpine
– Climats du passé…
Les conséquences du réchauffement climatique sont -enfin- abordées dans le cursus du lycéen qui aura fait le (bon) choix de conserver les SVT jusqu’en Terminale, après que soit repris un pan entier de l’ancien programme de Spécialité sur les variations climatiques au cours des temps géologiques, ce qui rend cette partie moins anecdotique que dans le programme de Spécialité encore en vigueur actuellement mais elle peut paraître redondante avec le thème du climat de l’Enseignement Scientifique
Dans ce même thème 2, on retrouve les végétaux, avec les aspects biologiques, physiologiques des plantes à fleurs (organisation fonctionnelle, reproduction…encore la photosynthèse !) associés à la domestication ce qui donne une cohérence à cette partie.
Le thème 3, corps humain et santé, et l’approche comportementale est un point d’appui pour les élèves se destinant à des études biologiques ou médicales au sens large.
On y retrouve le contrôle de la glycémie associé à l’aspect énergétique du fonctionnement de la cellule musculaire développés dans une partie sur la contraction musculaire qui fait suite à un sous-thème sur le mouvement (réflexe et volontaire) et le système nerveux. On y traite également du stress, réminiscence d’un programme de Spécialité ancien, et de la résilience dans une vision intégrée de l’organisme sur son adaptabilité et ses limites. C’est une partie avec un angle de vue très intéressant.
2. Appréciation globale, positive
Ce programme est très intéressant, varié, complet, permettant un travail à toutes les échelles du vivant, une réflexion argumentée sur les enjeux sociétaux actuels (environnement, santé), une réflexion temporelle à une échelle qui dépasse celle de l’humanité, une approche de la physiologie humaine, à travers différentes régulations.
Il y a une vraie cohérence au sein des différentes parties et sous-parties.
3. Faisabilité, difficile
Il est très dense et paraît pléthorique surtout en prévision de l’épreuve terminale écrite qui interviendrait tôt (Mars-Avril). Des repères temporels concernant la programmation seraient bienvenus.
Les 6heures/élève par semaine obligent à la manipulation dans des conditions optimales, ce projet de programme s’y prête largement. Sans activités expérimentales rendues possibles dans les emplois du temps des élèves, le ressenti lié à l’accumulation de connaissances et de savoir-faire à travers uniquement des exploitations documentaires serait très négatif et réduirait à néant l’intérêt premier qui domine à la lecture du projet de programme.
Les conditions d’enseignement sont primordiales ici et ce programme doit préciser les temps nécessaires de l’apprentissage en groupes à effectif réduit.
La mention d’une invitation à recueillir des données sur le terrain en préalable à la partie géologique du thème 1 est louable devant la nécessité de se fonder sur des éléments concrets qui caractérisent la discipline, notamment hors de la classe, à l’échelle des paysages.
Cependant, elle semble difficile à gérer avec l’éclatement du groupe « classe », toutes les évaluations du cycle terminal et risque de rester un vœu pieu.
4. Relation avec les épreuves finales, complexe
– Si la date de passage des épreuves de spécialité en mars-avril pour Parcoursup est confirmée, il est impossible de réaliser ce programme en l’état, il faut clairement flécher les parties à traiter pour cette date butoir
– La structure de l’épreuve de spécialité est très classique, 2 exercices à réaliser en 3h30 comptant pour 15 points sur 20, le premier correspondant à un texte argumenté répondant à une question scientifique (avec d’éventuels documents) et le second, plus important, évaluant la pratique du raisonnement scientifique en répondant à un problème scientifique à partir d’une exploitation documentaire mobilisant des connaissances.
Ces deux exercices doivent porter sur les parties différentes du programme : à préciser absolument. Et lesquelles.
– L’évaluation des compétences expérimentales (ECE) propres à la démarche scientifique serait maintenue et son poids, renforcé : 25 % de la note de l’épreuve terminale de spécialité (5 points sur 20) soit 4% du bac 2021. Elle aurait lieu avant l’épreuve finale, ce qui risque de perturber encore plus l’année de Terminale très en amont et de limiter le nombre de sujets possibles à proposer aux élèves
Les conditions d’apprentissage doivent donc être à la hauteur dès la spécialité de Première et a fortiori en Terminale.
Pour cette nouvelle raison, le programme doit absolument préciser la nécessité de travailler en groupes à effectifs réduit
– L’oral et le projet : un temps de préparation doit leur être dédié et spécifié dans le programme, ce qui amenuise encore les chances de boucler ce programme pléthorique et pour cette troisième raison, le travail en groupes à effectif réduit doit être inscrit dans le programme.
Concrètement quel contenu enseigne-t-on au 3e trimestre pour l’évaluation en contrôle continu et pour préparer les ECE et l’oral ?
5. Cohérence verticale, pas vraiment manifeste
C’est de loin le plus intéressant des programmes des trois niveaux, le plus abouti mais peut-être celui qui sera réalisé dans les moins bonnes conditions pour les raisons évoquées plus haut.
Et surtout : il va se mériter !
Car celui de Seconde n’est pas du tout enthousiasmant pour l’ensemble des élèves, notamment le thème 2, c’est peu de le dire. Celui de Première n’est pas vraiment transcendant non plus, avec un thème 1 très lourd et là encore un thème 2 qui laisse à désirer et qu’il aurait mieux valu intervertir avec celui de Seconde.
Il n’y pas de véritable cohérence globale sur les trois niveaux du lycée pour les élèves concernés par un enseignement en SVT quantitativement riche : l’impression de catalogue rapidement constitué et de redondance parfois n’est pas loin.