Le SNES-FSU rappelle qu’une note de service n’a pas de valeur réglementaire. Ce texte met fin à une longue cacophonie ministérielle et une succession d’annonces contradictoires. Le SNES-FSU regrette et souligne que cette note de service n’ait fait l’objet d’aucun dialogue social.

Que dit l’arrêté ?

Depuis le Conseil supérieur de l’Education, la mention “groupes de niveau” n’apparaît plus dans l’arrêté 15 mars 2024 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049286467) relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit puisque : “les groupes des élèves les plus en difficulté bénéficient d’effectifs réduits.” 

L’arrêté impose que les élèves de Sixième et de Cinquième devraient être regroupé·es, sur tout l’horaire, dans des “groupes […] constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs.” La généralisation aux élèves de Quatrième et Troisième est prévue pour la rentrée 2025. 

Des éléments de langage à décortiquer

La communication ministérielle insiste inlassablement sur l’élément de langage “groupe”, évocateur d’effectifs réduits pour l’opinion publique. Or d’effectifs réduits, il n’en est question que pour le groupe d’élèves le plus faible. Les medias ont résonné depuis des semaines du nombre 15. Un maximum de 15 élèves qui n’apparaît pas dans l’arrêté mais dans la note de service, dans une rédaction qui montre que ce nombre relève davantage d’une éventualité que d’une garantie : « le nombre d’une quinzaine d’élèves pouvant, à cet égard, constituer un objectif pertinent ».

Un collège n’a pas reçu les moyens nécessaires (34 heures) pour créer un groupe surnuméraire ? La note de service éclaire très simplement ce mystère : « il n’est pas attendu nécessairement de créer plus de groupes que de divisions si les effectifs le permettent ». En audience au ministère, le nombre de 25 élèves par classe avait été évoqué : le groupe de 15, un groupe de 28 et le groupe des 32 « meilleurs » qui pourront donc « s’envoler » (sic G. Attal). « L’enjeu est également de cultiver l’excellence des élèves les plus à l’aise »  dit la note de service.

Pour éviter cette situation, de nombreux établissement ont dû supprimer des dédoublements dans d’autres disciplines ou réduire l’offre de LV et LCA afin de financer un groupe surnuméraire via la marge d’autonomie.

Le « nombre d’alignement de classes » reste à la main de l’établissement.

Comment le ministère veut trier les élèves ?

La note de service précise sur quels éléments se fonder pour trier les élèves et les distribuer dans les regroupements de niveau : «  La composition des groupes s’appuie sur l’analyse par le chef d’établissement et les équipes pédagogiques des besoins spécifiques de chaque année, telle qu’elle résulte des conseils école-collèges, de l’expertise des professeurs et l’exploitation des résultats des évaluations de début d’année au collège. » Ce qui montre le poids des évaluations nationales standardisées. Puis « les évaluations menées en classes, d’éventuelles évaluations communes à différents moments de l’année peuvent également contribuer à cette analyse. »

La communication ministérielle a beau le répéter, les regroupements ne pourraient pas être flexibles. Les chef.fes d’établissement, sous la pression des parents, devraient leur justifier pourquoi leur enfant ne pourrait pas accéder au regroupement des « meilleur.es » élèves. L’instauration d’épreuves communes se révélerait la façon plus simple d’objectiver ces décisions. La mission Exigence des savoirs envisageait d’ailleurs l’utilisation de banques d’exercices à cette fin.

Souplesse ou annualisation ?

Le premier ministre et la ministre de l’Education nationale prétendent calmer les résistances en ajoutant à l’arrêté, présenté en CSE, la possibilité de rassembler les élèves dans leur classe de référence en mathématiques et français pendant une ou plusieurs périodes, à titre dérogatoire, de une à dix semaines dans l’année.

À quelles critiques cet ajout répond-il ?

D’une part, les ministres ont probablement entendu qu’on ne pouvait pas distribuer les élèves dans les regroupements de niveau dès le jour de la rentrée. Même les évaluations nationales standardisées ont lieu ultérieurement. Les ministres ont cru trouver la parade.

D’autre part, la recherche montre les effets néfastes des classes et groupes de niveau. Il fallait trouver une feinte. Des études nuancent légèrement cette condamnation à la condition que les groupes de niveau soient des groupes de besoins, très provisoires. Qu’à  cela ne tienne, il suffit de gommer “niveau” et remplacer par besoin et permettre que les élèves soient réuni.es en classe entière au début et à la fin de chaque période de vacances (10 semaines) pour les redistribuer. G. Attal, en visioconférence avec les chef.fes d’établissement, évoque la classe entière pour procéder à des évaluations… communes donc. La note de service insiste sur le fait que « l’alternance entre ces deux modalités » ne peut s’opérer « en aucune manière, en fragmentant l’horaire hebdomadaire ».

