Une priorité gouvernementale
A la rentrée 2024 on ne trouve pas un plan académique de formation sans proposition pour « enseigner et apprendre à l’ère de l’IA ». Au sein de la DNE (Direction du numérique pour l’éducation), une Communauté de Réflexion en Éducation sur l’Intelligence Artificielle (CREIA) « a pour ambition de mettre l’innovation et l’intelligence artificielle (IA) au cœur des pratiques pédagogiques et des réflexions en éducation ».
Cette obsession institutionnelle se lit aussi dans la lettre de saisine du Conseil Supérieur des Programmes de mars 2024 pour la refonte des programmes du Cycle 1 au Cycle 4. N. Belloubet appelle à « créer une culture de l’IA » à tous les niveaux et dans toutes les disciplines (lire ici notre analyse de l’ensemble des lettres de saisine) !
Enfin, Clara Chappaz, issue du monde des startups, est nommée « secrétaire d’État chargée de l’Intelligence artificielle et du numérique » auprès du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce portefeuille et son rattachement au MESR sont deux nouveautés, puisque les personnes ayant précédemment occupé la fonction dépendaient de Bercy, et que l’IA n’était pas mise en avant particulièrement.
Une volonté d’imposer les IA dans nos métiers
L’offensive pour normaliser les IA dans les pratiques pédagogiques peut ainsi venir d’acteurs privés. Une entreprise connue pour son logiciel de détection de plagiat, forte des données issues de dizaines de milliers de travaux d’étudiant·es, « accompagne » des enseignant·es dans l’usage expérimental de son logiciel de « correction de copies assistée par l’IA ». Le MEN, lui aussi, revient à la charge avec MIA Seconde, IA au service de « l’accompagnement personnalisé ». Son expérimentation n’en finit pas d’être relancée depuis l’annonce de G. Attal fin 2023, sans succès jusqu’à présent (lire notre analyse).
Alors qu’à Londres, un collège se lance dans un enseignement assuré par des IA – assistées par quelques enseignant·es devenu·es « coaches ». Tandis qu’en Italie, le gouvernement envisage la généralisation d’une « IA couplée aux enseignements des professeurs ». De quoi faire rêver au MEN !
Pour le SNES-FSU, les programmes et la formation des personnels doivent introduire une réflexion critique sur les usages des IA et leurs conséquences. Pour cela, des recherches sur l’impact des IA sur le travail des élèves et des personnels sont à mener d’urgence, à l’écart du lobbying des acteurs ayant des intérêts lucratifs dans ce domaine. Lors du Congrès de La Rochelle de 2024, le SNES-FSU a actualisé et approfondi ses mandats pour un “numérique maîtrisé”.