L’amiante a été utilisé massivement pendant plus de 130 ans ; en particulier dans les années 70, en France. Ce sont plusieurs milliers de produits différents, à utilisation industrielle ou domestique, qui ont été fabriqués.Lorsqu’elles se dispersent dans l’air, les fibres d’amiante peuvent provoquer des maladies touchant notamment l’appareil respiratoire : des fibroses du poumon (asbestose) ou de la plèvre (plaques pleurales, épaississements de la plèvre viscérale) ainsi que des cancers (mésothéliome de la plèvre, cancer broncho-pulmonaire, etc.) L’amiante est un cancérogène sans seuil, il n’y a pas de niveau d’empoussièrement en dessous duquel il n’y a aucun risque. Certaines maladies peuvent survenir après de faibles expositions. Les effets sur la santé d’une exposition à l’amiante peuvent apparaître plusieurs décennies après la fin de l’exposition.
- L’emploi de l’amiante a été interdit en France à partir du 1er janvier 1997 ; cette interdiction concerne les constructions dont le permis de construire a été déposé à compter du 1er juillet 1997 ;
- La réalisation de diagnostics amiante est obligatoire dans les bâtiments dont le permis de construire a été déposé avant le 1er juillet 1997 ; le Dossier technique amiante (DTA) doit contenir toutes les informations concernant la localisation, l’état de conservation, et le type des matériaux amiantés depuis cette date. Il doit être périodiquement mis à jour.
Ces dispositifs de prévention relèvent de différents codes : de la santé publique, du travail, de l’environnement, de la construction et de l’habitation. La circulaire du 28 juillet 2015 a précisé le dispositif réglementaire pour la fonction publique de l’État, mais ces principes sont souvent très mal respectés.
L’amiante est très présent dans le bâti scolaire
Selon un rapport de 2016, sur les 85% d’établissements scolaires construits avant 1997 (date d’interdiction de l’amiante) « 80 % des lycées professionnels, 77 % des lycées généraux et technologiques, 73 % des collèges et 38 % des écoles. » contiennent encore des matériaux et produits amiantés.
Pour rappel, l’enquête effectuée par des journalistes d’investigation scientifiques de « Vert de Rage » en 2023 a montré, à la suite de prélèvements surfaciques amiante (tests lingettes) dans des écoles, la présence de fibres d’amiante dans les poussières de salles de classes, sur les sols et les tables des élèves et des personnels dans 12 écoles sur les 14 investiguées.
Les mesures de préventions sont insuffisantes
Pourtant, selon l’enquête 2024 du ministère, seuls 50 % des établissements indiquent posséder un DTA dans leurs murs. Ce chiffre, assez catastrophique, révèle une carence de la politique de prévention mais aussi de la protection contre les risques au sein des établissements.
L’Enquête 2024 du MEN révèle également l’inertie de la politique de prévention, avec peu d’évolutions, voire une aggravation de la situation par rapport à 2016. En 2024 comme en 2016, entre 85 et 82 % des bâtiments scolaires sont potentiellement concernés par la présence d’amiante car construits avant 1997. Parmi ces bâtiments, environ 70 % contiennent toujours des matériaux amiantés. Encore plus préoccupant, cette enquête montre une nouvelle fois que de nombreux bâtiments scolaires contiennent des matériaux amiantés parfois très dégradés (scorés N2/N3 ou AC1/AC2 dans les DTA), sans qu’aucune mesure corrective ne soit mise en œuvre.
Le SNES avec la FSU rappelle l’urgence du traitement de ces situations, la nécessité de mise en œuvre de mesures de protection immédiates des collègues et des élèves ainsi que la reconnaissance des situations de danger grave et imminent.
Un suivi médical défaillant dans l’Éducation nationale
En juin 2019, Santé Publique France a publié des chiffres inédits sur les cas de mésothéliomes pleuraux (cancers spécifiquement liés à l’amiante) dans l’Éducation nationale. Entre 20 et 60 personnels font reconnaître chaque année un cancer de l’amiante en maladie professionnelle. Pour rappel, l’amiante peut causer d’autres pathologies que le mésothéliome (épanchements pleuraux, cancers broncho-pulmonaires et récemment reconnaissance de certains cancers du larynx et des ovaires…)
Entre septembre et décembre 2022, la FSU a mené une enquête auprès des F3SCT (ex-CHSCT) académiques et départementales : 18 dossiers de maladie professionnelle causées par l’amiante nous ont été signalés. Bien d’autres cas ne sont certainement pas remontés alors que l’administration a une obligation de suivi des victimes.
