Alors que la polémique enfle sur les réseaux sociaux autour de la place des mathématiques, des filles et des effets de la réforme du lycée Blanquer, le ministère a publié un article sur son site qui se veut une défense en règle des bienfaits de la réforme, pour la discipline, comme pour les élèves filles.
Face à cet empressement suspect (y aurait-il besoin de sauver le soldat Blanquer sur le cœur de son action depuis 5 ans aussi ?), le SNES-FSU propose un décryptage des arguments avancés publiquement, à partir des données de la DEPP (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance du ministère).
Ce que dit le Ministère :
- “En 2021-2022 plus de 60% des élèves de terminale générale suivent un enseignement de mathématiques, soit en spécialité mathématiques, soit en mathématiques complémentaires.“
Le commentaire du SNES-FSU :
En 2019-2020, et sans même en tenant compte des élèves de L qui suivaient un enseignement de mathématiques, il y avait 85,6% des élèves de terminale générale qui suivaient un enseignement de mathématiques. Le taux réel, avec les élèves de L, atteignait approximativement 87%. Tombé à 60%, ce taux n’est pas vraiment un progrès !
Ce qui dit le Ministère :
- “49 000 élèves de Terminale S avaient choisi la spécialité mathématiques en 2019-2020 : ils sont 52 000 en 2020-2021 à avoir choisi la spécialité mathématiques et l’option mathématiques expertes après la réforme.”
Le commentaire du SNES-FSU :
Cette comparaison est juste, mais s’inscrit dans une croissance continue des effectifs de cet enseignement, déjà observé sous sa forme ancienne. La hausse affichée est à considérer avec prudence, car le taux des élèves suivant ce couplage par rapport à la totalité des élèves en Terminale générale est resté stable depuis de nombreuses années, avec de petites fluctuations : de 13,2% à la rentrée 2015, puis 13,1%, 13,0%, 12,7%, 12,7% aux rentrées suivantes, il a atteint 13,8% à la rentrée 2020. La progression n’est pas aussi flagrante quand on l’évalue en regard des effectifs des élèves susceptibles de le choisir.
Ce que dit le Ministère :
- “Avant la réforme, les élèves de Terminale S qui avaient choisi la spécialité mathématiques suivaient 8 heures de mathématiques par semaine ; après la réforme les élèves qui suivent la spécialité mathématiques et l’option mathématiques expertes suivent 9 heures de mathématiques en terminale.”
Le commentaire du SNES-FSU :
C’est exact, on ne pas être plus factuel. Sachons rendre à César … !
Mais cette information ne concerne que 14% des élèves de Terminale générale (et 43% des élèves de Terminale générale et Technologique). Dans le même temps, 43% des élèves de Terminale générale n’ont plus aucun enseignement de mathématiques
Ce que dit le Ministère :
- “Les programmes de la spécialité mathématiques et de l’option mathématiques expertes (après la réforme) sont plus exigeants que ceux de Terminale S avec la spécialité mathématiques (avant la réforme).”
Le commentaire du SNES-FSU :
Nous avons, en effet, pointé la difficulté des nouveaux programmes, particulièrement dans les horaires impartis.
Pour autant, les choses ne sont pas si simples, d’autant que les attentes réelles de l’examen terminal ne sont pas connues du fait des deux dernières sessions du baccalauréat en contrôle continu. Ce qui frappe, c’est surtout l’affichage à tout prix d’une exigence renforcée, comme si de l’affichage des attendus d’un programme, on pouvait tirer un enseignement sur la réalité de ce qui est fait en classe…
Ce que dit le Ministère :
- “On comptait 17 000 filles qui suivaient la spécialité mathématiques couplée à l’option mathématiques expertes en 2020-2021 ; pour mémoire, en 2015, elles étaient 15 500 en TS à suivre la spécialité mathématiques.”
Le commentaire du SNES-FSU :
La part des filles qui suivaient cet enseignement en 2020-2021 est de 4,6 % si on le ramène à l’ensemble des élève de Terminale. Avant la réforme, ce taux était stabilisé depuis de nombreuses années aux alentours de 5,5%. Derrière la hausse des effectifs se cache parfois un recul en poids relatif… d’autant plus inquiétant que la part des filles présentes en Terminale générale n’a pas variés depuis des années, y compris avec la réforme du lycée.
