Loin de tenir compte du refus unanime de la profession et du fiasco de la mise en place des premières mesures de la réforme, la ministre maintient les regroupements de niveau en Sixième et Cinquième à la rentrée 2025. Seuls 26 % des collèges les mettent strictement en œuvre, d’après l’enquête du SNES-FSU.

Recul du ministère

En revanche, le ministère est contraint de reculer sur leur généralisation en Quatrième et en Troisième. La mobilisation intersyndicale et de la profession ainsi qu’un budget insuffisant ont mis en échec ce projet. Pour ne pas se déjuger, le ministère impose un dispositif qui ressemble au « soutien/approfondissement » de la « Nouvelle Sixième », qui n’a durée qu’un an en 2023-2024 !

Les groupes de niveau prévus dans l’arrêté du 15 mars 2024 en Quatrième et Troisième ne seront pas organisés sur la totalité des horaires. En alternant mathématiques et français, une seule heure par semaine serait mobilisée sur les horaires actuels, ce qui permet de ne pas avoir à financer spécifiquement la mesure. Si la ségrégation des élèves selon leur niveau scolaire demeure la ligne directrice du ministère, elle est considérablement freinée.

Au quotidien, ce serait tout de même source de nouvelles dégradations de conditions de travail pour les collègues et d’étude pour les élèves : de nouveaux horaires en barrettes, une heure disciplinaire en moins et des ruptures d’apprentissages collectifs.

Comme ces deux dernières années, les équipes devront se mobiliser pour établir des regroupements hétérogènes voire même à utiliser cette heure pour travailler en dédoublant le groupe classe, selon les revendications du SNES-FSU. Bien que la ministre promet de financer cette mesure, on se demande comment cela se pourrait. Il est probable que le financement sera très en deçà des besoins et que ce qui reste de marge d’autonomie ne doive y être consacré.

Cette fois-ci, le ministère a pris les devants sans user du dialogue social avec les organisations syndicales. Les textes réglementaires sont prêts à être présentés au Conseil supérieur de l’Éducation du mois de décembre. Ainsi les textes pourraient-ils publiés pour les conseils d’administration de répartition de la DHG en janvier-février.

Un coup de théâtre a tout de même retentit le 21 novembre quand le rapporteur au Conseil d’État a donné un avis positif aux recours portés par le SNES-FSU contre l’arrêté et la note de service qui créaient les regroupements de niveau. D’ici trois semaines environ, le jugement définitif sera donné, mais c’est d’ores et déjà une victoire juridique et politique qui doit permettre à la profession de résister sur le terrain et dans la rue dès le 5 décembre pour revenir sur l’existence même des groupes de niveau.

Atermoiements

Le DNB couperet

La transition gouvernementale de cet été a forcé le ministère à repousser de deux ans l’obligation d’obtenir le DNB pour passer en Seconde professionnelle ou générale et technologique. Ce serait donc pour la session 2027 mais le SNES-FSU et la profession peuvent encore peser pour que ce projet ne se réalisent pas.

Couplée à la suppression des correctifs académiques déjà effective, cette mesure empêcherait plus de 20 % d’une classe d’âge de préparer un baccalauréat. Ce chiffre n’effraie pas un ministère où l’on répond, non sans cynisme, que dans les autres pays européens, moins de 50 % des élèves parviennent en Terminale. C’est une fin de scolarité obligatoire à 15 ans qui se dessine et des sorties précoces sans diplôme après une Prépa-Seconde.

Sans programme ni perspective de repasser le DNB à la fin de l’année, la classe de Prépa-Seconde n’offre aucun débouché. L’apprentissage pré-Bac ou un CAP seront les seules alternatives pour les élèves. Des classes en lycée général et technlogiques et des formations de bac pro des LP sont menacées quand les classes de CAP risquent, elles, d’être surchargées, alors que plus d’un tiers des élèves de ces classes sont en situation de handicap ou relèvent de l’enseignement adapté.

Parallèlement, le ministre délégué a la réussite scolaire et à l’enseignement professionnel (pas au lycée professionnel, notons le) commence son « Tour de France de l’Orientation » pour valoriser la découverte des métiers précoce et l’apprentissage pré-Bac. A ce niveau, on sait pourtant qu’il y a 40 % de rupture de contrat dès la première année. Le financement de l’apprentissage par l’État, tout niveau confondu, est monté à 25 milliards d’euros, sous forme d’aides aux entreprises, qui emploient ainsi une main d’œuvre pratiquement gratuite. L’État démantèle toujours plus les services publics au profit du monde de l’entreprise.

La Découverte des métiers fait intégralement partie du « Choc des savoirs » : moins d’École et moins de d’élèves en classe. Tel est l’objectif !

En attendant, la session 2025 du DNB verra deux modifications : des notes séparées en histoire-géographie et en EMC et l’introduction d’une mention “très bien avec félicitations du jury” pour les élèves qui obtiennent 18/20 ou plus.

