L’étude internationale TIMSS mesure les performances en mathématiques et en sciences des élèves à la fin de la quatrième année de scolarité élémentaire (CM1 en France) et à la fin de la huitième année de scolarité obligatoire (classe de quatrième en France). La direction de l’évaluation de la prospective et de la performance « DEPP » a publié les résultats et ses analyses ici. Les diagrammes présentés dans cet article sont issus de ces documents.
Des questions portent sur des points qui ne sont pas exactement dans les programmes ou qui n’avaient peut-être pas encore été abordés au moment du passage du test. Les résultats de l’enquête TIMSS sont donc à interroger en gardant ces considérations en tête.
Résultats en sciences en CM1 – état des lieux avant le collège
En 2023, le score moyen des élèves scolarisés en CM1 en France est de 488 en sciences. Il était à la même valeur en 2019 et à 487 en 2015. Il reste très en dessous de la moyenne européenne ou de celle de l’OCDE (autour de 520).
Ce qui est frappant est que les garçons et les filles ont des scores moyens qui ont subi des évolutions différentes depuis 2015. Entre 2019 et 2023, le score moyen des garçons a augmenté tandis que celui des filles a baissé, à l’image de ce qui peut être observé en mathématiques.
L’écart entre les garçons et les filles était nul ou quasi nul en 2015 et 2019 tandis qu’il est maintenant de 8 points en faveur des garçons. Il faudra observer dans le futur s’il s’agit d’une tendance de fond ou non (qui fait penser à ce que l’on observe par exemple au lycée quant aux choix genrés de spécialités effectués par les élèves – voir ici et là). La note pointe qu’« En sciences, 16 pays UE/OCDE ne présentent pas d’écart significatif entre les filles et les garçons. ». La situation de la France est donc bien singulière. Les évolutions sociétales extérieures à l’école auraient-elles à voir avec ces résultats (cf l’intervention de Delphine Martinot à l’occasion de la JRD PC/SVT de juin 2024) ?
Autre sujet de préoccupation, les résultats forts différents des élèves selon leur origine sociale. En France, le score des 10 % des élèves les plus en difficulté est parmi les plus faibles d’Europe. Par contre, en sciences, l’écart entre les 10 % les plus performants et les 10 % les moins performants est relativement semblable à celui observé pour les pays de l’UE ou de l’OCDE (83 points contre 80 et 78).
La note de la DEPP précise que « TIMSS caractérise le niveau des élèves à partir de scores de référence. Les élèves doivent obtenir un score d’au moins 625 pour atteindre un niveau avancé, 550 ou plus pour le niveau élevé, 475 ou plus pour le niveau intermédiaire, 400 ou plus pour le niveau bas qui correspond à des compétences élémentaires. Un score inférieur à 400 indique que les élèves ne possèdent pas les connaissances élémentaires au sens de l’évaluation TIMSS. »
En France, en 2023, 12 % des élèves n’atteignent pas ce score de 400 en sciences. Au niveau de l’UE, cette proportion est plus faible puisqu’elle n’est que de 7 % (comme en mathématiques d’ailleurs). En 2019, les chiffres étaient de 14 % pour la France et de 6 % pour l’UE. Cette légère baisse est-elle significative ?
La note précise aussi que « Pour chaque discipline, trois échelles indépendantes permettent de rendre compte des processus cognitifs » :
- « Connaître aborde les faits, les concepts et les procédures que les élèves doivent connaître. Il est considéré comme un préalable pour s’engager dans des activités intellectuelles plus complexes. »
- « Appliquer se centre sur l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances et la compréhension des concepts, pour résoudre des problèmes ou répondre à des questions dans des contextes d’enseignement et d’apprentissage relativement familiers. »
- « Raisonner, le processus le plus exigeant, impose aux élèves de prendre en compte des situations nouvelles, des contextes peu courants ou plus complexes, ou encore de mettre en jeu plusieurs approches, plusieurs étapes ou plusieurs stratégies. »
En 2023, en sciences, il n’y a que peu d’écart dans les scores globaux des élèves et ceux obtenus pour les processus cognitifs « Connaître » et « Appliquer ». Par contre le score obtenu pour « Raisonner » est plus faible de 9 points (479-488). Il n’y a pas de tel écart dans l’UE (519-518) ou l’OCDE (526-526). Ce qui interpelle aussi est, qu’en France, cet écart ne se retrouve pas en Mathématiques.