Par ailleurs – phénomène plus préoccupant mais qui n’est pas mis en lumière par le Ministère -, la part des garçons qui suivent cet enseignement est passée dans le même temps de 7,5 % à 9,3 % par rapport à l’ensemble des élèves de Terminale générale : les écarts de choix entre filles et garçons se sont donc creusés en ce qui concerne cet enseignement.
Ce que dit le Ministère :
- “En 2021 la part des filles en spécialité mathématiques en 1ère est de 48,1% et en Terminale de 39,8% (soit près de 56 000).”
Le commentaire du SNES-FSU :
La part des filles qui suivaient cet enseignement en 2018-2019 était de 80,1% des élèves de la voie générale, et 52,8 % en Terminale… Le recul est net !
Ce que dit le Ministère :
- “En 2021, la part des filles dans les options de mathématiques en terminale est la suivante : 62,6% en mathématiques complémentaires (soit 40 500) ; et : 31,4% en mathématiques expertes (soit 17 000).”
Le commentaire du SNES-FSU :
Les chiffres relevés à la rentrée 2021 n’ont pas été rendus publics, difficile donc de les contredire. Cependant, ils corroborent les chiffres de la rentrée 2020 et paraissent plausibles. Mais là aussi, tout n’a pas été dit par le ministère. Ainsi :
- à la rentrée 2020, les filles représentaient de l’ordre de 2/3 des effectifs des Mathématiques complémentaires de Terminale, mais seulement 1/3 des effectifs de la Spécialité Mathématiques de Terminale. La coloration très fortement genrée de ces deux enseignement est frappante et inquiétante, mais n’est visiblement pas un sujet pour le ministre …
- la part des filles en Spécialité Maths de la Terminale S était de plus de 41 % les 5 dernières années avant la réforme, et 33% à la rentrée 2020. Au-delà de la rupture nette, les chiffres avancés par le Ministère montrent au passage que la masculinisation de cette combinaison est toujours en marche …
Ce qui dit le Ministère :
- “En 2021, 45,8% des filles en terminale suivent un enseignement de mathématiques, soit 96 500.”
Le commentaire du SNES-FSU :
Il faudrait déjà savoir ce que le ministère englobe sous le vocable « suivre un enseignement de mathématiques »… Pour nous, l’enseignement scientifique ne peut pas y être assimilé, alors que cela a été moins clair dans la communication ministérielle lorsqu’il s’est agit de justifier l’injustifiable : l’absence des mathématiques dans le tronc commun !
Nous avons préféré la dénomination d’ « enseignement significatif de mathématiques », et défini son plancher horaire à au moins 2h par semaine, pour écarter l’enseignement scientifique, mais intégrer aussi bien l’option mathématique de l’ancienne série L que la Spécialité Mathématique et l’option Maths Complémentaires du nouveau lycée. Sur cette base de cet horaire minimal, nous avons comparé la proportion de filles de Première et Terminale générales qui bénéficient d’un tel enseignement, en Première comme en Terminale.
Le constat est que cette proportion est passée, en Première, de 80,1 % de l’ensemble des élèves à la rentrée 2018 (après une hausse continue depuis la rentrée 2013 où il était de 77,8 %) à 61,4 % à la rentrée 2019, pour s’établir à 55,3 % à la rentrée 2020. Dans le même temps, ce taux évoluait, chez les garçons, de 92,9 % (rentrée 2018) à 77,9 % (rentrée 2021) , puis 74,5 % (rentrée 2020). Là aussi, le ministère évite de faire apparaître la différence d’évolution selon les genres…
En Terminale, la situation n’est pas meilleure : ce même taux est passé pour les filles de 52,5 % environ en moyenne avant la réforme à 50,1 % à la rentrée 2020… et nous ne disposons pas des chiffres de la rentrée 2021 : le chiffre avancé de 45,8 % laisse penser à une nouvelle diminution de la part des filles suivant un enseignement significatif en Terminale à la seconde promotion du nouveau lycée. On cherche désespérément un progrès …
Au passage, ces chiffres montrent bien comment les filles sont victimes, au contraire des garçons, de la double logique d’abandon des mathématiques pour tous : par l’absence de mathématiques dans le tronc commun du cycle terminal, et par la logique d’abandon d’une des 3 spécialités de Première. Mais là aussi, le ministère a choisi le silence…