Seul progrès attendu depuis des années, la session 2026 du DNB répondra à une revendication réitérée du SNES-FSU : le bilan de fin de cycle 4 sera remplacé par un contrôle continu fondé sur la moyenne des notes de Troisième. Par ailleurs, le contrôle continu sera pris en compte pour 40 % et les épreuves terminales pour 60 %. Il faudra se mobiliser pour conserver cette forme du DNB sans que son obtention ne devienne obligatoire !

Évaluations standardisées : outil de pilotage généralisé

L’insistance du SNES-FSU et de l’intersyndicale ont permis un moratoire sur la généralisation des évaluations nationales standardisées en Cinquième et en Troisième, demeurées facultatives cette année. Il s’agit moins d’évaluer les élèves mais aussi les établissements et les professeur.es à travers leur résultats. Cela fait déjà partie des missions de l’inspection en français et mathématiques.

Le SNES-FSU continue d’exiger la fin des évaluations nationales qui sont non seulement une perte de temps mais un danger pour nos professions et nos élèves. Le ministère sait dresser des panels représentatifs pour évaluer le système scolaire comme il le fait avec les enquêtes CEDRE.

Un écran de fumée : Devoirs faits en Quatrième et Troisième

« Une heure hebdomadaire de Devoirs faits est prévue pour 800 000 élèves en 4e et 3e22 000 stages de réussite sont proposés pendant les vacances. » La ministre prétend développer le dispositif déjà existant « Devoirs faits » en Quatrième et en Troisième qui serait financé par davantage de briques de Pacte. La formulation est toutefois loin d’être limpide. Devoirs faits existe déjà en Quatrième et en Troisième. Le ministère en aura-t-il vraiment les moyens ? Ramenons cette annonce peu vérifiable et qui ressemble davantage à un écran de fumée, aux annonces initiales de Jean-Michel Blanquer qui projetait quatre heures hebdomadaires de Devoirs faits sur tous les niveaux. On en est loin !

Le SNES-FSU rappelle que les apprentissages des élèves pourraient être étayés en classe si les effectifs n’y étaient pas pléthoriques et le temps d’enseignement insuffisant (rapport entre la densité des programmes et les horaires hebdomadaires des disciplines). Le Pacte relève du contrat entre la direction et des personnels qui dépendent d’un statut et non d’un contrat. Le Pacte sape le statut et c’est pourquoi le SNES-FSU s’oppose à ce mode de rétribution qui n’est jamais garanti.

Nouveau socle et nouveaux programmes à tous les étages

C’est dès septembre 2025 que de nouveaux programmes seront à mettre en œuvre en Sixième par les professeur.es de Mathématiques et de Lettres ainsi que ceux de langues vivantes. Puis, comme pour la réforme Collège 2016, les programmes du cycle 4seront rénovés à la rentrée 2026 dans ces trois disciplines.

Même s’ils ont recueilli un vote presque unanimement défavorable au Conseil supérieur des programmes, les nouveaux programmes de français et mathématiques de CP, CE1 et CE2 ont déjà été publiés au BO du 25 octobre 2024 pour une application à la rentrée 2025. Leur rédaction est très inquiétante car ils imposent des pratiques et des cadences (types d’activités prescrites à des rythmes réguliers) !

Toutes les autres disciplines verront leurs programmes revisités pour se rattacher à un nouveau socle commun.

Ce socle réducteur s’appuiera sur 4 piliers :

  • les compétences en français
  • les compétences en mathématiques
  • les compétences psycho-sociales, qui sont déjà inscrites dans les nouveaux programmes d’EMC et dans le projet de programme d’EAS (éducation à la sexualité) et qui apparaissent déjà dans la plupart des formations continues. On peut s’attendre à ce qu’elles dévalent en raz-de marées dans les préconisations des inspections.
  • la culture générale dans son acceptation la plus patrimoniale

Des manuels labellisés

Si la mesure concerne le premier degré pour la rentrée prochaine, le ministère confirme la labellisation des manuels. C’est un moyen de conditionner les pratiques pédagogiques avec des méthodes imposées. C’est une atteinte forte à nos compétences professionnelles.

Dans certaines disciplines, c’est aussi un biais de contrôle politique des contenus enseignés qui ne se retrouve pas dans les pays actuellement démocratiques.

Se mobiliser contre la réforme du « Choc des savoirs »

Le SNES-FSU continue de lutter avec les collègues pour exiger l’abrogation de l’ensemble des mesures du « Choc des savoirs ». Il faudra être nombreux et nombreuses dans la rue dès le 5 décembre sur les questions de salaire et d’éducation pour faire peser la balance et éjecter la réforme du « Choc des savoirs ». Au quotidien, la vigilance et la résistance pédagogique devra s’exercer face à tous ces outils pour continuer à concevoir nos métiers de façon à ce que le collège puisse permettre de devenir des citoyen·nes émancipé·es. Informer les parents, et agir en formation et en CA seront encore à l’ordre du jour cette année avec le soutien du SNES-FSU.


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