Privés d’école pendant des mois, nos élèves les plus récalcitrants font plutôt bonne figure, ou plutôt demi-figure, mais suffisamment pour lire dans leurs yeux un certain bonheur de se retrouver enfin. Car, on l’a très peu entendu pendant cette longue parenthèse, l’école n’est pas seulement le lieu de l’apprentissage de savoirs, c’est aussi le lieu de la socialisation !
Les inégalités se sont creusées
C’est la rentrée et nous n’en sommes qu’au stade de l’évaluation de l’étendue des dégâts provoqués par cette longue période hors les murs de l’école. Pour certains, c’est un retard important dans les apprentissages, mais pour d’autres, et parfois les mêmes, c’est l’impact psychologique de ces mois de vie entre parenthèses. Les fameuses petites fiches de rentrée rendues aux P.P. livrent souvent un retour terrifiant : peurs, inquiétudes, angoisses sont exprimées par un grand nombre d’élèves.
Nous, CPE, au cours des premières semaines de l’année scolaire, allons beaucoup dans les classes, pour se présenter, dire quelques mots de bienvenue, mais aussi pour faire face aux fréquents dysfonctionnements (emploi du temps, options, mises au point diverses). L’observation première des collègues est celle d’élèves très disciplinés : ils portent le masque toute la journée sans rechigner, de 6h30 parfois pour les astreints aux transports scolaires, jusqu’à 19h, voire 22h pour les internes; ils se lavent les mains, se passent du gel hydroalcoolique dix fois par jour. Alors que les emplois du temps parfois ubuesques ont depuis des années grignoté leur pause méridienne, celle-ci est encore réduite par les nouvelles contraintes. Passée la joie de se retrouver, la vie au collège ou au lycée risque fort de les lasser très vite.
Rentrée, en rien ordinaire
Cette rentrée, en rien ordinaire, n’a cependant pas entamé la détermination des casseurs de l’école publique. Ignorant totalement la réalité du terrain, le ministre Blanquer continue d’avancer ses pions, sans égard ni pour les personnels ni pour les élèves. On l’entend depuis la pré-rentré tenir des discours dogmatiques, totalement désincarnés. Excepté l’incontournable protocole sanitaire, rien ne laissait penser qu’il s’agissait d’une rentrée exceptionnelle. Aucun aménagement des programmes comme demandé par le SNES-FSU, aucun moyen attribué, sinon un hypothétique stock d’heures supplémentaires, aucune reconnaissance envers les personnels qui ont beaucoup donné.
Côté Vie Scolaire, aucun moyen supplémentaire
Côté Vie Scolaire, aucun moyen supplémentaire non plus alors que le protocole sanitaire implique une plus grande présence auprès des élèves. Notre revendication de création de postes d’assistants d’éducation n’a pas été entendue, pas plus que celle d’une prolongation de contrat proposée aux AED parvenus au terme de leurs droits. La prétendue continuité pédagogique impose aux professeurs de jongler entre enseignements distanciel et présentiel (ils sont prêts, M. Blanquer l’a dit !). La tâche des CPE, en matière de suivi, de coordination, se trouve fortement alourdie mais nos revendications, comme celle, du recrutement exceptionnel de tous les admissibles du concours interne, n’ont trouvé aucun écho pour l’instant. Question de budget ? Les « vacances apprenantes », grassement dotées, dont aucun bilan n’a été publié, n’ont semble-t-il pas posé de problèmes de financement en dépit du peu d’élèves bénéficiaires.
Rester mobilisé-es pour notre métier et nos élèves
Sur le terrain, les collègues dépensent beaucoup d’énergie pour que le système tienne, que les élèves puissent être scolarisés « le plus normalement possible ». Ils ne sont pas toujours soutenus par leur direction. Aujourd’hui encore, alors que la majorité des CPE ne comptent pas leur temps, des chefs tatillons imposent des emplois du temps contre productifs, à l’encontre de nos missions. Gardons le cap, donnons la priorité au suivi des élèves, aux échanges avec les collègues et les parents et ne restons pas seuls face à l’autoritarisme et aux injonctions déplacées !