Un programme à installer
Inscrite dans le Code de l’éducation depuis 2001, avec une obligation de 3 séances annuelles à chaque niveau de classe, l’Éducation à la Sexualité (EAS) a bien du mal à être effective dans de nombreux établissements. Dans un contexte d’attaques politiques et religieuses récurrentes, l’inscription de l’EAS de façon plus explicite dans les apprentissages des élèves, par le biais d’un programme, est inédit.
Le projet de programme va au-delà de l’EAS et s’intitule « Education à la Vie Affective, Relationnelle et à la Sexualité » (EVARS). Il présente une organisation, un ensemble de notions et de compétences à installer, tout en s’appuyant sur les programmes disciplinaires actuels, l’EMC et l’EMI.
La difficulté sera de bien faire la distinction de ce qui relève de l’EVARS, intégrée aux programmes disciplinaires, des 3 séances obligatoires d’EAS. Une vigilance s’imposera pour que ces séances obligatoires ne soient pas les « victimes » de ce projet de programme.
Avis du SNES-FSU:
Lors du dernier congrès de La Rochelle, le SNES-FSU s’est mandaté sur cette question. L’Éducation Nationale doit respecter son obligation de formation des élèves à l’éducation à la sexualité (3 séances obligatoires), avec certaines thématiques qui peuvent être développées au sein de programmes disciplinaires. Mais elle doit aussi être abordée lors des actions mises en place en équipes pluriprofessionnelles volontaires et formées, avec ou sans partenaires extérieurs. Construire des réponses éducatives et pédagogiques pour lutter contre les LGBTIphobies, les violences sexuelles et sexistes, et guider les élèves vers l’égalité filles/garçons, requièrent une action réfléchie, concertée et financée sur le temps long. Elles nécessitent des formations.
Principes, valeurs et finalités
Dans le projet de programmes d’EVARS, le caractère obligatoire de cette « Éducation à » est rappelé, avec ses trois champs principaux (biologique, psycho-émotionnel, juridique et social). Le cadrage via des programmes, avec des disciplines clairement mentionnées, est explicite : « Adossée aux savoirs […] ainsi qu’aux disciplines qui les sous-tendent ».
Pour le Conseil Supérieur des Programmes, « les professeurs des enseignements disciplinaires et les professeurs-documentalistes en ont la responsabilité principale[…] sous le pilotage pédagogique […] des chefs d’établissements. ». Cette volonté de pilotage via les personnels de direction n’est pas acceptable. Elle n’est pas sans rappeler le plan mathématiques , avec une certaine main mise de l’institution via les chefs d’établissements sur tout le volet pédagogique.
Enfin, les personnels (de santé, de service social, CPE, AED, PsyEN) ainsi que les associations et partenaires extérieurs agréés, s’ils sont cités comme ayant toute leur place, doivent être « chapeautés » par les professeurs responsables. Mais quels professeurs ? Celles et ceux à l’initiative des séances d’EAS ? Celles et ceux qui abordent une question du champ EVARS dans une séquence pédagogique ?
Avis du SNES-FSU:
L’organisation complexe et contraignante des séances pour les enseignant.es, à intégrer dans leurs séquences, dans leur progression, et sans réelle formation pour beaucoup d’entre elles et eux, risque de dissuader les équipes. D’autant plus que la co-animation est à privilégier. Par ailleurs, dans certaines disciplines, le rapport entre les axes du programme et l’EVARS semble éloigné.
Organisation du programme et mise en œuvre
Sur l’ensemble des programmes, le CSP a décliné des principes (unité, progressivité et complémentarité).
L’unité du programme repose, elle, sur 3 axes que l’on retrouve dans les tableaux analytiques des programmes, et ce sur l’ensemble des niveaux :
- Se connaître soi-même, vivre et grandir avec son corps ;
- Rencontrer les autres et construire avec eux des relations, s’épanouir ;
- Trouver sa place dans la société, y être libre et responsable.
Pour chaque axe, les notions et compétences à acquérir sont inscrites dans le programme, avec un fléchage par discipline. Cela sous entendrait que tous les enseignant·es seraient formées, dans sa discipline, sur ces questions.
L’interdisciplinarité et la collégialité sont érigées comme « conditions précises de mise en œuvre » . Si cette mention demeure dans le texte final, il est certain que cela sera un facteur bloquant pour la mise en œuvre réelle. En effet, combien de personnels sont formés dans les établissements ? Et quel temps de concertation est prévu ? Sur quels créneaux horaires ?
