Le ministre donne des consignes au CSP pour les futurs programmes de SES. Et ce n’est pas très rassurant…
Dans un courrier adressé à Souâd Ayada, présidente du CSP, le 3 juillet, Jean-Michel Blanquer affirme que « la proposition de rendre plus « mathématique » certaines disciplines », avancée par le CSP, « est (…) souhaitable dans le champ des sciences économiques et sociales ». Aucune justification explicite n’est donnée : on apprend seulement que, pour le ministre, « il convient de renforcer les approches microéconomiques, nécessaires pour comprendre les mécanismes fondamentaux de l’économie ».
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La microéconomie étant fortement mathématisée, on peut supposer que son renforcement dans les programmes viendrait justifier, et mettre en œuvre nécessairement, un renforcement de la dimension « mathématique » des SES.
On ne commentera pas l’interventionnisme fort du ministre dans la confection des programmes, auquel il nous avait déjà habitués sous Chatel. Mais son argument peut légitimement faire naître des inquiétudes quant aux contenus des futurs programmes, si la réforme est maintenue.
Certains l’ont noté1, la microéconomie est en réalité déjà très présente dans les programmes actuels de SES, en particulier en classe de Première ES, où elle occupe la moitié du programme d’économie, avec pas moins de 7 chapitres et 25 notions. Il est donc pour le moins curieux de laisser entendre que la microéconomie serait actuellement trop peu étudiée en SES. Quant au caractère soi-disant incontournable de cette approche pour comprendre « les mécanismes fondamentaux de l’économie », on rappellera quand même que la macroéconomie est tout aussi fondamentale, et surtout que les Sciences économiques et sociales ne se réduisent pas à l’étude des « mécanismes fondamentaux de l’économie »… ce que le ministre reconnaît – pour la forme – dans son courrier.
Mais le vrai enjeu est sans doute ailleurs. Cela fait déjà de nombreuses années que certains lobbies proches du patronat très présents au sein de l’Académie des sciences morales et politiques, elle-même représentée au groupe de travail sur les programmes de SES, font pression sur la discipline, pour tenter de « neutraliser » ce qu’ils voient comme une approche trop « critique » des mécanismes de marché. Un de leurs arguments essentiels consiste à demander que la microéconomie prenne une place croissante dans les programmes. L’intérêt de ces lobbies pour la microéconomie tient à son utilisation dans leur combat pour présenter le capitalisme comme un système parfait et indépassable.
Quand le ministre prétend rendre la discipline plus scientifique en y introduisant davantage de microéconomies, il se fait le porte-parole de ces lobbies dans leur entreprise de dénaturation des Sciences économiques et sociales et d’instrumentalisation politique de l’enseignement. Une vigilance extrême s’impose donc dans l’avenir proche…
1. Voir communiqué de presse de l’APSES, 8 juillet 2018.