Concernant le suivi médical, la Circulaire du 28 juillet 2015 “relative aux dispositions applicables en matière de prévention du risque d’exposition à l’amiante dans la fonction publique” est claire mais peu appliquée dans l’EN : – L’employeur doit assurer la traçabilité de l’exposition des agents à l’amiante en établissant, pour chaque agent exposé directement, dans le cadre de ses fonctions, une fiche individuelle d’exposition à l’amiante, tenue à sa disposition à tout moment. – Le suivi médical professionnel et post-professionnel est ouvert sur présentation d’une attestation d’exposition à l’amiante, remplie par le chef de service, l’employeur public de l’État, territorial ou hospitalier, et le médecin de prévention et remise à l’agent lors de la cessation de ses fonctions. – Un bilan des suivis médicaux post professionnel mis en place dans le service doit être présenté annuellement au CHSCT compétent. – Demande de recensement et de remontée des dossiers pour le bilan social et la construction des plans de prévention en F3SCT. |
Amiante : il est urgent d’agir
Le SNES et la FSU interviennent depuis de nombreuses années sur le risque amiante pour la protection des personnels et des usagers, dans les Formations spécialisées locales ainsi qu’au niveau ministériel. Depuis fin 2024, un travail d’actualisation du plan amiante a été engagé par le ministère de l’Éducation nationale, mais une partie des demandes de l’intersyndicale n’ont, à ce jour, pas reçu de réponse.
Rendre les données publiques
Depuis plusieurs années, nous insistons pour que le ministère de constituer une base de données exhaustive et nationale de recensement du bâti scolaire. Concrètement, le ministère a adressé un questionnaire amiante aux chef.fes d’établissement et directeur.ices d’école et reçu autour de 32.000 réponses, soit plus de 50 % des établissements (60.000 au total) mais les données ne sont pas rendues publiques.
Sur la méthode, nous demandons que les collectivités territoriales, en charge des bâtiments scolaires, communiquent au ministère toutes les informations qu’elles possèdent au sujet de l’amiante. Les données « maisons » fournies par des personnes non formées ont une valeur informative, mais ne permettent pas une véritable politique de prévention.
Nous demandons également que le ministère transfère aux organisations syndicales et à la presse l’ensemble des données internes collectées par ses services, établissement par établissement, et que les situations les plus urgentes soient traitées.
Reconnaître et prendre en compte la dangerosité
Sur la gestion des situations de terrain, il est fréquent que l’administration refuse de reconnaître la réalité du danger. Nous souhaitons rappeler et faire respecter un principe simple : un matériau amianté dégradé constitue une situation de danger grave et imminent dans les établissements scolaires. Pour faire cesser ce danger, des mesures correctives doivent être immédiatement prises : en l’attente du désamiantage ou de l’encapsulage des matériaux amiantés dégradés, les salles de classe contenant de tels matériaux ne doivent plus être utilisées.
Certaines pratiques de prévention sont utilisées à contre-emploi. Les prélèvements atmosphériques (mesures d’empoussièrement) ne suppriment pas le danger alors que les matériaux amiantés dégradés sont soumis à des risques importants de dégradation mécanique dans les établissements scolaires (déplacements d’élèves au sol et contacts sol main bouche, mauvaises habitudes de gratter les murs, passage de nombreuses personnes à haute fréquence (toutes les heures) sur les même matériaux (par exemple sur des dalles amiantées dégradées.) D’autre part, de nombreuses opérations de maintenance et d’entretien (changement ou installations de tableaux, utilisation de monobrosse ou travaux sur des dalles amiantées) sont effectuées sans consulter le dossier technique amiante (DTA) et peuvent conduire à des situations d’exposition.
Financer un plan national de rénovation
L’objet de la conférence de presse intersyndicale du jeudi 13 mars est aussi d’alerter le ministère sur le problème de financement. La FSU considère qu’en la matière l’Éducation nationale partage les responsabilités avec les collectivités territoriales. Pour la FSU, il est plus que temps d’engager un plan national de financement de la rénovation des bâtiments scolaires, des équipements sportifs et des services administratifs qui prenne en compte la nécessité de protéger la santé des usagers et des personnels.
Face à une situation sanitaire alarmante, le SNES avec la FSU rappelle au ministère de l’Éducation nationale ses obligations d’employeur définies dans les articles L4121-1, L4121-2 et L4121-3 du Code du travail et demande la mise en œuvre urgente de plusieurs actions : Renforcer l’information et la formation en direction des personnels de l’Éducation Nationale et des agents des collectivités, sur les dangers de l’amiante ainsi que sur leurs droits Améliorer le recensement, l’accompagnement et le suivi médical des victimes de l’amiante parmi les enseignants et élèves de l’Éducation nationale. Fournir des fiches d’exposition à l’amiante et un suivi médical adapté aux personnels et aux élèves exposés dans les écoles recensées. Pour rappel, l’Éducation Nationale emploi seulement 65 médecins du travail, soit 56,8 ETP pour 1 201 515 personnels. Certaines académies n’ont plus d’ISST (Inspecteur Santé Sécurité et Conditions de travail), alors qu’il faudra a minima un.e ISST par département. Faciliter l’accès aux DTA : créer une base de données nationale de recensement de la présence d’amiante dans les établissements scolaires, qui garantisse le libre accès à l’information, comme inscrit dans les Orientations stratégiques ministérielles de la FSSSCT MEN. Créer de nouvelles normes pour reconnaître les prélèvements surfaciques amiante, à l’image de la norme D680-19 déjà règlementairement validée aux Etats-Unis. Lancer un plan de réhabilitation national du bâti scolaire et public, via des subventions pérennes de l’État, notamment pour viser l’éradication de l’amiante dans les bâtiments, telle que demandée par les directives européennes. |