Le 15 novembre, A. Portier a informé la presse de sa volonté d’organiser une concertation associant « tous les acteurs de l’orientation » (régions, Éducation nationale, enseignement supérieur, acteurs économiques, opérateurs dont l’ONISEP) et les associations de parents d’élèves.
Les conclusions de cette tournée en région devraient être communiquées en février 2025.
Énièmes préconisations sur le sujet ?
Rappelons qu’entre 2020 et 2024, 5 rapports traitant de l’orientation ont été réalisés à l’initiative, soit de l’Inspection générale, soit de la Cour des comptes, soit de parlementaires. On peut souligner que, malgré des préconisations que souvent nous ne partageons pas, tous, y compris la Cour des comptes, pointent l’insuffisance du nombre de PsyEN. Sans concertation avec les organisations représentatives des PsyEN, il s’agirait ici de refaire ce que d’autres ont déjà documenté… mais pour aller dans quel sens ?
L’étude réalisée pour Régions de France par le cabinet Olecio.
Régions de France a commandé au cabinet Olecio une étude sur le bilan du Service Public Régional d’Orientation depuis 2014, dont le contenu a été présenté lors des 3èmes journées inter-régions sur l’orientation, le 16 octobre 2024 à Marseille. Personne n’a, semble-t-il, trouvé problématique qu’Olecio réalise cette étude, alors même que cet organisme propose une plateforme de services en ligne sur l’orientation ! Manifestement, la notion de conflit d’intérêt est devenue obsolète, car les auteurs de l’étude parlent clairement au nom des régions.
- On ne sera donc pas surpris du plaidoyer pro domo et des nombreux biais de cette étude !
Tout d’abord, les textes législatifs cités sont interprétés de manière erronée, attribuant aux régions « un rôle direct sur l’orientation » et la «responsabilité de toute l’information ». Bien entendu, persiste également l’ignorance délibérée des différences entre orientation scolaire et orientation des publics adultes, et la rengaine bien connue sur la « multiplication des acteurs ». Les régions, bien qu’ayant la charge de l’orientation professionnelle et celle des actifs, sont plus promptes à « conseiller » les scolaires publics captifs, qu’à proposer des formations qualifiantes et insérantes aux demandeurs d’emploi, et aux salariés.
- Un autosatisfecit permanent
L’ensemble des réalisations régionales – guides, salons, bus de l’orientation, casques virtuels et autres gadgets, et conseils en ligne assurés par les agences – sont présentées comme des succès, plébiscités par les usagers. La lecture du rapport réalisé par Hendrik Davi et Thomas Cazenave[1] se montre nettement moins positive : « … les élèves et leurs parents sont critiques sur l’action de certaines régions et pour eux, le bilan de la réforme de 2018 est globalement négatif. Si dans certains cas cela s’est bien passé, dans d’autres, la situation est décrite comme dramatique avec parfois des outils de recherche si indigents que les élèves et leurs familles ne fréquentent pas les plateformes régionales. Pour les associations de parents d’élèves, il est donc essentiel que les moyens alloués à l’ONISEP soient préservés car c’est un outil précieux qui reste la première source d’information. » (p. 53). « À l’instar des parents d’élèves, les responsables nationaux des associations de chefs d’établissement que les rapporteurs ont auditionnés sont très réservés sur la qualité des documents fournis par les régions. » (p. 54). Bien que les auteurs de l’étude d’Olecio se vantent d’avoir lu plus de 100 publications sur le sujet, ces constats ont dû échapper à leur vigilance !
Les régions regrettent de ne pas disposer des moyens pour coordonner de façon contraignante les actions des acteurs sur leur territoire en matière d’orientation. De même, elles déplorent de ne pas avoir reçu les moyens financiers suffisants pour remplir toutes leurs missions.
L’ONISEP est particulièrement sous le feu des critiques et accusé de continuer à intervenir dans l’information du public scolaire et sur les contenus des séquences d’orientation. Les régions revendiquent d’intervenir dans l’écriture des programmes et les méthodes d’orientation au sein des EPLE, et demandent à être désignées comme uniques opératrices.
- Décentralisation le retour !
L’étude se termine par la présentation de scénarios (p. 81-82) qui, dans une nouvelle étape de décentralisation, pourraient avoir l’aval du nouveau ministre.
Scénario 1 : Il consisterait en « … un effort de clarification de l’État, par le dialogue avec ses partenaires et formalisé au sein d’un cadre national de référence étendu, pour une action de ses services effectivement compatible et respectueuse des missions des régions, sans révision majeure des champs de compétence des différents acteurs mobilisés sur l’orientation ». Régions de France revendique la totalité des actions d’informations dans les EPLE ! Mais ce scénario ne semble pas, pour les régions, aller assez loin dans le transfert des compétences d’orientation.
Scénario 2 : « une co-tutelle de la compétence entre régions et autorités académiques dans le cadre de la mise en place systématisée de structures régionales mixtes. ». Il consisterait en une mise sous tutelle d’agences à direction mixte État/régions des moyens et des personnels, tout en inscrivant dans la loi la reconnaissance d’une compétence pleine et entière sur le périmètre régional, accordées aux régions sur l’orientation tout au long de la vie. Ce scénario aurait la faveur des autorités académiques.
Scénario 3 : « une compétence pleine et entière sur les politiques d’orientation des jeunes et actifs confiée aux régions, responsables de la définition et la mise en œuvre de ces politiques sur son territoire ». Dans ce scénario, la région définirait une politique d’orientation régionale pour le public scolaire, structurerait l’offre d’information et d’accompagnement pour tous les publics et coordonnerait les moyens humains et techniques (points d’accueils, outils web…) sur le périmètre régional, dans le but de garantir une optimisation des ressources mobilisées et une lisibilité pour les publics.
Ceci va de pair avec la demande de transfert de moyens financiers de l’État vers les régions, un transfert des directeurs et directrices de CIO, et des équipes régionales de l’ONISEP, voire de l’ensemble des PsyEN EDO comme le réclament certaines régions. Dans le cadre du remplacement des CREFOP par les comités régionaux pour l’emploi (CRE) et de l’éviction possible de la FSU et de l’UNSA comme organisations intéressées, ces orientations politiques seraient discutées sans nous !
La manière dont les assises sont organisées nous fait craindre une prédominance de l’avis des régions et des milieux économiques. Le ministre réclame une remise à plat de notre politique d’orientation. Cela ne pourra pas se faire sans prendre en compte l’expertise des PsyEN et des DCIO et la parole des organisations syndicales représentatives.
Lors du tour de France du nouveau ministre, il est important qu’à l’initiative du SNES-FSU, les PsyEN, les DCIO et les enseignant·es se mobilisent pour faire entendre leur refus de cette nouvelle tentative de décentralisation et leurs revendications en termes de missions dans l’École, de postes, de salaire et de conditions de travail.
[1] Rapport parlementaire sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n°3232) du 22/07/20 sur l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur, T. Cazenave & H. Davi, 20 juin 2023