Être un professeur sous le choc des savoirs à la rentrée 2024. Épisode 2


Des emplois du temps contraints.

Le « Choc des savoirs » au collège génère, comme du reste la réforme du lycée, de fortes contraintes en termes d’emplois du temps, que ce soit pour les élèves ou les enseignant·es. À cela s’ajoute la « grande instabilité de ces emplois du temps dans beaucoup de collèges ». Au 20 septembre, des syndiqués SNES-FSU d’une grande agglomération du sud-ouest font état dans une synthèse de la situation de plusieurs établissements d’emplois du temps qui continuent de changer, avec des collègues le nez plongé dans pronote pour suivre les changements en cours.

Dans les différents collèges du département du nord de la France évoqué plus haut, les emplois du temps sont mis en barrettes, y compris dans ceux qui ont fait le choix de conserver le groupe classe jusqu’aux vacances d’automne. Dans l’un de ces établissements, ils sont alignés par créneaux de deux heures en français et en mathématiques :

Lundi 8-10h / 10-12h / 13h30-15h30

Mardi 8-10h / 10-12h

Jeudi 8-10h

Vend 8-10h / 10-12h / 13h30-15h30

Cette organisation quelque peu rigide a des incidences plus ou moins importantes sur le respect des vœux formulés par les collègues en fin d’année. Les collègues de français et mathématiques ayant ces 2 niveaux n’ont pas vu leur 1er vœu respecté s’il concernait ces créneaux imposés pour les groupes de niveau.

De même, certain·es collègues ont eu la désagréable surprise de voir apparaître, dans leur emploi du temps de début d’année, deux heures de Devoirs faits en 6ème, quand bien même elles et ils n’avaient pas donné leur accord. Le « Choc des savoirs » s’accompagne ainsi d’un durcissement des conditions de travail avec une rigidité institutionnelle accrue. Cette question de l’emploi du temps n’est pas négligeable puisqu’elle a des incidences sur la vie professionnelle mais aussi personnelle et familiale.

Dans certains établissements, la réforme impose aux collègues d’avoir plus de niveaux d’enseignement qu’ils ou elles n’en avaient auparavant ce qui alourdit les préparations et donc la charge de travail.

En lien avec les emplois du temps contraints se révèlent aussi des problèmes de disponibilités de salles :

« Il n’y a plus assez de salles généralistes donc une collègue de français est affectée dans la salle d’arts plastiques. Si les groupes ont lieu pour tous les niveaux l’année prochaine nous ne savons pas comment nous pourrons faire. »

« Salle : multiplication des salles, plusieurs témoignages signalent que des collègues sont sur 6 voire 8 salles »


Travail en miettes et « professeur volant ».

À ces emplois du temps plus rigides peuvent s’ajouter des contraintes en termes de travail. De nombreux témoignages font état d’un stress accru, d’une réelle anxiété, nous aurons l’occasion d’y revenir. Pour cette collègue de français enseignante de l’agglomération du sud-ouest évoquée ci-dessus :

« Les changements sont profonds : la possibilité de ne plus suivre une classe sur toute une année, la nécessité d’harmoniser les pratiques et les progressions (donc des adaptations), le co-enseignement avec les professeurs surnuméraires. Tout ceci suppose du travail en plus et plus de flexibilité ».

Dans d’autres collèges, les collègues éprouvent un sentiment profond de désorganisation du métier. Dans cet établissement de la même académie :

« il a été choisi, en français, de faire 3 groupes avec 4 profs dont 1 « prof volant ». Dans les faits, 3 profs ont chacun une classe et un autre vient faire de la coanimation. Certains collègues refusent qu’un collègue vienne. Certains « professeurs volants » font office d’AESH. Aucun (sauf un collègue formateur) ne trouve ça bien ni pour eux ni pour les élèves ».


Le « Choc des savoirs » a vu émerger une nouvelle fonction : celle de « professeur volant » ! On parle aussi de professeurs « surnuméraires ». Dans des collèges où existent 3 classes et 4 groupes, un·e professeur·e circule, fait de la co-animation ou de la co-intervention. Cela peut bien se passer et même être intéressant. Mais, de telles modalités ont en général été mises en place dans l’urgence comme pis-aller pour éviter pire. L’enseignant·e peut trouver sa place auprès de ses collègues, la co-intervention ou la co-animation peut être efficace. Mais beaucoup témoignent que la préparation de ces séance prend un temps considérable alors que les autres “tracasseries” du “choc des savoirs” ont déjà réduit la disponibilité des un·es et des autres. Et dans les pires cas, ces modalités d’« utilisation » des professeur·
es surnuméraires ne sont pas bien acceptées par les collègues, ce qui crée des tensions dans les équipes et fragilise les collectifs.

Le « Choc des savoirs » s’accompagne d’une déstabilisation du métier en lien avec un démantèlement de l’École publique. Il s’agit bien de briser le collège unique. Dans ce collège de l’est, la collègue de français se plaint que :

« le ministère lui-même nous complique la tâche et demande des tests de fluence pour tous les niveaux dans le même temps. Nous en sommes déjà à une dizaine d’heures perdues pour ma collègue et moi, alors que les inspecteurs ont insisté sur le calendrier à tenir en commun. On ajoute à cela les projets des collègues, les sorties, etc. ».

Le « Choc des savoirs » est utilisé comme un outil néo-managérial qui vise à discipliner les collègues dans leur pratique, à en faire des exécutant·es au service d’un projet de tri social.

Prochain épisode : Le suivi des élèves : un processus complexe rendu encore plus difficile / Une angoisse latente


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