Le rapport de l’IGANER 2018-035 d’avril 2018 dresse l’état des lieux des AE. Un premier constat s’impose: le nombre de demandes d’AE augmente de manière très forte (entre 2014 et 2017, pour le seul baccalauréat, les demandes ont augmenté de 69,3%), alors que dans le même temps les demandes de recours ont explosé.
Le nombre de demandes d’AE est significativement supérieur à celui des élèves suivis par les MDPH (relevant du champ de handicap). Les élèves disposant de PAP peuvent également formuler une demande d’AE.
I. Des difficultés pour l’administration et les familles:
La gestion du temps et de l’espace de l’examen, combinée au nombre de demandes d’AE, crée d’importants problèmes d’organisation pour l’administration et les centres d’examens. Des disparités apparaissent entre les différents centres, compromettant l’égalité des candidats.
La lourdeur des procédures (compliquées encore par les difficultés structurelles rencontrées par la médecine scolaire et les MDPH) éprouve les familles et crée des différences inacceptables entre les familles les plus favorisées et les autres.
II. Des difficultés pour les enseignants:
Préparer un élève en situation de handicap, ou pouvant prétendre à un AE, est une tâche ardue qui place les enseignants face à des dilemmes et à des impasses pédagogiques. En effet, pour citer le rapport d’avril 2018, il existe “un décalage entre les démarches validées et engagées tout au long de la scolarité qui ont mis en réussite les élèves et les aménagements accordés dans le cadre de l’examen”. Ce manque de cohérence impacte lourdement le travail des enseignants qui ne peuvent que douter du sens des efforts entrepris pour conduire un élève vers sa réussite, lorsque cette réussite sera de fait empêchée par les conditions mêmes dans lesquelles se déroule l’examen. Ce constat décourageant est amplifié par une deuxième réalité: les adaptations sont encore pensées au dernier moment, et en aval des épreuves.
III. Des difficultés pour les jurys:
Dans l’ensemble, la formation des jurys et des correcteurs est indigente.
A l’oral, beaucoup d’enseignants sont déstabilisés faute d’une formation préalable les préparant à accueillir les élèves ESH. Quelle attitude adopter? Comment reformuler une consigne ou une question? Comment ne pas mettre le candidat en échec?
A l’écrit, un système de repérage des copies existe, système conçu pour ne pas remettre en cause l’anonymat des candidats. Mais beaucoup de correcteurs interrogent la valeur du diplôme et s’inquiètent d’une dénaturation des épreuves. Certains évoquent même des risques de fraude, quand le candidat est autorisé à utiliser un ordinateur par exemple. D’autres parlent d’un risque de “surcompensation” et doutent de la pertinence de certains aménagements. On connaît par exemple l’effet pervers que peut avoir un tiers-temps: le candidat voit ses journées s’allonger et sa fatigue démultipliée.
IV. Les voies d’amélioration:
Certaines existent déjà: attestation de compétences (circulaire du 30 novembre 2016), CCF (Contrôle en Cours de Formation). Le CC (Contrôle Continu) est une piste envisagée.
L’attestation de compétences est précieuse pour les élèves qui ne sont pas en capacité de valider complètement un diplôme. Mais elle n’est pas encore utilisée de manière homogène sur le territoire et crée donc des inégalités de traitement.
Le CCF et le CC sont combattus notamment par la commission scolarité du CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) qui réclame des épreuves communes à tous les élèves. Le CNCPH propose que soient conçus des “examens accessibles” (dans le fond et non seulement la forme), dans lesquels une seule compétence est évaluée à la fois. Il prône les sujets multi-modaux (types EAF).
Nos revendications:
Trop de textes réglementaires encadrent les AE (voir l’annexe 1 du rapport qui présente la quadruple strate de textes). Une simplification s’impose.
Mais surtout:
1) Les jurys doivent être formés à la passation des épreuves orales et à la correction des épreuves écrites.
2) Les AE doivent être cohérents avec les aménagements dont disposent les élèves durant leur scolarité. Trop souvent, les enseignants se retrouvent écartelés entre des logiques contradictoires (droit à compensation de l’élève d’un côté et réalité des programmes et des épreuves de l’autre). Cette situation n’est au profit ni des élèves, ni de leurs professeurs.