L’EVARS en collège
Les orientations principales explicitent les attendus du projet de programmes, ceux « d’apporter aux élèves de collège les éléments de connaissance et de culture, de sensibilisation et de réflexion qui les aident à s’approprier avec lucidité et sérénité les changements dont ils font l’expérience ».
Avec l’EVARS, une place est clairement donnée aux compétences psychosociales (CPS), avec les 3 axes – personnel, interpersonnel et social –. Une déclinaison de ces CPS est synthétisée dans l’annexe 2.
Il faudra être très attentif à ce que cette approche ne soit pas un facteur qui bloque la parole des élèves, entre pairs, comme avec les intervenant·es. Mais également, que cette approche ne soit pas ancrée dans une représentation du « bien » et « pas bien » sans une argumentation solide et construite sur des études scientifiques reconnues.
Après l’axe des Compétences psychosociales du futur socle commun, celui sur la Culture Générale est également inscrit dans le paragraphe Orientations Générales du projet de programme d’EVARS avec « Permettre aux élèves d’accéder aux grandes œuvres et aux grandes figures de la cultures ».
En fléchant les éléments interdisciplinaires à aborder en co-animation, ce programme pourrait amener plus de contraintes pour les personnels. Par exemple, en Sixième, les changements induits par la puberté dans ses différentes dimensions pourraient être abordés en SVT, Lettres, Arts plastiques. A quels moments les collègues peuvent-ils travailler cette séquence ? Quid des emplois du temps ? Et avec les groupes de niveau en français, quels élèves auront le privilège de cette séquence ?
Avis du SNES:
Le projet de programme porte le tampon EVARS, dans toutes ses dimensions.
Mais il est à craindre que la notion de sexualité, propre à l’EAS, soit diluée dans cette EVARS. Trop de cadrage (préconisations de démarches et d’activités), peu de liberté, les équipes qui sont en charge des séances obligatoire d’EAS dans les établissements risquent de réduire la voilure de leur engagement. En tout état de cause, pour le SNES-FSU, c’est la liberté pédagogique et professionnelle qui doit prévaloir et les démarches et activités devraient être proposée plutôt que « préconisées ».
L’EVARS en lycée
Ce programme, déclinés en 3 axes, concerne les trois voies du lycée: générale, technologique et professionnelle.
En prescrivant de façon très explicite l’organisation et la mise en œuvre du programme, son application risque de ne se faire qu’a minima.
Le texte demande que « Les séances soient systématiquement animées par un duo de professeurs relevant de champs disciplinaires distincts »… comment pouvoir assurer ces séances avec cette double contrainte humaine, personnels formés, mais aussi effectifs des classes ou groupes ? La prise de parole de l’élève dans le cadre de cette éducation à… est primordiale, avec un intérêt pour des petits groupes. Dans certaines organisations, il y a un temps en non-mixité, ce qui multiplie d’autant les groupes… L’obligation d’un duo d’intervenant·es rendra difficile l’effectivité de la mise en œuvre, car cette organisation n’est pas toujours possible.
Avis du SNES-FSU:
Au final, ce programme d’Éducation à la Vie Affective, Relationnelle et à la Sexualité, même s’il est complet et riche, risque de faire naître davantage de contraintes au sein des établissements. La place de l’Éducation à la Sexualité, des questions d’actualité que se posent nos élèves, risquent d’être réduite :
- contraintes de temps au sein des disciplines qui auront toujours un programme disciplinaire à mener ;
- contrainte de temps pour les équipes pluriprofessionnelles engagées qui n’ont toujours pas de temps dédiées pour les 3 séances obligatoires ;
- contrainte pour la formation (futures formations hors du temps de service)
Le fait que certaines associations proches de courant de pensée réactionnaire n’aient pas trouvé beaucoup de choses à redire sur ce projet de programme interroge.
Consultation du SNES-FSU sur le projet par la DGESCO
Ce projet de programme a fait l’objet de consultations avec les organisations syndicales et les associations, en présence des membres du groupe d’élaboration du projet de programme et de la DGESCO.
Le SNES-FSU est essentiellement intervenu sur le pilotage, la formation des personnels, et le volontariat des équipes et a demandé des éclaircissement sur ce qui relève de l’EVARS d’une part et de l’EAS d’autre part. En effet, il est important que les 3 séances annuelles obligatoires deviennent réellement effectives au sein de tous les établissements. Le programme de cette EVARS ne doit pas dissuader les équipes pleinement engagés dans l’EAS. Il doit également être suffisamment souple afin que les personnels engagés puissent s’adapter à leurs contextes et réalités.