Comment organiser des retrouvailles d’élèves en classe entière s’il y a des groupes surnuméraires ? Quel.le professeur.es pour quelle classe ? Que feront les professeur.es de regroupements surnuméraires pendant ce temps ? Le SNES-FSU rappelle les obligations réglementaires de service (ORS) : 15 ou 18 heures hebdomadaires maximum (et 2 heures supplémentaires peuvent être imposées à l’année). Aucun.e chef.fe d’établissement ne pourrait imposer une annualisation sauvage des  services de professeur.es  et il faudrait y veiller car le statut l’interdit ! Mais le ministère ne compte pas laisser vaquer des professeur.es et la note de service propose qu’ils et elles  co-interviennent.

Comme à chaque réforme neolibérale, l’organisation est renvoyée au local avec  “souplesse”. C’est  une dérégulation supplémentaire. Chaque établissement pouvant adopter une organisation différente des autres.

Professeur·e principal·e, est-ce encore possible ?

Enfin, la note de service permet qu’un.e professeur.e de mathématiques ou de français puisse être professeur.e principal.e d’une classe dont il ou elle verrait l’ensemble des élèves jusqu’à 10 semaines sur 36. On mesure par ce genre de détails à quel point le ministère est attaché au bien-être des élèves ainsi qu’à la continuité pédagogique !

Professeur·e principal·e ou hiérarchie intermédiaire ?

La note de service met l’accent sur une nécessaire collaboration de l’ensemble des professeur.es pour mettre en œuvre ces regroupements de niveau et prévoit des réunions régulières d’équipe sous la houlette du ou de la professeur.e principal.e et du ou de la chef.fe d’établissement. L’administration préconise donc encore un accès de réunionite aiguë ! Ceci se conçoit d’autant mieux que certain.es professeur.es principaux ne connaîtraient pas une partie de la classe !

Et les élèves alors?

Quelle logique pédagogique pourrait tenir dans ces conditions ?

Comment des élèves entrant en Sixième pourront se repérer s’ils se trouvent en moins de quelques semaines face plusieurs professeur.es de mathématiques et de français, en classe puis en regroupements interclasses.

Une progression pédagogique commune et même très contraignante ne parviendrait pas subsister dans un tel chaos. D’ailleurs G. Attal a assumé à l’Assemblée nationale que tous les groupes n’évolueraient pas à la même vitesse.

Et l’École inclusive dans tout cela ?

Les élèves en situation de handicap et les élèves de SEGPA ne sont cité.es qu’une fois dans la note de service. Ils et elles ne sont pas prioritaires dans cette organisation. Afin de ne pas se voir reprocher de regrouper l’ensemble des élèves en situation de handicap dans les groupes à 15, la note de service préconise « de se prémunir de tout risque d’assignation des élèves » notamment « sans que d’autres critères, tels que la situation de handicap, n’entrent en ligne de compte ». Ces élèves doivent donc être dispersé.es dans les groupes sans tenir compte de leurs besoins.

En ce qui concerne les SEGPA, la note de service contredit l’arrêté qui n’organise pas un fonctionnement par groupe de niveau dans leur grille horaire. L’inclusion de ses élèves dans les regroupements de niveau ne peut se faire que selon le souhait des équipes et non pas celui des chef.fes d’établissement.

Comme d’habitude, les élèves d’UPE2A ne sont pas cités dans la note de service bien qu’ils et elles relèvent de l’École inclusive.

Primarisation des collèges

Le ministère avance sur son projet de primarisation du collège. Les professeur.es des écoles pacté.es sont convié.es par la note de service à intervenir à travers Devoirs faits obligatoires en Sixième mais aussi dans le cadre d’un soutien pour les élèves de tout niveau jusqu’à deux heures par semaine. Et nouvelle surprise, les professeur.es des écoles sont aussi invité.es dans les cours des PLC de français et mathématiques pour y co-intervenir !

Pour toutes ces raisons, qui abîment les conditions d’enseignement pour les élèves et le métier pour les professeur.es, ces mesures du Choc des savoirs ne doivent pas être mises en place. Cela nécessite une forte mobilisation d’abord par la grève le 2 avril et par une information des parents. Les semaines à venir permettront de construire la résistance pédagogique.


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