Les contre-vérités de Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique
Pour légitimer ses mesures anti-fonctionnaires, Guillaume Kasbarian réactive sans sourciller les plus sombres relents du fonctionnaire bashing en s’appuyant sur des contre-vérités. Petit passage en revue :
“Absentéisme”, de quoi parle-t-on ?
Le ministre le martèle dès qu’un micro se tend devant lui : les fonctionnaires sont “absentéistes” ! De quoi faire bondir quand on connaît la signification réelle du mot “être absent·e de manière habituelle ou systématique de son lieu de travail”. Ce n’est pas ce que montre les statistiques pour les fonctionnaires (voir ci-dessous). De plus, l’utilisation de ce mot n’est pas innocente : elle laisse à penser que non seulement, les fonctionnaires seraient systématiquement absents, mais flotte aussi l’idée d’une forme de culpabilisation des agent·es qui abuseraient ainsi du système. Absentéistes et profiteurs. On a connu des ministres de la Fonction publique meilleurs défenseurs de leurs agent·es.
Les fonctionnaires sont plus absents que dans le privé ?
Les fonctionnaires seraient plus absents que dans le privé ne cesse de répéter Guillaume Kasbarian, convoquant ici l’étude de l’IGAS parue cet été, là d’autres chiffres qu’il a pris le temps d’éplucher parait-il. Et pourtant, les faits sont têtus
Une étude de la DGAFP de 2019 donne des chiffres très clairs :
les enseignant·es moins absent·es que dans le privé !
Part d’absence d’au moins un jour pour raison de santé sur une semaine :
Enseignants : 2,6%
Fonction publique d’Etat : 3,2%
Secteur privé : 3,9%
(voir aussi : Les enseignants sont moins souvent en arrêt maladie que les autres travailleurs
– Libération 15/01/24)
Depuis le Covid est passé par là (avec ses protocoles fantômes produits depuis Ibiza qui ont largement exposés les personnels à la maladie), et les conditions de travail ont continué de se dégrader. Mais même en tenant compte de ces éléments, le ministre tord une partie de la réalité pour appuyer son projet politique. Ainsi le rapport de l’IGAS paru cet été est sans appel :
en 2022, même après une hausse en raison du Covid, les fonctionnaires de l’Etat, hors enseignant·es, affichent toujours un nombre d’arrêts par agent·e inférieur au secteur privé (10,2 jours contre 11,6 jours dans le privé). Quant aux enseignant·es, en 2022, ils ont un nombre moyen d’absences pour raison de santé identique à celui des salarié·es du privé (11,6 jours).
On est loin des déclarations fracassantes du ministre qui prétend s’appuyer sur ce rapport !
L'attaque contre les arrêts maladie des fonctionnaires se fonde en partie sur ce rapport de l'IGAS publié en septembre.
— Nicolas Da Silva (@dasilva_p13) October 28, 2024
Le problème est que lorsqu'on le lit, il est loin de dire que les fonctionnaires sont dans l'abus… au contraire !
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Pour comprendre l’évolution, la situation notamment dans la Fonction publique hospitalière et la Fonction publique territoriale (où les absences pour raison de santé sont désormais plus élevées que dans le privé ou la Fonction publique d’Etat), le rapport publié cet été souligne la nécessité de prendre en compte les caractéristiques socio-démographique des agent·es (âge moyen plus élevé, féminisation plus importante, agents plus souvent atteints de maladies chroniques). Elles expliquent alors 95 % des écarts de taux d’absence avec le secteur privé pour la Fonction publique hospitalière et 53 % pour la Fonction publique hospitalière. Autrement dit, comme le note les rapporteurs “cela signifie qu’à structures d’emplois identiques, pour les caractéristiques susmentionnées, la Fonction publique d’Etat, la Fonction publique hospitalière et le secteur privé seraient au même niveau d’absentéisme et l’écart entre la Fonction publique territoriale et le privé ne serait que la moitié de celui observé».
Quant au pseudo-argument d’un alignement sur le privé, il ne tient pas. Selon le rapport de l’IGAS, deux tiers des salariés du privé sont “protégés contre la perte de revenu induite par le délai de carence par le biais de la prévoyance d’entreprise“. En imposant 3 jours de carence aux fonctionnaires, Guillaume Kasbarian vise donc à aligner les fonctionnaires sur le pire du privé ! Cette mesure va aussi toucher plus durement les femmes et les agent·es aux métiers pénibles.
Pour résumer, les derniers rapports sont formels, les fonctionnaires d’Etat, notamment les enseignant·es ne sont pas plus absent·es que dans le privé. Quant à nos collègues de l’hospitalière et de la territoriale, une très grande partie de la différence avec le privé s’explique par la structure des emplois et les caractéristiques socio-démographiques des agent·es. Mais il est sans doute plus facile pour le ministre de la Fonction publique de jeter en pâture les fonctionnaires pour les faire passer pour des privilégiés profiteurs du système alors même que l’essence de leur métier est d’être au service du public et de l’intérêt général.
Communiqué FSU : provocation et mépris pour les fonctionnaires
Dans le cadre du débat parlementaire sur le PLFSS, le gouvernement annonce son soutien au passage de un à trois jours de carence pour les fonctionnaires. Si elle était adoptée, cette mesure serait une attaque majeure des droits des agents. Elle serait aussi la confirmation que ce gouvernement, sous couvert de prétendues contraintes budgétaires, poursuit son objectif de mise à mal de notre modèle social, à travers une nouvelle attaque frontale contre la Fonction publique et ses personnels qui pourtant, font vivre le service public au quotidien sans la reconnaissance qu’ils et elles méritent pourtant chaque jour. Passer de un à trois jours de carence, c’est faire payer toujours plus les agents malades ; c’est s’obstiner dans une mesure idéologique qui a mille fois montré ses limites (plusieurs rapports attestent que cela n’améliore en rien la présence effective des personnels) ; c’est pousser les agents à se rendre au travail malades, au risque de provoquer par la suite un arrêt plus long.
Passer d’un à trois jours de carence, ce serait aligner la Fonction publique sur ce qui existe de plus défavorable dans le secteur privé. Cette durée n’est effective que pour une petite minorité des salarié-es.
Non content de son attaque sur le délai de carence, le gouvernement prévoit aussi de soutenir une réduction des conditions d’indemnisation des périodes de maladie, en supprimant le maintien de la rémunération à taux plein les trois premiers mois et en le remplaçant par un taux de 90 %…
Non seulement le gouvernement continue de refuser de reconnaître l’engagement et le travail de 5,7 millions d’agent-es publics, mais il s’attaque aux personnels malades.
Après la confirmation de la poursuite du gel du point d’indice et la suppression de la « garantie individuelle du pouvoir d’achat » (GIPA), le gouvernement veut maintenant ajouter un nouvel étage à sa politique anti-fonctionnaires. Parce que cette politique est nuisible à l’intérêt général, car dégradant un peu plus encore l’attractivité des métiers de la Fonction publique et donc au final l’intérêt de toute la population, elle ne doit pas s’appliquer.
Les éventuelles promesses d’amélioration des conditions de travail ou de renforcement des politiques de prévention ne sont pas crédibles avec le budget d’austérité du gouvernement et le refus de remettre en cause les logiques managériales qui mettent les personnels sous pression.
La FSU réaffirme sa revendication d’abrogation du jour de carence.
La FSU appelle les parlementaires à rejeter l’ensemble de ces mesures régressives et mettra en débat dans le cadre intersyndical l’appel à des mobilisations les plus larges possibles pour y faire échec.