L’enquête menée auprès des professeur·es de Lettres classiques par le SNES-FSU entre septembre et octobre 2022 a recueilli près de 500 réponses, émanant de quasiment toutes les académies. En voici le bilan en deux temps : la situation des LCA dans les établissements et le sentiment d’abandon des professeur·es de Lettres classiques (lire ici).
LA MARGE D’AUTONOMIE EN COLLÈGE ET EN LYCÉE ASPHYXIE LES LCA
L’arrêté de 2017 et la circulaire de 2018 sans effet sur les horaires en collège
Les DHG n’augmentant pas, le latin et le grec étant toujours pris sur la marge d’autonomie, les textes ministériels qui permettent théoriquement de revenir à 3h d’enseignement hebdomadaire en 4ème et 3ème restent sans effet et les horaires de latin du cycle 4 sont majoritairement ceux d’après la réforme du collège de 2016.
Ainsi, en 5ème, l’horaire est limité à 1h hebdomadaire dans 61% des situations ; moins de 40% des établissements sont donc revenus au volume de 2h en place avant la réforme de 2016.
En 4ème et 3ème, l’horaire de 2h hebdomadaires, d’après réforme, est très largement majoritaire (86% des situations en 4ème et 84% en 3ème). Une seule heure est même dispensée dans respectivement 4% et 6% des situations !
Concernant le grec, il est enseigné par seulement 27,6% des professeur·es en collège qui ont répondu à l’enquête. Cette option est fréquemment ouverte dans des conditions plus dégradées que le latin. Ainsi pour 44% des répondant·es, l’horaire hebdomadaire n’est que d’une heure et ce n’est que dans 50% des situations qu’il est de deux heures.
En lycée, des horaires peau de chagrin
Le développement au lycée de la marge d’autonomie a eu un impact important sur les horaires.
Ainsi, les horaires règlementaires, en Seconde, sont respectés dans 54,6% des cas en latin et dans 50% des situations en grec.
En Première et en Terminale, la majorité des groupes n’a que 2h (53% en latin et 51% en grec en Première ; 50% en Terminale).
À tous les niveaux, la proportion des groupes qui n’a qu’une heure de cours est faible mais la proportion est plus importante en grec (autour de 6% pour chaque niveau).
Une tendance générale continue à la baisse des effectifs
En cycle 4, la norme est l’existence d’un seul groupe. Il est très rare que les niveaux soient regroupés (6% des situations) et c’est alors en 4ème et 3ème.
La tendance des effectifs est à la stabilité (surtout en 4ème et 3ème) ou à la diminution (surtout en 5ème). Seul·es quelques collègues constatent une augmentation des effectifs dans leur établissement. Le grec connait une moindre diminution mais son existence est bien plus confidentielle.
Au lycée, en latin, la norme est à un groupe par niveau (90% des réponses environ). Les situations dans lesquelles il y en a davantage sont extrêmement rares. Il est plus fréquent en grec qu’en latin qu’il n’y ait même pas un groupe par niveau (entre 36 et 40% des cas selon la classe concernée).
Les niveaux sont regroupés dans 44% des situations : soit on rassemble 1ere et Terminale, soit on regroupe l’ensemble des élèves.
Les effectifs sont inquiétants car ils sont très fréquemment de moins de 10 élèves (de 47% des situations en grec 2nde à 71,5% en grec Terminale ou encore 65,6% en latin Terminale). La réforme Blanquer a eu un impact important sur les effectifs en raison de la suppression des enseignements d’exploration, de la pression des enseignements de spécialité érigés en seules disciplines importantes, de la disparition du bonus au bac ou encore de la mise en concurrence des LCA avec de nouvelles options en Terminale.
La baisse des effectifs à cette rentrée est très largement majoritaire aux niveaux 2nde et 1ere, en latin, alors qu’en Terminale elle est de 40,7% en grec et de 45% en latin. Rares sont les répondant·es qui observent une augmentation, tout particulièrement en Première et en Terminale.
L’ÉCHEC DES NOUVELLES DISPOSITIONS CENSÉES REDYNAMISER LES LCA
Français Culture Antique : à peine né, déjà au rabais !
Sur les 340 collègues exerçant en collège, seulement 50 indiquent l’ouverture d’une option FCA en 6ème, soit moins de 15% des répondant·es et ce n’est que dans 18% des cas où l’option est ouverte que le collège propose 2 groupes.
