Il y a deux ans, le SNES-FSU alertait sur la création des Conseils académiques des savoirs fondamentaux (CASF) dont une note de service définissait le rôle. L’analyse du SNES-FSU se voit une fois de plus confirmée sur le terrain. Il s’agit d’une nouvelle offensive majeure contre la liberté pédagogique et plus généralement contre nos métiers.

Qu’est-ce que le CASF ?

À la seule main des recteurs et des rectrices, les CASF doivent établir la « stratégie académique » et son déploiement dans les établissements notamment à partir d’un « outil statistique commun » regroupant les évaluations nationales, les certifications (PIX, Ev@lang,…).

Outre l’approche néo-managériale des CASF via des tableurs détaillant les moindres fonctionnements des établissements, la note de service prévoit des périodes d’observation d’IA-IPR dans les collèges pour veiller à la mise en place des regroupements de niveau du “Choc des savoirs” et pour préconiser des méthodes d’enseignement appauvries car procédurales. Tout doit pouvoir être mesuré ! Une marche de plus risque d’être franchie vers la dépossession de nos métiers notamment en ce qui concerne la conception de nos pratiques pédagogiques et éducatives (CASF : restriction de la liberté pédagogique en vue !).

Sur le terrain

Depuis quelques semaines certain·es recteurs et rectrices activent leur CASF. Dans l’académie d’Amiens, un « plan collège » cible dans un premier temps les collèges qui obtiennent les moins bons résultats aux évaluations nationales standardisées ainsi qu’au DNB. En formation obligatoire, un·e IA-IPR pointe les statistiques de l’établissement puis propose des solutions très formatées pédagogiquement, voire indigentes. Les objectifs sont d’uniformiser les pratiques, et de créer une coordination transdisciplinaire en ce qui concerne l’écrit ou de développer le « bien-être »… dans des classes pléthoriques !

Dans l’académie de Lille, ce sont des « visites » d’IA-IPR sur trois jours qui visent à faire « essaimer » les « leviers opérationnels de réussite ». Après l’audit que représente l’évaluation externe des établissements scolaires, les autorités académiques poussent toujours plus loin l’intrusion dans les pratiques. C’est d’ailleurs bien cela qui est visé dans la « feuille de route académique » quand il s’agit de s’attaquer les « réticences dès lors qu’on aborde les échelles les plus fines. »

En Seine-et-Marne (Académie de Créteil), le rectorat a décidé d’une dotation d’une heure pour « un coordinateur pédagogique » qui formalisera le projet d’évaluation de chaque collège. Cette idée était déjà présente dans le rapport, jamais publié, qui a inspiré les mesures du « Choc des savoirs » d’Attal.

La folie des tableurs

Cette « feuille de route académique » lilloise donne également comme objectif de « consolider l’acculturation de tous à la consultation et à l’analyse des données ». À l’instar de ce qui se déroule dans l’hôpital public, il s’agit d’abandonner toute la dimension humaine de l’expertise des professionnel·les pour ne se référer qu’à une multitude d’indicateurs sans jamais questionner ni leurs biais, ni leurs limites. On approche là des pratiques de reporting (Le reporting consiste à rendre périodiquement compte de ses performances à sa direction).

Le CASF de l’académie de Lille a ainsi produit un tableur avec plusieurs centaines d’entrées pour pratiquer l’autoévaluation (une fois de plus !) des collèges concernés. Ce questionnaire est plus particulièrement poussé pour les professeur·es de français et de mathématiques avec une centaine d’items fouillant au coeur des pratiques de chacun·e. Pour exemple : « Lorsque des exercices de grammaire sont donnés à faire en dehors du cours, le professeur prend-il le temps d’expliciter : ce qui est à faire ? Lorsque des exercices de grammaire sont donnés à faire en dehors du cours, le professeur prend-il le temps d’expliciter : où trouver la leçon ? Lorsque des exercices de grammaire sont donnés à faire en dehors du cours, le professeur prend-il le temps d’expliciter : les stratégies à convoquer ? Quelle forme prend la correction des exercices de grammaire ? » ou encore pour le questionnaire « mathématiques », « Ces pratiques orales constituent-elles une focale dans la construction didactique et les pratiques de classe (comme le triptyque Manipuler Représenter Abstraire) ? »

On y reconnait la volonté de vérifier que les professeur·es mettent en application notamment la « méthode de Singapour », « l’enseignement explicite » (S. Bissonnette), toutes les pratiques décrétées comme « efficaces et éprouvées » par le CSEN (Conseil scientifique de l’éducation nationale) dont l’idéologie irrigue les CASF.

Évidemment la question des évaluations des élèves est prégnante et montre la direction vers des épreuves communes régulières.
À l’instar des projets de programmes de français, des cadences minutées pourraient s’imposer aux professeur·es par semaine et même par heure…

Savoirs fondamentaux : un concept réducteur

Depuis quelques décennies, l’expression « savoirs fondamentaux » est utilisée pour définir un minimum de connaissances visant à l’employabilité future des élèves, à savoir « lire, écrire, compter et parfois respecter autrui ». S’y ajoutent désormais les compétences psycho-sociales.

L’objectif étant qu’aux élèves des classes populaires, on enseignerait uniquement les savoirs fondamentaux, tandis que les enfants des classes bourgeoises pourraient prétendre à accéder à une ouverture disciplinaire et culturelle plus large. C’était d’ailleurs ouvertement le projet des Ecoles des Savoirs Fondamentaux de la loi de 2019 « Pour une école de la confiance », mises en échec grâce à la mobilisation de la FSU.

Une partie du ministère porte même ce nom : sous-direction des savoirs fondamentaux et des parcours scolaires

L’avis du SNES-FSU

Le SNES-FSU s’oppose à la mise en oeuvre des CASF ainsi qu’aux pressions sur les personnels pour auto-évaluer leurs pratiques dans le but de rendre des comptes et de les changer sous la contrainte dans une perspective d’uniformisation. Ce nouveau dispositif n’est fondé que sur une note de service, de peu de valeur règlementaire. La volonté d’imposer un cadre néo-managérial, qui segmenterait l’acte pédagogique et le placerait sous contrôle hiérarchique, est manifeste. Les professeur·es doivent user de leur liberté pédagogique pour rester concepteurs et conceptrices de leur travail, mais aussi défendre la finalité émancipatrice de l’École publique. Le SNES-FSU conseille une réaction collective des équipes pédagogiques concernées et rappelle qu’aucune visite d’IA-IPR n’est obligatoire si elle ne s’effectue pas dans le cadre d’un rendez-vous de carrière.

Alors que les classes sont toujours pléthoriques, que l’inclusion se fait sans les moyens nécessaires, que les regroupements interclasses du « Choc des savoirs » bousculent considérablement les équipes, les personnels ont besoin de soutien et de stabilité et non pas de pressions supplémentaires.

Rapprochez-vous de vos sections académiques pour informer le SNES-FSU d’initiatives relatives aux CASF dans vos établissements.


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