Le 11 mai dernier, le SNES-FSU avait écrit aux Inspections générales des disciplines littéraires et sciences sociales pour les interpeller sur le fait que les bouleversements dus à l’épidémie de Covid-19 allait compliquer la préparation des nouveaux programmes (voir ici notre article en date du 13 mai). Après l’envoi du courrier, certaines Inspections avaient annoncé des programmes de khâgne inspirés de programmes déjà donnés pour soulager les professeurs dans leur préparation compte tenu de la situation particulière de cette fin d’année.
En revanche, pour le CSE du 11 juin, les Inspections de Lettres et de Philosophie ont décidé de présenter des programmes totalement nouveaux pour les CPGE scientifiques et les CPGE économiques et commerciales.
Programme de français-philosophie
Programme de culture générale
Le SNES-FSU s’est alors adressé en amont du CSE aux IG et à la Direction Générale de l’Enseignement et de l’Insertion Professionnelle (Dgesip) en charge des programmes et, pour porter la question de la charge de travail, a présenté un amendement reprenant la suggestion effectuée dans le courrier du 11 mai dernier de reprendre le programme de 2014-2015 qui comprenait le roman de Virginia Woolf, Mrs Dalloway.
Amendement du SNES-FSU
Le dépôt de cet amendement du SNES-FSU a obligé l’Inspection générale à se positionner sur la question de la charge de travail.
Dans un message à la Dgesip, les groupes des Lettres et de Philosophie de l’IG ont justifié leur refus de reprendre le programme de 2014-2015 avec les arguments suivants :
1/ Au vu du nombre de concours des écoles scientifiques, les sujets déjà produits pour la session 2014 ont en grande partie épuisé le champ des propositions à la fois pertinentes, accessibles et discriminantes. Pour ne pas proposer aux concours une perspective complètement traitée par les annales, les sujets seront contraints à inventer des perspectives diagonales, biaisées, d’une difficulté toute particulière pour les candidats de la session 2021 au regard des propositions de la session 2014. Un tel choix défavoriserait donc grandement la pédagogie et une juste sélection des candidats, alors que ces critères sont évidemment prioritaires dans toute décision programmatique.
2/ L’aide apportée par la reprise d’un programme vaut pour les professeurs déjà en poste en 2014. Elle ne favorise en rien les collègues qui, nommés depuis lors, auront dans tous les cas à construire entièrement leur cours et à affronter les œuvres. Or ceux-ci sont nombreux.
3/ L’argument d’un recours au travail collectif et à la circulation des préparations qui pourraient compenser la difficulté présentée ci-dessus, peut aisément se retourner : le programme nouveau proposé et validé pour la session 2021 peut parfaitement faire l’objet d’un travail collectif, à égalité de contribution entre les professeurs en charge de cpge en 2014 et les professeurs disposant depuis moins longtemps d’une charge de service en classes préparatoires scientifiques.
4/ Le syndicat met en avant une période troublée par la situation sanitaire . Si les semaines ordinairement libérées par la tenus des écrits des concours sont par tradition celles où les professeurs de cpge prennent connaissance des œuvres du futur programme, nul ne peut penser que ces quelques semaines suffisent à construire la totalité des cours. L’amputation du temps de préparation demeure donc relative au regard du travail considérable dont nous savons que les collègues l’accomplissent tout au long de l’année, civile comme scolaire.
Selon les IG, une proposition qui se ferait aux dépens de la pertinence et de l’accessibilité des sujets de concours, et donc aux dépens de la formation des candidats, ne peut aux yeux de l’inspection générale être retenue.
