1. La situation actuelle
1.1. Les textes
Les deux décrets de 1950
Abrogés par le ministre Robien le 12 février 2007, ces deux décrets ont été rétablis inchangés par le décret du 31 août 2007 par le ministre Darcos, à la suite d’une intense bataille syndicale ayant contraint le pouvoir politique.
L’heure dite de 1ère chaire est la diminution d’une heure du maximum de service des « professeurs de première chaire » que les décrets 50-581 et 50-582 du 25 mai 1950 désignent dans leurs articles 5.
– Pour les personnels enseignants « des établissements d’enseignement du second degré », le décret 50-581 :
Article 5 /…/ « Sont professeurs de première chaire :
Les professeurs de philosophie ;
Les professeurs de mathématiques enseignant dans les classes de mathématiques ;
Les professeurs de lettres ayant reçu, par arrêté ministériel, le titre de professeur de première et enseignant dans cette classe ;
Les professeurs de mathématiques, sciences physiques et naturelles, histoire et géographie, lettres et langues vivantes qui donnent au moins six heures d’enseignement dans les classes préparatoires aux grandes écoles figurant sur une liste arrêtée par décision ministérielle, ou à l’enseignement supérieur, dans les classes de philosophie, de sciences expérimentales, de mathématiques ou dans la classe de première.
Pour le calcul de ces six heures, les heures données à deux divisions d’une même classe ou section ne comptent qu’une fois. »
– Pour les personnels « des établissements publics d’enseignement technique », le décret 50-582 :
Article 5 /…/ « Sont professeurs de première chaire les professeurs d’enseignement littéraire, scientifique ou technique théorique qui donnent au moins six heures d’enseignement dans les classes suivantes :
1° Classes des écoles nationales d’ingénieurs d’arts et métiers et écoles assimilées par décision ministérielle ; Classes des écoles normales nationales d’apprentissage.
2° Classes préparatoires aux grandes écoles figurant sur une liste arrêtée par décision ministérielle.
3° Sections de techniciens supérieurs.
4° Classes des centres de formation des professeurs techniques adjoints de lycées techniques.
5° Classes terminales et classes de première des enseignements longs techniques et professionnels.
Dans le calcul des six heures exigibles, les heures données à deux divisions d’une même classe ou section ne comptent qu’une fois. »
La rédaction de ces textes porte la marque de la terminologie de leur époque, et doit être aujourd’hui explicitée. Ainsi, dans le décret 50-581, « les classes de philosophie, de sciences expérimentales, de mathématiques » de 1950 sont devenues respectivement les terminales A, D et C, et maintenant : les Terminales L et S. De même, la « classe de première » de 1950 est constituée de l’ensemble des classes de première, on écrirait aujourd’hui : le niveau de première. La « division » de 1950 se dit aujourd’hui « classe » dans le langage commun ; la « section » de 1950 correspond à notre « série ». La partie de phrase « deux divisions d’une même classe ou section ne comptent qu’une fois » doit être aujourd’hui traduite par : « deux classes d’un même niveau ou série ne comptent qu’une fois », ainsi que l’indique l’arrêté du 27 août 1992 « relatif à la terminologie de l’éducation » qui réaffirme les définitions de « classe » et de « division » telles qu’elles sont employées dans les décrets de 1950.
La circulaire du 1er décembre 1950
La rédaction très lapidaire des décrets a nécessité dès le départ des éclaircissements et explications : c’est l’objet de la circulaire du 1er décembre 1950, qui reprenait certains termes du décret et introduisait la notion de « section parallèle » pour préciser certaines conditions d’attribution de l’heure de 1ère chaire, en donnant des exemples.
Article 5 /…/ « – Tous les professeurs et chargés d’enseignement – y compris, en vertu de l’article 9, les professeurs attachés aux laboratoires – donnant six heures d’enseignement littéraire ou scientifique dans les classes de baccalauréat et les classes préparatoires aux grandes écoles bénéficient, quel que soit leur grade, d’une réduction de service d’une heure.
Par ailleurs, ont droit à la réduction de première chaire, les professeurs de philosophie, les professeurs de mathématiques enseignant dans la classe de Mathématiques élémentaires, ainsi que les professeurs de lettres qui ont reçu, par arrêté ministériel, le titre de professeur de Première, à condition qu’ils enseignent dans la classe de Première.
Pour le décompte des six heures requises, les heures données dans des sections parallèles ne comptent qu’une fois. Doivent être considérées comme sections parallèles, celles où les disciplines envisagées comportent même programme et même horaire et sont sanctionnées par des examens ou concours dont les épreuves sont affectées des mêmes coefficients relatifs.
Lorsque la préparation à une grande école comprend deux divisions comportant, en théorie, le même programme, mais qui, en pratique, accueillent principalement, l’une, des élèves de première année, l’autre des élèves de deuxième année, ces deux divisions ne seront pas considérées comme parallèles. Il en sera de même lorsque deux groupes distincts de langues vivantes sont constitués dans une même classe pour l’enseignement de la langue 1 et de la langue 2. /…/ »
À la suite de l’abrogation en février 2007 des décrets de 1950 par le ministre Robien, cette circulaire a été abrogée le 6 avril 2007 par le même ministre, avec 92 autres « circulaires et notes de service qui n’ont plus d’application faute de base légale ou réglementaire ou encore dont les dispositions sont totalement obsolètes et désormais sans objet ». Mais, contrairement aux deux décrets de 1950, cette circulaire n’a jamais été rétablie. Toutefois, un certain nombre d’applications coutumières ont perduré selon les situations locales.
