Nous publions ci-dessous les deux textes dont le contenu a fait l’objet d’échanges en
Commission spécialisée des lycées le mercredi 4 juillet : d’une part
un arrêté abrogeant celui du 9 mai 2003 sur les conditions d’attribution de l’indication SELO sur les diplômes du baccalauréat (général et technologique), d’autre part
un décret créant une nouvelle indication, alternative, « discipline non linguistique ayant fait l’objet d’un enseignement en langue vivante (DNL) ». Le Snes-FSU, s’appuyant sur une analyse critique de ces textes et une connaissance approfondie de la situation actuelle de ces sections, a été l’une des deux seules organisations syndicales à demander modifications et clarifications sur les aspects problématiques des textes lors de la Commission spécialisée des lycées.
Des sections européennes qui visent le renforcement linguistique… sans financement dans les dotations horaires ?
“Les sections européennes ou sections de langue orientale (SELO) proposent :
– un horaire d’enseignement linguistique renforcé dans la langue vivante étrangère de la section ;
– l’enseignement, dans la langue de la section, d’une partie du programme d’une ou plusieurs disciplines non linguistiques ;
– des activités culturelles et d’échanges internationaux dans le cadre du projet d’établissement.”
Cet arrêté confirme le dispositif décrit dans la
circulaire fondatrice de 1992 avec deux précisions bienvenues.
Le renforcement de la langue vivante étrangère de la section en lycée n’est pas prévu depuis 1992 (il s’agissait du dispositif en place au collège, financé dans les DHG, supprimé par la dernière réforme).
Le nouveau texte à l’article 4 précise qu’il devra être d’au moins une heure hebdomadaire au cycle terminal (la situation de la classe de seconde n’est pas clarifiée). Ceci officialise un supplément qui, n’étant pas obligatoire, dans beaucoup de lycées n’existe pas, faute de dotation suffisante.
Le Snes-FSU a posé la question du financement de ce supplément dans les DHG, sans obtenir aucune garantie à ce jour – de même que pour tous les autres enseignements optionnels du lycée Blanquer.
Seconde précision, concernant l’enseignement de DNL : la circulaire de 1992 indiquait qu’il avait lieu “sur l’horaire normal” ce qui n’impliquait pas l’attribution de moyens supplémentaires.
Le nouveau texte officialise donc la possibilité d’attribuer au moins une heure « en sus ». Cependant des cours en DNL “sur l’horaire normal” (horaire de la discipline de tronc commun ou de l’enseignement de spécialité, par exemple histoire-géographie, mathématiques, philosophie etc) seraient par rapport à l’existant dans beaucoup de lycées une régression. En effet, depuis 1992, les sections européennes se sont considérablement développées, et les collègues soucieux de diversité linguistique et de démocratisation du dispositif ont réussi à faire admettre que l’horaire spécifique était la meilleure solution. Meilleure solution pour
ne pas constituer des classes européennes homogènes socialement et scolairement, en plaidant plutôt pour des « sections euro » dont les élèves peuvent êtres issu.e.s de plusieurs classes ; meilleure solution pour
permettre l’existence de SELO dans des langues autres que l’anglais, car elles ne sont pas enseignées à un nombre suffisant d’élèves pour constituer des classes complètes à 35.
La diversification linguistique figurait en toutes lettres dans les objectifs de la circulaire de 1992.
A n’en pas douter, le maintien dans le nouveau texte de l’expression “sur l’horaire normal”, dans un contexte de restriction budgétaire, conduira à la constitution de “classes” partout où cela sera possible, et mettra en danger les “petites” sections ainsi que celles qui permettent la mixité des élèves de la voie technologique et de la voie générale. C’est pourquoi le Snes-FSU a demandé que cette précision soit retirée. Il est de toutes façons très illusoire de penser pouvoir profiter de l’enseignement d’une discipline non linguistique par un saupoudrage de quelques activités en langue étrangère. D’autant que les enseignant.e.s auront à traiter le programme de leur discipline, et à respecter la même progression que leurs collègues dans la perspective des épreuves communes de contrôle continu.
Une évaluation spécifique maintenue au baccalauréat ?
Le nouveau texte remplace l’épreuve orale spécifique terminale qui est actuellement passée par les élèves devant un double jury (professeur.e.s de DNL et de langue vivante) par une “évaluation spécifique de contrôle continu visant à apprécier le niveau de maîtrise de la langue” (article 2). La dimension DNL de cet oral semble avoir disparu, ce qui est contradictoire avec l’article 7
“une évaluation spécifique de contrôle continu visant à apprécier le niveau de maîtrise de la langue qu’il a acquis dans une discipline non linguistique”. Le Snes-FSU a demandé des clarifications, sans les obtenir pour l’heure.
