1) La situation politique

Après une longue lutte, la FSU a obtenu le report du projet de réforme des concours hors agrégation. Ces deux politiques affichent le souhait de poursuivre les réformes concernant l’Éducation et la Formation Initiale, une posture qui s’appuie notamment sur deux projets de loi proposés en 2023 :

Ces projets passent complètement à côté des raisons réelles de la désaffection des concours enseignants par les étudiant·es et portent en eux une nouvelle attaque statutaire.

Il semble clair qu’Alexandre Portier est celui qui va piloter les dossiers et orientera la politique ministérielle.

2) Les constats

Le projet Rilhac constate à raison, que « la vitalité de notre système éducatif repose sur un grand nombre d’acteurs, parmi lesquels les enseignants occupent un rôle aussi déterminant que central ». Il ajoute que nous vivons « un contexte de baisse d’attractivité du métier d’enseignant et de difficultés de recrutement » puisque « le métier d’enseignant est aujourd’hui frappé d’une crise d’attractivité sans précédent, au point que l’État peine désormais cruellement à en recrute. » (Portier).

Pourtant, ces propositions de loi n’envisagent ni revalorisation salariale massive pour créer un choc d’attractivité ni une baisse du nombre d’élèves par classe pour que la France ne soit plus championne de l’UE des classes les plus chargées. Pourtant c’est bien « le niveau de salaire insuffisant », « les conditions de travail/difficultés au quotidien » et le « manque de reconnaissance du métier d’enseignant » qui constituent, chez les étudiant·es, les trois principaux facteurs de rejet du métier d’enseignant-e (Ipsos – Facteurs d’attractivité ou de rejet du métier enseignant chez les étudiants – Cour des comptes – Mai 2022).

3) Le pré-recrutement dévoyé

Le projet de loi Rilhac

Il propose un pré-recrutement sur concours aux étudiant·es titulaires d’une licence sans plus de détails, assorti d’un engagement quinquennal. Tout en suivant une formation à l’INSPE, les élèves-fonctionnaires seraient ensuite utilisé·es comme moyens d’enseignement en responsabilité à hauteur d’un mois en M1 posant de nombreux problèmes logistiques et statutaire. Puis ils et elles seraient à temps partiel devant au moins une classe en M2 (sans précision de la quotité de service). Le master obtenu, les étudiant·es seraient placé·es en stage à temps plein en pleine responsabilité afin d’être, ou non, titularisé·es. Ils et elles seraient alors « soumis à l’obligation d’exercer au sein de l’éducation nationale pendant cinq ans ». Quid des élèves-fonctionnaires qui après ces trois années ne seraient pas titularisé·es ? Devraient-ils et elles rembourser les traitements perçus ?

Le projet de loi Portier

Ce projet s’attaque à tous les concours du second degré, y compris l’agrégation. C’est une originalité. Il est à craindre que le projet de réforme, suspendu, soit réactivé pour le premier et le second degré, ce à quoi s’oppose le SNES-FSU.

Il porte en lui un certain nombres de paradoxes qui mériteraient d’être clarifiés sans qu’ils ne dissimulent l’objectif de ce projet de loi : mettre plus tôt les lauréat·es de concours en responsabilité, refondre totalement la formation initiale, transformer en profondeur nos métiers, à des fins d’économies budgétaires et de transformation de la fonction publique.

Premier paradoxe : le projet souligne d’emblée que les concours ne sont plus assez sélectifs et que le niveau baisse : il propose donc de déplacer le concours à bac+3 plutôt que bac+5 actuellement.

La condition pour s’inscrire aux concours seraient d’avoir une L3 dans la discipline du concours concerné : « le faire exclusivement dans la discipline de leur diplôme. En cas contraire, [les candidat·es] pourront toujours se présenter à Bac+5 comme c’est le cas aujourd’hui. ». Cette proposition est très étonnante : elle pose question pour des concours tels que CPE, SES, documentaliste et nombre de disciplines technologiques qui n’ont pas de licence spécifique. Et réciproquement beaucoup de licences sont pluridisciplinaires (exemple : LEA).

Comment cette condition très restrictive peut véritablement permettre de résoudre le problème de l’attractivité des concours ? Quel est l’intérêt pour des étudiant·es avec un M2 de se présenter à un concours à bac+3 ?

Le projet souhaite renforcer « l’art de la pédagogie » dans la formation initiale. Il discrédite la formation disciplinaire et valorise fortement la formation pédagogique, une séparation artificielle que le SNES-FSU récuse.

Nous y voyons la volonté de transmettre des « bonnes pratiques » au détriment d’une expertise disciplinaire et didactique fondée sur les apports de la recherche universitaire. De plus, cela ne permettrait plus aux futur·es enseignant·es de devenir concepteurs et conceptrices de leur métier.