1.2. Une situation instable et inégale
L’évolution du second degré depuis les années 1950 a progressivement changé la donne : par exemple, plus personne n’est « professeur de lettres ayant reçu, par arrêté ministériel, le titre de professeur de première », ce qui ne porte guère à conséquence.
Plus inquiétant, des disciplines (voire des séries entières) qui n’existaient pas alors ou n’étaient guère enseignées en lycée, sont ignorées : c’est le cas par exemple de la série B devenue série ES, des Sciences Économiques et Sociales, des disciplines artistiques…
C’est donc l’action syndicale et le rapport des forces qui, s’appuyant notamment sur la définition du parallélisme des sections et l’évolution sémantique, ont fini par faire admettre en gestion des services personnels que la « division » d’une « classe ou section » peut s’appliquer à la notion de groupe (TP, TD…) et ont créé une pratique coutumière élargissant le bénéfice de l’heure de 1ère chaire en transformant et faisant vivre l’esprit du texte (extension aux séries et disciplines nouvelles, aux groupes en LV…).
Mais depuis le milieu des années 2000, en raison des fortes contraintes découlant de l’insuffisance des dotations horaires attribuées aux lycées, en raison aussi de l’autonomie croissante des recteurs et des chefs d’établissement, en raison enfin des nouvelles dispositions en lycée (TPE, AP…), les conditions d’attribution et les modalités de décompte sont devenues très inégales, variant selon l’académie, voire selon l’établissement. Les lectures restrictives se sont multipliées, les difficultés locales ou académiques se sont accrues : les recours en justice administrative, au regard du texte même des décrets de 1950, sont systématiquement perdus et très dangereux car portant le risque majeur d’une jurisprudence extrêmement restrictive applicable partout et à tous. Le rétablissement de la circulaire du 1er-12-1950 n’apporterait rien, les tribunaux considérant avec constance qu’une circulaire n’a aucune valeur juridique.
2. Des propositions de rénovation
Le ministère propose de modifier le dispositif : remplacer l’heure de chaire par une pondération à 1,1 des heures effectuées en cycle terminal, dans la limite d’une heure, toutes les heures étant prises en compte (classes, groupes, TP, TD, TPE, AP…), toutes les disciplines étant concernées et la notion de classe « parallèle » disparaissant. Ce dispositif sécuriserait les conditions d’attribution, en écartant toute possibilité d’interprétations diverses.
L’application de la pondération accroîtrait mécaniquement de 15 000 (soit + 15 %) le volume des professeurs concernés, l’élargissement du périmètre conduisant d’autre part à l’augmentation du volume global des heures attribuées.
L’impact sur le service individuel serait variable. Tous les professeurs effectuant entre 1 et 5 heures dans le cycle terminal, et qui ne peuvent actuellement percevoir l’heure de chaire, bénéficieront de la pondération (de 0,1 à 0,5 heure). De la même manière, ceux qui, au motif de classes dites « parallèles » ou de classes dites « non-entières », ne peuvent aujourd’hui percevoir l’heure de chaire, bénéficieront de la pondération sur toutes les heures concernées. Pour les professeurs effectuant 10 heures ou plus en cycle terminal, la nouvelle formulation ne changera rien. En revanche, les collègues qui actuellement perçoivent l’heure de chaire en effectuant entre 6 à 9 heures en classes du cycle terminal perdront une part de la décharge dont ils bénéficient (de 0,1 à 0,4 heure), à l’exception toutefois de ceux qui verront pris en compte la pondération pour les heures effectuées en classes « parallèles » ou non entières qui ne sont pas actuellement comptabilisées. En STS, enfin, si la pondération de 1,25 est élargie à l’ensemble des heures, le projet écarte la pondération de 1,1 : les professeurs pourraient être dans une situation entre la perte d’une heure et le gain de quelques quarts d’heure selon les pratiques actuelles dans les lycées.
Pour résumer : le changement du périmètre et des modalités d’attribution élargit le nombre des bénéficiaires et augmente le volume global des heures attribuées, tout en rebattant les cartes pour tout le monde.
3. Améliorer et sécuriser le dispositif pour tous
Le fait d’acter que toutes les interventions pédagogiques envers les élèves sont équivalentes (classe entière ou non, parallèle ou non) comme la suppression du seuil des 6 heures répond à notre conception de situations pédagogiques diversifiées. La sécurisation du dispositif statutaire et le système de pondération constitueront un outil permettant de brider efficacement la marge de manœuvre du chef d’établissement.
Toutefois, un tel système ne peut à lui seul répondre à la nécessaire réduction du temps de travail revendiquée par le SNES et dont doivent bénéficier tous les professeurs.
On le voit bien : pour peser et gagner, l’ensemble de la profession doit, à partir de ce sujet, se saisir plus largement de la question de la revalorisation de nos métiers, de l’amélioration de nos conditions de travail et de rémunération. C’est le combat que mène le SNES et sur lequel il appelle tous les collègues à se mobiliser.