A noter que sur la compétence « Raisonner », les filles font aussi bien en France que les garçons alors que dans l’UE ou l’OCDE, l’écart avec les garçons leur est favorable de 5 points. A noter qu’en Mathématiques les garçons font toujours mieux sur cette même compétence (+28 en France, +18 dans l’UE et +19 dans l’OCDE).
Résultats en sciences en 4ème – état des lieux en cycle 4
En 30 ans, le score de la France n’a quasiment pas évolué (488 en 1995, 489 en 2019 et 486 en 2023). Il est inférieur au score moyen des pays de l’OCDE et de l’UE. C’est même l’un des plus faible puisque seuls la Roumanie, Chypre et le Chili ont un score inférieur.
Le cycle TIMMS 2023 a évalué les élèves français de Quatrième, les mêmes élèves (majoritairement) que le cycle 2019 avait évalué lorsqu’ils étaient en CM1. Les résultats montrent qu’il n’y a quasiment pas eu d’évolution pour cette cohorte puisque le classement au niveau international des élèves de Quatrième en 2023 est le même que celui des élèves de CM1 de 2019.
On retrouve en 2023 une observation déjà faite en 2019 : il n’y a pas de différence significative entre le niveau des filles et celui des garçons en France. Alors qu’en moyenne, le niveau des filles est de 5 points inférieur à celui des garçons dans les pays de l’OCDE et de l’UE (avec de grandes disparités cependant, dans un sens ou dans l’autre, suivant les pays).
A noter qu’en 2019, en CM1, filles et garçons obtenaient un score comparable en sciences (respectivement 489 et 487, soit un écart non significatif). L’enseignement des sciences au collège semble à même de pérenniser la réussite des élèves sans distinction de genre. Si, in fine, les filles se détourne des filières scientifiques au lycée puis dans l’enseignement supérieur, cela a beaucoup à voir avec les effets délétères des réformes Blanquer ou ParcourSup.
La répartition des élèves par niveau n’a là non plus pas évolué depuis l’évaluation de 2019. Le nombre d’élèves ne parvenant pas à atteindre le niveau le plus bas est de 15 % ce qui est relativement proche du score moyen des pays de l’OCDE et de l’UE. Cependant, 4 % seulement des élèves français atteignent le niveau avancé, contre 10 % pour les autres pays. Alors que leur niveau de confiance en eux en sciences est quasi le même que le niveau moyen à l’internationale. Nos élèves auraient-ils du mal à s’auto-évaluer en sciences ? Se pourrait-il que leurs résultats en sciences soient surévalués au quotidien afin de ne pas les décourager ?
L’évaluation montre que l’écart, en France, entre le niveau des élèves les plus faibles et celui des élèves les plus forts, n’a guère évolué depuis 2019 et est plus réduit que pour les autres pays de l’OCDE et de l’UE. Par ailleurs, le niveau des élèves français les plus faibles est proche de la moyenne internationale alors que le niveau des élèves les plus forts est inférieur de près de 33 points au niveau des élèves les plus forts des autres pays. Cela semble montrer un tassement vers le bas du niveau des élèves lorsqu’ils arrivent au collège par rapport à l’école primaire. Cela peut-il être corrélé à la dégradation des conditions d’étude au collège ? Disparition des dédoublements, effectifs de classe pléthoriques, qui ne permettent pas d’étayer les élèves les plus en difficultés alors même que les classes accueillent toujours plus d’élèves à besoins éducatifs particuliers.
L’écart de score entre les élèves disposant de peu de ressources dans leur foyer par rapport au score de ceux qui disposent de beaucoup de ressources est dans la moyenne des pays de l’OCDE et de l’UE. Doit-on s’en satisfaire ?
Depuis 2019, les lignes ont quelque peu bougé quant aux domaines scientifiques où les élèves réussissent le mieux. Ils semblaient alors plus en difficulté en chimie – ce qui n’est plus le cas – et ont désormais de meilleurs résultats en physique et en Sciences de la Terre et de l’Univers alors que les scores en Biologie sont désormais inférieurs à leurs scores moyens en sciences. Quel que soit le domaine, les sous-scores (dans les 4 champs disciplinaires) moyens de la France sont inférieurs à la moyenne de ceux des pays de l’OCDE/UE.
En sciences, alors que pour l’étude en CM1, le sous-score pour « Raisonner » est plus faible que le score global de 9 points en 2024 et de 8 points en 2019, en Quatrième il lui est supérieur de 5 points. Il ne faut pas surinterpréter ce constat, surtout dans un contexte où les résultats des élèves français ne sont pas bons, mais peut-être pouvons nous y voir un signe que l’enseignement des sciences au collège a permis de faire progresser sensiblement les élèves dans ce domaine ?