Dans le même temps les IG ont indiqué que “ la question de la charge de travail dans [leurs] disciplines en classes préparatoires est à l’évidence légitime : en effet, le service d’un professeur de Lettres ou de Philosophie en CPGE, notamment scientifiques, suppose la prise en compte d’un nombre d’élèves (et notamment de copies) bien plus considérable que pour les disciplines où un seul groupe-classe suffit à définir un service, et même à l’abonder en heures supplémentaires. C’est cette considération qui a conduit d’ores et déjà à ne pas multiplier sur les deux niveaux du cursus des élèves les programmes nationaux, afin que les professeurs gagnent en temps de préparation (et par là même les contenus des cours en qualité) .” Les IG ont également précisé qu’ils étaient “bien évidemment ouverts à toute discussion concernant la charge de travail des professeurs.“
Fort de ces éléments, le SNES-FSU est intervenu en CSE pour rappeler quelques éléments non pris en compte par les IG :
– en Khâgne, les programmes tournants de plusieurs disciplines s’inspirent de programmes déjà donnés, sans que cela n’ait posé de problèmes pédagogiques, pour tenir compte de la situation particulière due à l’épidémie comme l’a signalé par exemple l’Inspection d’Histoire ;
– cette année, les professeurs de CPGE correcteurs de concours, et ils sont nombreux, devront accomplir leur mission de correction au mois de juillet, donc plus tard que d’habitude, ce qui est du temps en moins pour se consacrer à la préparation d’un éventuel nouveau programme ;
-ils ne sont pas rares les professeurs, particulièrement dans les petites classes préparatoires ou dans les CPGE dites de proximité, à avoir des services mixtes secondaire/CPGE or, nous sommes cette année en période de mise en place de la réforme du lycée qui implique aussi un gros travail de préparation.
– ils ne sont pas rares non plus, les professeurs de lettres et de philosophie à intervenir sur plusieurs classes avec des programmes tournants différents (par exemple en CPGE scientifiques et en CPGE économiques et commerciales, CPGE scientifiques et en Khâgne), ce qui alourdit considérablement leur charge de travail.
Le SNES-FSU est ensuite intervenu pour souligner qu’il ressortait justement du message des IG que la question de la charge de travail était légitime et que le SNES-FSU se félicitait que cela ait été écrit noir sur blanc par l’Inspection générale. Et qu’à partir de là, il était important de savoir ce qui pourrait être mis en place par le MENJ et le MESRI, en lien avec l’Inspection générale, pour aller au-delà du constat et commencer à apporter des réponses aux préoccupations des collègues.
La représentante de la Dgesip a indiqué qu’elle allait relayer le sujet auprès de la Direction générale des ressources humaines (DGRH). Le SNES-FSU a insisté pour que la question soit également prise en charge par l’Inspection, la Dgesip et la Dgesco (Direction générale de l’enseignement scolaire) puisqu’elle est en lien avec les programmes.
L’amendement du SNES-FSU a été adopté par le CSE… ainsi que le programme proposé par les IG et le ministère. Le ministère ne reprendra probablement pas l’amendement du SNES-FSU ; notre organisation syndicale est bien consciente que la mi-juin est une date beaucoup trop tardive pour un changement de programme. C’est d’ailleurs pourquoi le SNES-FSU a demandé, qu’à l’avenir, les textes de programme soient soumis plus tôt dans l’année au CSE afin que cette instance puisse jouer pleinement son rôle. En effet, une présentation en CSE à la mi-juin de ces textes ne permet pas de prendre suffisamment en compte les débats et les échanges qui se déroulent au sein de cette instance. Tout est ficelé d’avance avec le calendrier tel qu’il est aujourd’hui. La Dgesip a indiqué qu’elle comprenait et qu’elle était d’accord pour présenter plus tôt les programmes tout en précisant qu’elle n’avait pas complètement la main sur le calendrier de présentation des textes.
Enfin, dernière chose, conformément à ce que défendait le SNES-FSU depuis plusieurs années, le programme de français-philosophie des CPGE scientifiques comprendra bien une oeuvre écrite par une femme (voir l’article Où sont les femmes). Le travail de longue haleine mené par le SNES-FSU a fini par payer. Gageons qu’il en soit de même pour la prise en compte de la question de la charge de travail.