Pourtant, l’année 2022-2023 devait voir se développer ce dispositif, expérimenté l’année dernière. On semble bien loin du compte.
Par ailleurs, la lettre de saisine du Conseil Supérieur des Programmes signalait l’intérêt particulier que revêtait cet enseignement pour les élèves les moins favorisé·es. Notre enquête fait apparaitre que dans la très grande majorité des cas, ce sont des élèves volontaires qui suivent FCA, ou des élèves aux profils divers. Les élèves en difficulté identifié·es en primaire ne sont pas, loin s’en faut, la cible privilégiée de cet enseignement.
Plus grave encore, dans 60% des cas, l’horaire de 2h hebdomadaires n’est pas respecté alors que les programmes sont chargés !
Seul point positif, là où elle est ouverte, l’option semble avoir trouvé son public puisque les effectifs sont entre 20 et 30 élèves dans 48% des cas.
Mare Nostrum : un dispositif confidentiel
Seulement 2,8% des collègues qui ont répondu à l’enquête indiquent que Mare Nostrum existe dans leur établissement. 10% sont même dans l’incapacité de répondre à la question ! Dans la très grande majorité des collèges et lycées, ce parcours n’est pas ouvert et il semble que beaucoup de professeur·es n’en connaissent pas l’existence.
Quand le dispositif est mis en place, les effectifs sont très faibles : moins de 10 élèves pour 55% des réponses, moins de 20 élèves pour 33% des réponses, plus de 30 pour seulement 11% des réponses.
Par conséquent, les situations dans lesquelles il n’existe qu’un seul groupe sont les plus fréquentes, 63%, contre 36% pour deux groupes.
Les élèves ne se répartissent que très peu sur les différents niveaux. Ce sont généralement des élèves de 5ème qui composent les groupes (46% des situations), et, dans une moindre mesure, des élèves de 1ère (26% des situations). Bien peu d’élèves de 2nde sont entré·es dans ce parcours puisque seulement 6% des collègues qui ont répondu indiquent la présence d’élèves de ce niveau dans les groupes. Il est à noter que dans notre échantillon, aucun·e élève de 3ème n’est inscrit·e alors que c’est le seul niveau où une réelle possibilité d’évaluation de ce dispositif est possible, avec l’oral du DNB.
De très rares latinistes et hellénistes en voie technologique
Conformément aux prévisions du SNES-FSU, 13% des collègues seulement indiquent que des élèves de la voie technologique suivent une option LCA. Des problèmes d’emploi du temps sont invoqués à hauteur de 19,5%, un défaut d’information à hauteur de 32% ou encore l’absence d’intérêt des élèves à hauteur de 31%. Le SNES-FSU portait depuis longtemps cette demande mais elle arrive, hélas, bien trop tard, dans le cadre d’une réforme du lycée qui a rendu les emplois du temps extrêmement complexes et qui de fait renforce une hiérarchie entre les disciplines prises en compte dans Parcoursup et les autres.
Une spécialité sous les radars, des conditions d’enseignement complexes
Les données ministérielles permettaient déjà de connaitre l’extrême fragilité de la spécialité LLCA. Elle n’est ouverte en latin que dans 12% des situations et en grec dans 4%.
En cas d’ouverture, le regroupement avec les élèves optionnaires est majoritaire (50% des situations en grec et plus de 68% en latin). C’est ce qui permet d’avoir une majorité de situations dans lesquelles les élèves bénéficient de leur horaire règlementaire de 4h. Restent toutefois 34% des situations en grec dans lesquelles les élèves ont moins d’heures, ce qui est le cas aussi dans 26% des situations en latin. Le problème du regroupement avec les optionnaires est que bien souvent les élèves ne bénéficient que d’une seule heure spécifique alors que la spécialité repose sur des compétences différentes de celles de l’option et qu’elle est très exigeante. On comprend qu’il soit difficile dans ces conditions de poursuivre en Terminale, surtout quand on a débuté une LCA en 2nde !
Et en effet, les informations recueillies en Terminale révèlent une spécialité quasiment confidentielle. On y retrouve les mêmes problématiques de regroupement avec l’option, d’horaires règlementaires pas systématiquement respectés. Toutefois, il semble que dans les établissements où cette spécialité est ouverte il y ait une forme de volontarisme car les 6h sont généralement dispensées.