Une fois le concours bac+3 obtenu, les lauréat·es seraient placé·es en M1 MEEF avec a priori des stages puis en M2 MEEF, année de titularisation et de responsabilité de classe sous statut de fonctionnaire-stagiaire. Le projet parle d’une formation pour « monter en puissance » afin de « garantir une professionnalisation progressive des nouveaux enseignants ». Si le SNES-FSU rejoint cette idée de progressivité (avec son mandat d’une·e stagiaire sur le service du tuteur soit 2 personnes payées à temps plein pour un service), cela ne doit pas se faire au détriment d’une formation initiale réduite à peau de chagrin et centrée uniquement sur la pédagogie. Elle doit conserver une grande part de disciplinaire et surtout, le statut de fonctionnaire-stagiaire ne doit pas être assorti d’une mise en responsabilité.

Enfin, le fait que l’agrégation soit concernée questionne fortement sur l’avenir du seul concours qui garantisse des conditions de travail correctes et un salaire digne dans l’enseignement secondaire et le seul concours qui permette d’accéder au supérieur.

Dans l’ensemble, la proposition de loi Portier est assez contradictoire. M. Portier dénonce la baisse du niveau des professeur.es dans les médias mais propose de baisser le niveau du concours à la licence, tout en ajoutant que l’INSPE n’a pas vocation à faire de la formation disciplinaire. La nécessité d’une licence disciplinaire pour pouvoir passer le concours laisse entrevoir une prochaine étape : un recrutement en licence sans concours, suivi d’une temps de formation en INSPE menant à la titularisation voire un recrutement par les chefs d’établissement sur diplôme si nous poussons le raisonnement jusqu’au bout. La résurrection des répétiteurs n’est pas loin !

La formation continue rendue obligatoire ?

L’article 6 du projet de loi Rilhac propose d’envisager « la possibilité de rendre obligatoires les plans académiques de formation pour les enseignants du second degré ». La formation continue est de moins en moins qualitative, elle ne répond pas aux attentes des collègues et elle est de moins en moins proposée sur le temps de service des enseignant·es. LA formation continue est un droit. Elle ne doit pas devenir du travail supplémentaire. L’article 6 est inacceptable car il renforce son caractère obligatoire en complément de la loi sur l’école de la confiance. Pour le SNES-FSU, la formation continue est de plus en plus désertée parce qu’elle est de plus en plus proposée en dehors du temps de service alors que la moitié des enseignant·es déclare déjà travailler plus de 43h par semaine ! Ce n’est pas à elles et eux de pâtir des carences de recrutement créées par la faiblesse de la rémunération, l’augmentation de la charge de travail et la dégradation des conditions d’enseignement. La formation continue doit se faire sur le temps de service et rester au libre-choix des collègues. Pour permettre aux néo-titulaires une formation continue de qualité les premières années, le SNES-FSU réclame que des décharges de temps devant les classes soient institutionnalisées durant les premières années de titulaire.

Cet article 6 suggère également la « possibilité de prendre en compte les actions de formation dans l’évaluation des enseignants dans les parcours professionnels, carrières et rémunérations des enseignants ». Le SNES-FSU refuse cette logique de différenciation du déroulé de carrière et de rémunération et défend la nécessité d’un déroulé de carrière pour toutes et tous au rythme le plus favorable et déconnecté de l’évaluation.

L’analyse et la position du SNES-FSU

Pour résoudre la crise d’attractivité multifactorielle, il est impératif d’augmenter les salaires, de diminuer le nombre d’élèves par classe et d’améliorer les conditions de travail.

Le SNES-FSU porte un projet de réforme bien éloigné de ces propositions de lois qui constituent des contre-réformes avec des concours à bac+3, une déqualification, une paupérisation de nos métiers et une formation continue obligatoire et prise en compte dans la carrière et la rémunération.

Le SNES-FSU s’oppose à un passage des concours du CAPES/CAPET/CPE du master à la licence, ce serait une véritable déqualification de nos métiers. Pour résoudre la pénurie, il faut augmenter largement les salaires et mettre en œuvre les propositions du SNES-FSU pour la formation initiale (voir ici). Il n’est pas non plus entendable que des fonctionnaires-stagiaires soient utilisé·es comme moyens d’enseignement. Si c’est le cas et qu’il y a un engagement quinquennal alors qu’ils et elles travaillent déjà, c’est la double peine !

Au regard de la situation politique et budgétaire, nous nous questionnons sur une future réforme 2025-2026 nettement plus austéritaire et violente… Il faudra rappeler à M. Portier qu’il proposait en 2023 des mesures d’urgence, l’ouverture d’un débat sur les recrutements au Parlement, et une programmation pluriannuelle !

En parallèle, le SNES-FSU porte des mandats ambitieux pour la formation initiale des enseignant·es que vous pouvez lire ici dans un article détaillé et dans deux communiqués de presse (communiqué du 29 mai 2024 et communiqué du 27 juin 2024).


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