En mars 2019, les Assises de la Formation continue des enseignants, organisées sous l’égide du Ministère de l’Éducation nationale, avaient montré l’insuffisance de la formation continue (voir le compte-rendu qu’en fait Catherine Reverdy sur le blog Eduveille de l’Institut français de l’éducation). La publication au Bulletin officiel du 26 septembre 2019 du “Schéma directeur de la formation continue des personnels de l’éducation nationale 2019-2022” est censée démontrer l’attachement du Ministère à la formation continue, et sa volonté de la développer.
L’engagement du Ministère est en réalité très relatif, compte-tenu de la faiblesse des moyens engagés : il faudra se contenter de l’annonce que les crédits, stables en 2020, sont “appelés à augmenter” les deux années suivantes. Il est par ailleurs cocasse de voir cité, parmi les trois opérateurs privilégiés de la formation continue, le réseau CANOPÉ, quand on sait que son budget 2020 diminue.
Mais ce texte ne doit cependant pas être pris à la légère, puis qu’il doit devenir, pour trois ans, “l’unique cahier des charges stratégique de tous les plans de formation”, PAF et formations d’établissement compris.
Le schéma directeur définit trois objectifs à la formation continue : “se situer dans le système éducatif”, “se former et perfectionner ses pratiques professionnelles”, et “être accompagné dans ses évolutions professionnelles”, autrement dit l’accompagnement des réformes, la formation scientifique, didactique et pédagogique, et la préparation d’une évolution ou reconversion professionnelle.
Ce dernier “axe” étant appelé à mobiliser 10 à 20 % du budget alloué à la FC, on peut penser que les deux premiers constituent le gros morceau de la formation continue. Le détail des thématiques montre pourtant que ce qui constitue le cœur de métier des enseignant-e-s, CPE et Psy-EN occupe une place très marginale dans le schéma directeur : le texte précise que la FC doit “porter prioritairement sur” les nouveaux programmes en lycée, les fondamentaux en primaire, les évaluations nationales (“faire l’évaluation un levier d’amélioration des pratiques professionnelles”), les sciences cognitives, l’éducation artistique et culturelle “levier de promotion sociale” et “la prise en compte dans les apprentissages de la diversité des élèves”. On retrouve là, pour l’essentiel encore, la mise en œuvre de la politique ministérielle que le premier axe prend en charge en intégralité. Il nous semble évident que définies ainsi, les finalités de la formation continue sont bien loin des besoins réels qu’expriment les professionnel-le-s.
On ne peut qu’être frappé, ensuite, du localisme dont ont fait preuve les rédacteurs du schéma directeur. “Les actions de formation continue doivent être, aussi souvent que possible, menées en proximité”, écrivent-ils ; “les ateliers résidentiels, donc dans les lieux d’exercice des fonctions ou des lieux proches devant être systématiquement recherchés”. Le “service RH de proximité”, que le s’emploie à déployer partout, après une expérimentation l’an dernier, doit être étroitement associé à la mise en œuvre académique du schéma directeur. On peut certes penser qu’il aidera à définir des formations en adéquation avec les besoins exprimés par les personnels… mais la présentation que le Ministère fait de ce nouveau service en fait douter : il évoque surtout “l’accompagnement individualisé des personnels dans leurs projets de mobilité, de formation et de carrière (coaching, bilans de compétences ou de formation etc.), détection des potentiels”, “identification d’opportunités d’évolution professionnelle”. La priorité aux “ateliers résidentiels” est tout aussi inquiétante, puisqu’ils sont “co-construits avec l’équipe de direction et l’équipe pédagogique pour répondre aux besoins de formation des enseignants et de tous les personnels qui encadrent les élèves”.
Enfin, qui forme ? Pour les personnels d’enseignement, d’éducation et d’orientation, deux opérateurs sont cités : les INSPÉ (nouveau nom de baptême des ESPE, ex-IUFM), le réseau CANOPÉ. On a dit ce que le budget 2020 réservait à CANOPÉ ; on pourrait se féliciter de voir que les INSPÉ “ont vocation à assurer une large part de la formation continuée”…. mais justement, il n’est question que de formation “continuée”, pas “continue”. Telle que la définit une note du Réseau des INSPE,
la “formation continuée permet [aux lauréats de concours], devenus néo-titulaires, d’acquérir les compétences complémentaires à l’exercice de leur métier, notamment celles qui relèvent du projet de leur établissement d’affectation en lien avec les priorités académiques“. Cela réduit significativement le champ d’intervention des INSPE, qui sont par ailleurs en cette rentrée repris en main par le Ministère de l’Éducation nationale, au point que nos camarades du SNESup-FSU évoquent leur dés-universitarisation. Alors pour ce qui est des formateurs, pour finir, l’une des idées-clés semble être aussi le localisme : les personnels doivent “partager leurs expériences entre pairs”, “les actions de formation doivent valoriser la formation par les pairs (tutorat)”. Localisme, ou “distanciel” : le schéma directeur promet, pour 2020, une “offre renforcée et de qualité de parcours en autoformation” sur la plate-forme M@gistère, lancée en janvier 2014. Si l’on jette un œil sur les 51 “parcours” proposés, à l’heure actuelle, par M@gistère sur l’utilisation du numérique, on peut observer que 35 d’entre-eux sont des parcours en auto-formation, édité par par une filiale du groupe ENI (ENI MediaPlus E-Learning), propriétaire par ailleurs de plusieurs écoles d’informatique. Et c’est là, pour finir, la dernière inquiétude, et pas la moindre, que suscite de schéma directeur : l’ouverture du “marché” de la formation continue au privé, et à un secteur associatif de plus en plus contrôlé par des mécènes intéressés.