« En France, 55 % des élèves en physique et chimie et 61 % en biologie et sciences de la Terre et de l’Univers déclarent aimer les sciences (contre 60 % et 65 % des élèves dans les pays de l’OCDE et de l’UE). »
« 31 % d’entre eux déclarent penser qu’apprendre les sciences ne va pas les aider dans leur vie quotidienne, contre 27 % dans les pays de l’OCDE/UE. Ils étaient 27 % en 2019. » Cette augmentation n’est guère rassurante et montre peut-être que nos programmes sont trop éloignés de la vie de nos collégiens… ou que nos collégiens ont une idée erronée de ce qui leur sera utile dans la vie !
Pratiques expérimentales : 50 à 70 % des élèves (suivant les disciplines) déclarent pratiquer des expériences régulièrement (au moins une fois par mois) ce qui est plus qu’à l’internationale, et 80 % d’entre eux apprécient de passer par la pratique. Cependant, comme pour les autres pays participants, les élèves pratiquant davantage d’expérimentations en classes obtiennent des scores inférieurs à ceux qui pratiquent moins. Comment interpréter ce fait ? Le temps passé à expérimenter préempte-t-il un balayage plus étendu des connaissances ? Comme c’était le cas des démarches d’investigation, qui ont d’ailleurs encore cours après des années de préconisations en ce sens ? Le « Teaching to the test » pratiqué dans certains pays est-il en cause ? A moins que ce ne soit la construction des sujets d’examen, trop académique et trop éloignée des pratiques expérimentales, qui soit à questionner ? A noter que la prochaine journée de réflexion disciplinaire (JRD) PC/SVT sera l’occasion d’évoquer ces questions …
Parmi les pays de l’OCDE et de l’UE, les élèves de France sont ceux qui considèrent le moins souvent que leur enseignement des sciences est d’une grande clarté… Là encore, la pratique de la démarche d’investigation, si elle demeure courante, pourrait expliquer en partie que certains élèves se sentent perdus. Par ailleurs, si les manuels de physique-chimie regorgent d’« activités » et de documents à relier les uns aux autres, très peu proposent un résumé de cours systématique et complet. On peut lire les travaux de Stéphane Bonnery sur les manuels scolaires. Une maigre consolation : c’est le même constat pour les enseignements de mathématiques !
4ème – focus sur le contenu pour la partie « Sciences » en 2023
La chimie et la physique représentent respectivement 20 % et 25 % des 30 questions dans l’évaluation des sciences en classe de quatrième (qui dure 45 minutes).
La note de la DEPP précise que « Pour chaque question, l’élève disposait d’une calculatrice disponible en cliquant sur le symbole correspondant. Il pouvait aussi utiliser un brouillon. Les élèves ne sont pas autorisés à apporter leur propre calculatrice ou autre instrument. »
En 2023, une quinzaine de questions (relevant de la physique-chimie) qui ne seront plus utilisées pour les prochains cycles, ont été rendues publiques.
La question 1 (niveau bas), qui relève du magnétisme ne correspond à aucune entrée des programmes de cycle 4 mais à un attendu de fin de cycle 3 (sixième) : « Réaliser des expériences ou exploiter des documents pour comparer et trier différents matériaux sur la base de leurs propriétés physiques (conductivité thermique ou électrique, capacité à interagir avec un aimant). ».
La question 3 (niveau élevé) qui porte sur les conversions d’énergie relève bien du cycle 4. Mais la note de la DEPP cite comme « Références aux programmes français (BO n°31 du 30/07/2020) » la partie du cycle 4 « Organisation et transformations de la matière – Décrire et expliquer des transformations chimiques – Distinguer transformation chimique et mélange, transformation chimique et transformation physique. ». Or le document sur Eduscol « Aide à la construction d’une progression en physique » indique plutôt de le faire en 3ème.
Il n’est donc pas étonnant que les résultats des élèves français sur cette question soient moins bons que sur la moyenne de l’OCDE ou de l’UE.
Enfin la note de la DEPP précise que la question 2 correspond à un item « Non traité dans les programmes de cycle 4 en France ». Même constat pour les questions 4, 6 et 7.
Il ne faut donc pas accorder trop d’importance à l’étude TIMSS. Ses résultats doivent être relativisés dans la mesure où des questions traitent de notions hors-programme et qu’elle ne s’intéresse pas à ce qui est réellement enseigné aux élèves. Par ailleurs, le face à face pédagogique entre les élèves et le professeur ne peut se résumer en des données numériques.
Lien vers la publication du ministère.