Conseil Supérieur des l’Education du 31 janvier 2024

Déclaration du SNES-FSU

Madame la ministre, monsieur le directeur, monsieur le président, Mesdames, Messieurs,

Madame la ministre, vous arrivez avec la responsabilité de mettre en œuvre les mesures dites « choc des savoirs » que votre prédécesseur a décidées unilatéralement. Ces annonces précipitées, tonitruantes, inquiétantes et non financées sont issues d’un rapport, toujours secret. Le SNES-FSU demande une nouvelle fois qu’il soit rendu public et que l’on cesse de prétendre que les personnels adhèrent à la mise en place des groupes de niveau. Nos collègues, comme la très grande majorité de leur représentation syndicale, n’étaient pas demandeurs de l’instauration d’une différenciation structurelle qui va trier les élèves dès leur entrée en collège sur leurs capacités supposées à réussir.

Pour le SNES-FSU, les élèves doivent apprendre et grandir ensemble dans des classes où l’hétérogénéité et l’altérité doivent rester une richesse, avec des moyens pour diminuer les effectifs par classe et pour réussir l’école inclusive, des programmes accessibles aux élèves sans en rabattre sur les exigences, de la formation initiale et continue de haut niveau pour répondre au mieux aux difficultés d’apprentissage des élèves dans le cadre du groupe classe.

Le « choc des savoirs » est pensé sur cet exact contraire. A la ségrégation sociale organisée par la concurrence du réseau privé, vient donc s’ajouter la ségrégation scolaire dans les collèges. Dans votre discours à la Sorbonne, vous avez parlé Madame la ministre du « meilleur des groupes de niveau », une qualification bien malheureuse pour les élèves des autres groupes, tout particulièrement pour ces jeunes qui seront dans le groupe des élèves les plus fragiles.

C’est oublier combien la motivation à comprendre une notion difficile, l’estime de soi une fois les obstacles surmontés et la coopération entre élèves sont des atouts précieux dans une classe qui permettent à chacun.e de progresser. Et le sort des élèves en situation de handicap dans cette nouvelle organisation des enseignements semble tout tracé même si personne ne peut s’y résoudre.

Le « choc des savoirs » ce sont surtout des savoirs émancipateurs en moins pour les élèves. Après la suppression de la technologie, les horaires de la classe de Sixième passeront de 26 à 25 heures, le supposé doublement des heures d’EMC en cycle 4 se limite à des projets en dehors de tout programme, les aménagements de scolarité ouvrent la possibilité de ne pas dispenser tous les enseignements obligatoires, la réorientation des marges vers les groupes de niveau suppriment des options, des dédoublements, ou des dispositifs d’accompagnement pour tous les élèves qui ont fait leur preuve. Et maintenant le théâtre obligatoire au collège qui laisse présager la réduction des enseignements artistiques.

Avec les problématiques de moyens, de bâti, de contraintes indépassables sur les emplois du temps, et de professeurs surnuméraires à mobiliser en français et mathématiques, la mise en œuvre des groupes de niveau s’avère impossible dans la plupart des collèges. Madame la ministre, voulez-vous vraiment d’un tel chaos à la rentrée ?

Une autre réalité doit impérativement être prise en compte dans cette équation de rentrée, la crise de recrutement qui s’aggrave. Les inscriptions aux concours de la session 2024 connaissent un nouveau repli et une quatrième reforme de la formation initiale en treize ans ne résoudra rien, bien au contraire. Un sondage commandité par la Cour des Comptes en mai 2022, mais qui n’a pas été publié, révélait que le concours en master et la longueur des études expliquaient pour moins de 5 % des étudiant.es le désintérêt de nos métiers quand près du quart des sondé.es pointaient la faiblesse des rémunérations et 29 % la difficulté des conditions de travail.

Le SNES-FSU s’oppose à toute mesure qui abaisserait les qualifications universitaires des candidat.es. Il rappelle que plus des deux tiers des admis.es aux concours du second degré ne passent pas par les INSPE : ces candidat.es qui se dirigent tardivement vers nos métiers n’y viendront plus avec un concours en L3 quand leur qualification individuelle sera plus élevée.

Le projet de réforme de la formation initiale a par ailleurs été indirectement complété par les orientations de l’inspection générale dans un récent rapport portant sur l’avenir des agrégé.es dans le second degré. L’une des hypothèses, un cadre statutaire différent pour les professeur.es selon qu’ils et elles exercent en collège ou en lycée, prépare l’éclatement du second degré où les professeur.es peuvent actuellement intervenir indifféremment de la Sixième au post-bac des lycées.

Cette offensive sur les corps n’est pas isolée et doit être rapprochée du nouveau statut du DNB, désormais examen de passage vers l’une des trois voies du lycée : un obstacle qui, après les groupes de niveau et avant Parcousup, participe à la sélection des élèves vers l’enseignement supérieur. Les classes prépa-Seconde dont nous découvrons avec stupéfaction les bases réglementaires, reproduisent le modèle des Sixièmes de transition des années 70, où les élèves comprenaient bien vite que leur parcours scolaire serait freiné, limité et même prédéterminé. C’est indigne et contraire à la loi d’orientation de 2013 qui affirme que les élèves sont toutes et tous capables de réussir.

La classe de Seconde devient donc le terrain d’expérimentation de toutes les marottes présidentielles avec le séjour de cohésion du SNU et les stages en entreprises. Que ce soit sous l’effet du management d’un patron ou sous l’uniforme du SNU, mettre au pas la jeunesse ne peut pas constituer un projet éducatif dans un pays démocratique tel que la France.

Pour réussir au lycée, d’autres mesures sont à prendre d’urgence comme les aménagements des programmes de spécialité en Terminale, la redéfinition des programmes et des épreuves de l’EAF en voie technologique, avant la remise à plat du lycée Blanquer et l’abrogation de Parcousup. Par ailleurs, nous attendons toujours l’annulation des fermetures programmées de classes de CPGE à Paris, et leur réintroduction sur Parcoursup.

Enfin, vos propos, Madame la ministre dénigrant le réseau public d’éducation et ses personnels ne doivent rien au hasard et ne sont pas une erreur ou une maladresse. Ils portent le mépris de plus en plus assumé de votre majorité pour l’école publique et laïque. Les ambitions égalitaires et émancipatrices de l’école publique qui scolarise sans condition toute la jeunesse doivent être défendues. C’est pourquoi les parents d’élèves qui font le choix pour leurs enfants de l’école publique, laïque et, gratuite ont toute la reconnaissance des personnels, quand d’autres assument un repli communautaire et l’évitement décomplexé du réseau public.

A l’appel de la FSU et d’une large intersyndicale, les personnels seront en grève ce 1er février pour défendre l’école publique, pour mettre un coup d’arrêt à ce «choc des savoirs » qui s’annonce dévastateur et pour exiger une augmentation des salaires sans aucune condition de « mérite ou d’effort individuel » tant ils et elles portent collectivement à bout de bras le service public au quotidien.


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