Cette organisation ne fait-elle qu’ajouter une épreuve orale de langue, locale, sans garantie que les candidat.e.s ne soient pas interrogé.e.s par leurs propres professeur.e.s ? Qui fera passer cet oral ? A l’heure actuelle les candidat.e.s sont interrogé.e.s sur le programme de DNL de terminale, à partir de banques académiques de sujets, et dans la deuxième partie de leur oral sur les projets qu’ils ont menés dans le cadre de la section.
Le nouvel arrêté ne semble pas admettre la spécificité du travail qui est effectué en DNL (car pour la maîtrise de la langue il y a… les cours de LV justement…). Enfin l’évaluation orale devra avoir lieu au deuxième trimestre et non plus au troisième, ce qui pose la question de la DNL après l’épreuve (écueil cyniquement évité si la DNL est « sur l’horaire normal » de la discipline ou de la spécialité…)
Des DNL déréglementées
Le Ministère propose de créer une nouvelle indication « DNL » qui pourrait se substituer à l’indication « SELO ».
“Au dernier alinéa de l’article D. 334-11 du code de l’éducation, entre les mots : « ou “section de langue orientale” » et « ou “option internationale” », sont insérés les mots : « ou “discipline non linguistique ayant fait l’objet d’un enseignement en langue vivante” »
Par cette création il souhaite apparemment
ouvrir la possibilité à davantage d’élèves de recevoir un enseignement en DNL sans suivre le dispositif SELO complet tel que décrit dans le projet d’arrêté SELO et DNL (renforcement en langue vivante + DNL + projets et activités).
La libéralisation de l’enseignement en DNL se justifie selon l’administration par le fait qu’il est dommage que des enseignant.e.s possédant la certification complémentaire DNL ne puissent pas en faire profiter les élèves lorsqu’ils et elles n’ont pas obtenu un poste spécifique en section européenne. Présentée ainsi, la mesure pourrait bien séduire les collègues concerné.e.s, des chefs d’établissement soucieux de proposer un enseignement « original » sans aucun coût pour leur DHG, ainsi que les familles et les élèves qui regretteraient de pas être inscrits dans un dispositif SELO. L’article 6 de l’arrêté précise en effet :
« Hors section européenne ou section de langue orientale, les disciplines autres que linguistiques peuvent être dispensées en partie en langue vivante étrangère ou régionale, conformément aux horaires et aux programmes en vigueur dans les classes considérées. »
L’article 7 ajoute que l’indication DNL figurera sur le diplôme du baccalauréat à condition de passer le même oral que celui prévu pour l’indication SELO « une évaluation spécifique de contrôle continu visant à apprécier le niveau de maîtrise de la langue qu’il a acquis dans une discipline non linguistique ». Il est pour le moins curieux voire disruptif d’imaginer des élèves se présenter à la même épreuve en n’ayant pas bénéficié des mêmes conditions de préparation, et de le présenter comme un progrès !
La volonté de passer cet oral et le choix de la langue devront être déclarés au moment de l’inscription au baccalauréat, et les textes n’indiquent pas si la DNL devra avoir été suivie en continu pendant tout le cycle terminal, voire depuis la seconde. En revanche
« Le diplôme peut comporter, le cas échéant, l’indication de plusieurs disciplines non linguistiques ayant fait l’objet d’un enseignement en langue vivante » ! Comment, dans ces conditions, attester d’un niveau de maîtrise de la langue acquis dans UNE discipline non linguistique ? Faudra-t-il concevoir un oral à géométrie variable en fonction de chaque candidat.e, avec un petit peu de chacune des disciplines suivies en langue étrangère à un moment ou un autre ? Quand le Ministère voit dans cette nouveauté une montée en puissance des DNL, une possibilité de les rendre accessibles au plus grand nombre,
le Snes-FSU s’inquiète de la dégradation des conditions d’apprentissage et d’enseignement que représente un renvoi au local hors de tout cadrage académique et encore moins national. Aujourd’hui l’implantation des sections européennes relève de la carte des formations, et l’existence d’une section européenne dans un lycée implique un « cahier des charges » pédagogique quelque peu contraignant.
Le Ministère veut permettre que des sortes de sections européennes low cost puissent exister un peu partout dans les lycées en fonction des professeurs disponibles, à l’initiative des chefs d’établissement, sans horaire supplémentaire ni en langue vivante ni en DNL. Dès lors, pourquoi les rectorats se soucieraient-ils désormais de soutenir les SELO existantes voire d’en ouvrir de nouvelles ?… Le
low cost risque de devenir la norme, et la richesse des projets pédagogiques menés conjointement par les enseignant.e.s de langues vivantes et de DNL depuis 25 ans de se tarir rapidement, faute de moyens horaires.
Une fois de plus, Jean-Michel Blanquer, en prétendant développer les DNL dans le cadre de la réforme du lycée, est dans l’affichage de mesures qui ne lui coûtent rien.
Projet d’arrêté SELO et DNLProjet de décret DNL
Documents joints